L'expérience citoyen: un gaspillage de fonds publics?

Publié le 15/05/2018 à 11:21

L'expérience citoyen: un gaspillage de fonds publics?

Publié le 15/05/2018 à 11:21

Des ministères et organismes du gouvernement du Québec ont débuté un important virage en s’attardant à l’expérience citoyen.

Outre la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) pour ne nommer que celles-là, Retraite Québec a entrepris plusieurs chantiers pour améliorer les relations avec sa clientèle, que ce soit à la naissance d’un enfant, à la retraite ou au décès d’une personne.

Isabelle Merizzi, vice-présidente Services à la clientèle de l’organisme viendra d’ailleurs nous en parler lors de la Conférence Expérience client le 5 juin prochain à Montréal.

Quelqu’un m’a d’ailleurs interpelé sur LinkedIn à ce sujet. Sa question était simple : pourquoi s’attarder à l’expérience citoyen puisque ce dernier n’a d’autre choix que de transiger avec le gouvernement? N’est-ce pas une (autre) dépense inutile de fonds publics?

Certes, le fait que le gouvernement n’ait pas de concurrents semble lui faciliter la vie. Il n’a pas à craindre une autre entreprise qui fera mieux que lui et qui lui dérobera 50% de sa clientèle chèrement acquise. Peu probable qu’un Uber de ce monde vienne jouer dans ses plates-bandes, quoique… Il se pourrait bien qu’une entreprise privée trouve une meilleure façon de servir le citoyen à moindres coûts et que certains organismes gouvernementaux soient tentés d’impartir leurs prestations de service. Mais ce n’est pas le sujet que je veux aborder aujourd’hui.

Ce que je veux communiquer haut et fort, c’est que même s’il y a un coût à s’occuper de l’expérience citoyen, ne pas s’en préoccuper coûte plus cher, en plus d’irriter les citoyens. Explications.

Côté citoyen

En tant que citoyen, ne serait-il pas agréable de sentir plus souvent qu’on se préoccupe vraiment de nous, qu’on ne fait pas que suivre la procédure, appliquer le règlement ou la loi de façon froide, mécanique, sans empathie?

Ne serait-il pas plus rassurant d’être écouté, compris et accompagné par des fonctionnaires qui veulent notre bien-être et qui nous servent comme si l’on était un membre de leur famille, voire leur mère? Ne serait-il pas plus agréable que les processus gouvernementaux s’ajustent à la réalité et aux besoins des citoyens et non l’inverse comme c’est le cas depuis toujours?

Nous passerions ainsi de l’appréhension, incompréhension, confrontation, frustration voire crainte à une impression de relation, de réel service aux citoyens. Tous les ministères et organismes sont dotés des vice-présidences ou des directions de service aux citoyens mais parfois, et cela m’en désole, on dirait qu’elles n’ont de « service » que le nom.

Imaginez un organisme gouvernemental qui vous contacterait pour prévenir une erreur coûteuse. Qui vous rappellerait une date d’échéance ou un rendez-vous par votre moyen de communication préféré : courriel, message vocal, texto. Fini toutes ces lettres du gouvernement que personne n’ouvre (!) ou ne comprend (!).

Imaginez un organisme gouvernemental qui vous tiendrait au courant du traitement d’une demande comme le fait Postes Canada lors de l’expédition d’un colis.

Tout cela est possible. Il suffit d’un peu de volonté!

Côté gouvernement

Être réellement au service des citoyens et de leur faciliter la vie ne peut qu’être bénéfique pour le gouvernement. Le principal gain concerne l’augmentation de l’efficacité opérationnelle.

Communiquer clairement et simplement en parlant le langage du citoyen, prévenir les erreurs ou les oublis, personnaliser l’approche (au lieu d’envoyer le même formulaire avec les 10 annexes génériques qui génère des questions ou des soucis à celui ou celle qui doit le compléter), tenir le citoyen au courant du traitement d’une demande, rassurer voire réconforter sont autant de façons d’améliorer la vie des citoyens et de diminuer les coûts pour le gouvernement.

Un citoyen qui appelle pour obtenir du soutien afin de bien compléter un formulaire coûte cher. Un citoyen qui appelle tous les jours pour s’enquérir du traitement de sa demande consomme temps et argent. Un formulaire mal complété qui doit être retourné au citoyen pour être corrigé rallonge les délais de traitement et augmente la charge de travail. Devoir rappeler un citoyen et jouer au ping-pong avec sa boîte vocale pour confirmer un renseignement n’est guère plus efficace. Un citoyen qui oublie un rendez-vous pénalisera inutilement les autres en consommant deux plages horaires plutôt qu’une. Bref, ce ne sont pas les exemples qui manquent.

Il y a eu beaucoup d’améliorations grâce au numérique au fil des années. On n’a qu’à parcourir le site web de la SAAQ pour le constater. Tout est plus clair, mieux structuré, et simplifié avec une réelle intention d’améliorer l’expérience citoyen. Il reste cependant de l’ouvrage, notamment chez Revenu Québec où le document accompagnant un chèque de remboursement d’impôts ou de taxes était (ou est encore?) intitulé « Avis de cotisation ».

Transiger avec des clients dans une démarche humaine comporte aussi des effets positifs chez les employés, transformant leur travail de « gardien des procédures » en « accompagnateur/conseiller » des citoyens, ce qui est valorisant. Pour être honnête, je constate que la transformation est déjà débutée, notamment chez Revenu Québec où l’on m’a transféré à une gentille fiscaliste pour répondre à une question plutôt pointue concernant le calcul de la taxe de vente. On m’a donné rapidement la bonne réponse, avec le sourire. Bravo!

Réfléchir à l'expérience citoyen évite aussi à ces organismes de coûteux dérapages technologiques. On ne compte plus les initiatives numériques qui, malgré leurs bonnes intentions, ne tiennent pas compte du contexte et des besoins des citoyens dans leur ensemble… et qui finalement n'ont pas de réelle valeur pour ces derniers. Il faut cesser de tout construire en silos. Il faut penser globalement.

Finalement, cela changerait — pour le mieux — la perception qu’ont les citoyens du gouvernement. Au lieu de le voir comme un simple législateur, « punisseur » et collecteur de fonds, on le verrait comme une entité au service du bien commun et des gens

À propos de ce blogue

De kessé l’expérience client se veut un blogue pour les dirigeants, responsables de l’expérience client, et toute personne qui est en contact direct, ou indirect avec la clientèle. Le but? Démystifier l’expérience client sous tous ses angles. Daniel Lafrenière est stratège en expérience client omnicanale. Oeuvrant depuis plus de 30 ans, il a aussi donné des conférences au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il est l’auteur de 10 ouvrages en expérience client, expérience employé et transformation numérique.

Daniel Lafrenière