Nouvel espoir dans la lutte aux changements climatiques

Publié le 25/11/2022 à 18:30

Nouvel espoir dans la lutte aux changements climatiques

Publié le 25/11/2022 à 18:30

(Photo: Marek Piwnicki pour Unsplash)

ANALYSE ÉCONOMIQUE. La récente COP 27 sur le climat en Égypte est un échec: la communauté internationale n’a pas réussi à fixer de nouvelles cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle. Malgré tout, il y a des raisons d’espérer à terme, car plusieurs pays ont réussi à découpler leur croissance économique de leurs rejets de GES.

Concrètement, cela signifie que ces pays ont réussi à réduire — dans certains cas, modestement — ou à stabiliser leurs émissions de GES tout en continuant à augmenter leur produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire la valeur marchande totale de tous les biens et services dans une économie.

Parmi ces États, on trouve l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, les États-Unis et l’Australie, un pays dit ressource, qui produit notamment du gaz naturel et du pétrole. En revanche, le Canada, la Chine et l’Inde — trois importants pays émetteurs de GES — ne figurent pas dans ce groupe.

Bien entendu, à eux seuls, ces pays ne sont pas capables de faire baisser les émissions mondiales de GES.

En fait, il faudrait un découplage plus important et à plus grande échelle pour limiter la hausse de température globale à 1,5 degré Celsius, selon François Delorme, économiste à l’Université de Sherbrooke et membre du G15+, un groupe de leaders économiques, syndicaux, sociaux et environnementaux du Québec.

 

Il faut des réductions de GES de 8% par année

«Le Programme des Nations Unies pour l’environnement estime qu’il faudrait une baisse annuelle des émissions de GES de 8% par an de 2020 à 2030 pour atteindre la cible de 1,5°C, fixée par l’Accord de Paris», souligne-t-il.

Or, en 2021, elles ont augmenté de 6%, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Comme les émissions ont chuté en 2020 à la suite de la fermeture de pans de l’économie en raison de la pandémie de COVID-19, il y a donc un effet de rattrapage dans cette hausse de 6%.

Cela dit, la production de GES est à nouveau sur une pente ascendante, même si le rythme de croissance a décéléré ces dernières années.

Parmi ces pays, certains ont réussi ce découplage PIB-GES depuis 30 ans (de 1990 à 2020), montre une analyse effectuée par le Financial Times, à partir des données de la fondation en développement durable Gapminder, de la Banque mondiale et du site scientifique Our World in Data.

Comme on peut le constater sur cette infographie, les Pays-Bas et l’Allemagne sont les champions du découplage, tandis que la France fait également bien, notamment en raison de l’utilisation importante du nucléaire dans sa production d’électricité.

Dans le cas des États-Unis et de l’Australie, le découplage date d’une décennie, mais les réductions de GES demeurent relativement modestes pour l’instant.

 

Les Pays-Bas et l’Allemagne sont les champions du découplage, tandis que la France fait également bien. (Tableau: Les Affaires)

 

Sans grande surprise, le Canada, un important producteur de pétrole et de gaz naturel, ne figure pas dans ces pays. De 1990 et 2020, ses émissions de GES ont même augmenté de 13,1%, selon les données du gouvernement canadien.

Bref, nous n’arrivons pas à découpler croissance économique et réduction des GES.

«Au Canada, les émissions ont augmenté dans les transports et dans les hydrocarbures, alors que peu de réductions ont eu lieu en électricité parce que le secteur électrique est largement décarboné», souligne Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal et titulaire de la Chaire en gestion du secteur de l’énergie.

Même si les États-Unis sont un important producteur de pétrole et de gaz naturel, le pays a néanmoins réussi à découpler son PIB et ses GES, car il n’a pas de sables bitumineux en croissance (comme dans l’Ouest canadien), selon Pierre-Olivier Pineau.

L’économie américaine a aussi réussi à réduire ses émissions en remplaçant de la production d’électricité aux énergies fossiles par des sources d’énergies renouvelables.

 

Les Européens sont les modèles à suivre

Pierre-Olivier Pineau estime que la performance des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la France est remarquable.

«Ce sont des pays qui consomment déjà de 30 à 50% moins d’énergie par personne. Ils arrivent à diminuer leur consommation d’énergie et ils ont des ambitions d’efficacité énergétique plus grande que les nôtres… Et, au moins jusqu’avant la guerre en Ukraine, la croissance économique était au rendez-vous, au moins pour l’Allemagne», fait-il remarquer.

Le découplage entre le PIB et les GES dans plusieurs pays démontre qu’il est possible de réduire un jour les émissions globales dans le monde.

Et de limiter à terme le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius, voire 2 degrés, si nous ne voulons pas bouleverser le climat de la planète — et ses impacts néfastes sur toutes les formes de vie, incluant l’humanité.

Mais comme le fait remarquer François Delorme, «il y a loin de la coupe aux lèvres».

Beaucoup d’efforts restent donc à faire pour y arriver, notamment au Canada.

La recette est assez bien connue, rappelle Pierre-Olivier Pineau: il faut davantage de politiques incitatives pour réaliser des économies d’énergie, et ce, de la taxation de l’énergie aux taxes kilométriques pour transporter des marchandises.

Techniquement, nous pouvons donc encore y arriver.

C’est pourquoi ce découplage PIB-GES suscite un nouvel espoir.

À propos de ce blogue

Dans son analyse bimensuelle Dans la mire, François Normand traite des enjeux auxquels font face les entrepreneurs aux quatre coins du Canada, et ce, de la productivité à la pénurie de la main-d’œuvre en passant par la 4e révolution industrielle ainsi que la gestion de l’énergie et des ressources naturelles. Journaliste à «Les Affaires» depuis 2000 (il était au «Devoir» auparavant), François est spécialisé en ressources naturelles, en énergie, en commerce international et dans le manufacturier 4.0. François est historien de formation, en plus de détenir un certificat en journalisme de l’Université Laval. Il a réussi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières au Canada (CCVM) de l’Institut canadien des valeurs mobilières, et il a fait des études de 2e cycle en gestion des risques financiers à l’Université de Sherbrooke durant 15 mois. Il détient aussi un MBA de l'Université de Sherbrooke.

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