Mieux comprendre le cerveau pour mieux saisir l'expérience client

Publié le 23/10/2019 à 07:00

Mieux comprendre le cerveau pour mieux saisir l'expérience client

Publié le 23/10/2019 à 07:00

Antoine Deswarte, expert en neurosciences appliquées.

Antoine Deswarte, expert en neurosciences appliquées. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. La confiance accordée à l’employé d’un commerce et la fluidité d’une prestation de service sont toutes deux liées à la compréhension du fonctionnement du cerveau. Du moins, c’est ce que je retiens de mon entretien avec Antoine Deswarte, expert en neurosciences appliquées. Résumé d’une conversation récente.

À la suggestion d’une amie et partenaire d’affaires, j’ai profité d’un récent séjour à Paris pour rencontrer Antoine Deswarte, expert en neurosciences appliquées et PDG de l’entreprise Ocytocine Dealer. Antoine est un entrepreneur, notamment dans le domaine du marketing et des communications.

En 2013, il a rencontré des chercheurs en neurosciences et en physiologie qui lui disaient pouvoir mesurer l’intensité de la douleur d’un patient anesthésié en bloc opératoire. Oeuvrant dans une boîte de marketing, il s’est demandé si l’approche pouvait aussi mesurer le bonheur! Le but était simple: il voulait quantifier l’engagement, la réponse émotionnelle d’une nouvelle campagne publicitaire auprès des consommateurs. Les chercheurs ont trouvé cela amusant… et intéressant! Après un an d’études cliniques, en 2014, il a été établi qu’on pouvait employer la même technique pour mesurer l’intensité émotionnelle chez une personne consciente. C’est cette aventure qui a poussé Antoine à explorer davantage la neuroscience et à fonder sa nouvelle entreprise.

Au fil de notre conversation, nous avons établi plusieurs liens avec l’expérience client. En voici deux.

L’habit ne fait pas le moine, mais l’humain a des biais.

Antoine me raconte que lorsque deux êtres humains se rencontrent pour la première fois, une vérification inconsciente s’effectue. C’est l’effet de halo.

Quand on voit une personne pour la première fois, sans que cela soit conscient, le cerveau l’analyse. En fonction de sa tenue vestimentaire et du contexte, il se fera une idée — préconçue — de cette personne. Tiens donc! J’en parlais justement dans mon précédent billet.

Pourquoi préconçue? Parce que le cerveau est limité par l’énergie dont il dispose, soutient Antoine. «Notre cerveau vise constamment à économiser l’énergie. Or, l’analyse et les actes conscients en consomment beaucoup. Donc, lorsqu’on voit quelqu’un pour une première fois, il y a un acte conscient d’analyse — très énergivore — qui va inciter le cerveau à basculer sur le non-conscient en fonction de ce qu’il aura appris. C’est de cette façon que se créent les préjugés et les interprétations. On interprète parce que ça coûte moins cher en énergie, le tout en fonction de notre savoir, de notre culture, de notre mémoire, de ce qu’on a vécu pendant toute notre vie. On fait des raccourcis.»

Un exemple classique serait de penser qu’un client mal habillé n’a pas d’argent… et de ne pas le considérer. Un autre exemple serait d’accorder moins d’intérêt à un employé d’un commerce — ou de le juger moins compétent — à cause de sa tenue ou de son allure. D’où l’importance de respecter certains codes — à tort ou à raison — pour faciliter certaines interactions.

L’entraînement est essentiel.

Lorsqu’on a envie d’être spécialiste de quelque chose, ou qu’on aime faire quelque chose, l’entraînement est extrêmement important, souligne Antoine. Cela permet de transformer un acte conscient en un acte inconscient, c’est-à-dire qu’il ne consommera pas du tout d’énergie cérébrale.

Un exemple? Un apprenti conducteur, après avoir parcouru 200 km, est épuisé parce qu’il a dû penser chaque fois à regarder dans les rétroviseurs, actionner le clignotant, changer les vitesses, ce qui l’accapare. Pour un conducteur expérimenté, ces gestes sont automatiques et (la plupart du temps) bien exécutés.

Donc l’entraînement est important dans tous les domaines. Il crée des automatismes qui ne consomment pas d’énergie.

(NDA) Il y a un lien direct à faire avec la formation des employés. Cela me rappelle un entretien avec le dirigeant de Nespresso Canada qui m’informait que l’accueil et le service du café y sont enseignés, répétés et peaufinés, jusqu’à ce qu’ils deviennent une seconde nature, un automatisme pour l’employé. Nespresso vise dans ses cafés un service impeccablement exécuté. Le manque de fluidité causé par l’exécution d’un script n’est pas apprécié des clients. Si la formation est complète, cette façon d’agir et de s’exprimer est moins récitée. L’interaction semble plus sincère, plus naturelle. Les gestes sont plus sûrs, moins hésitants, comme ceux d’un chef d’expérience en cuisine.

Antoine mentionne que la répétition est acceptée par l’être humain si elle a du sens. Pour qu’un effort soit consenti, il faut qu’il ait du sens. «Il n’y a pas de bons ou de mauvais employés, il n’y a que des employés qui sont ou ne sont pas à la bonne place. Ainsi, un serveur de restaurant qui n’aime pas son travail va mal le faire parce qu’il aurait aimé faire autre chose. Pour qu’un employé soit heureux, il doit y avoir plus de bénéfices que de sacrifices.»

Plusieurs autres liens existent entre l’expérience client et le fonctionnement du cerveau. J’y reviendrai, c’est certain.

À propos de ce blogue

De kessé l’expérience client se veut un blogue pour les dirigeants, responsables de l’expérience client, et toute personne qui est en contact direct, ou indirect avec la clientèle. Le but? Démystifier l’expérience client sous tous ses angles. Daniel Lafrenière est stratège en expérience client omnicanale. Oeuvrant depuis plus de 30 ans, il a aussi donné des conférences au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il est l’auteur de 10 ouvrages en expérience client, expérience employé et transformation numérique.

Daniel Lafrenière