Expérience client: une question de mémoire

Publié le 29/01/2020 à 07:00

Expérience client: une question de mémoire

Publié le 29/01/2020 à 07:00

Un homme se bouche les oreilles, entouré de sept téléphones.

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. La mémoire joue un rôle important dans l’expérience client. On dit souvent que l’expérience client est l’émotion ressentie par une personne lorsqu’elle interagit avec une entreprise. Je préciserais que c’est le cumul des émotions ressenties au fil des semaines, des mois, des années lors de multiples interactions. C’est la mémoire du ressenti et du vécu.

Si un client a vécu plus d’expériences positives que négatives, il sera plus enclin à pardonner, à rester client. À l’inverse, s’il a subi plus d’expériences négatives que positives, il aura tendance à se méfier et à ne plus accorder sa confiance, son temps et son argent à une entreprise. C’est ce que mon ami et collègue Pierre Daems appelle le «compte émotif». Mieux vaut qu’il ne soit pas dans le rouge.

Voici deux histoires pour illustrer le tout.

Plusieurs interactions, plusieurs insatisfactions

Ces dernières semaines, une entreprise de télécommunication m’a appelé pratiquement tous les soirs. C’était à la limite du harcèlement. Voyant le nom de l’entreprise sur l’afficheur, je ne répondais jamais. Jusqu’à ce que, exaspéré, je prenne l’appel et demande de cesser cette sollicitation non désirée. J’aurais dû le faire avant. Après ma requête qui ne laissait aucune place à interprétation, mon nom fut retiré de la liste et les appels ont cessé. Bien! Je déteste être dérangé pendant District 31.

Quelques semaines plus tard: ding dong! Ça sonne à la porte. Ce sont deux représentants de ladite entreprise à qui j’avais demandé de ne plus m’appeler. Ils ont dû se dire quelque chose du genre: «Il ne veut plus qu’on l’appelle. Parfait. Mais il ne nous a jamais dit qu’on ne pouvait pas le contacter autrement. On va donc aller frapper à sa porte pour voir s’il serait plus réceptif en personne.»

J’exagère, je sais. Cette sollicitation en porte à porte a eu lieu fort probablement parce que mon retrait de la liste d’appels n’a pas été communiqué aux autres unités responsables du développement des affaires. En cette ère du multicanal, c’est un peu triste si c’est le cas.

Donc, ding dong! J’ouvre. Deux représentants de ladite entreprise de télécommunication se présentent sur mon perron. Polis, bien vêtus, sûrs d’eux-mêmes, ils se présentent. Ils ont été formés, on le voit dans leur discours, ce qui est bien!

Je leur réponds poliment d’économiser leur salive puisqu’ils ne travaillent malheureusement pas pour la bonne entreprise. Pourquoi, me demandent-ils? Tout simplement parce que j’ai en mémoire tous les déboires que j’ai vécus, que ma famille et des amis ont vécus, que des collègues ont vécus avec ladite entreprise. Jamais je ne prendrais le risque — j’insiste sur le mot «risque» — d’acheter quoi que ce soit de cette marque.

Les deux employés me disent que leur boîte a changé, que ce sont de vieilles histoires. Peut-être. Mais qu’arrivera-t-il en cas de problèmes techniques ou de facturation? Est-ce que je veux argumenter le cas échéant avec leur service à la clientèle? D’autant plus qu’il a triste réputation? La réponse est simple: non.

Ils s’informent du montant payé mensuellement avec mon fournisseur actuel. Je leur dis que ce n’est pas une question d’argent. C’est une question de confiance, d’attitude, de mémoire d’expériences vécues et partagées. Je ne suis pas l’exception. Des études ont démontré que 80% des gens sont prêts à payer plus cher pour bénéficier d’une meilleure expérience client. Et cette expérience survient avant, pendant et après l’achat.

J’ai dû terminer abruptement la conversation qui avait tendance à s’éterniser en refermant la porte. Quand un client dit non une fois au téléphone, puis deux fois à la porte, c’est qu’il ne veut pas acheter votre produit ou votre service.

 

Deux interactions, deux insatisfactions… et des excuses

Je vous ai raconté mon histoire d’achat d’instrument de musique avant les Fêtes. C’était la première fois que je faisais affaire avec cette entreprise et j’avais été déçu. Les probabilités que j’y remette les pieds étaient faibles, très faibles. Cela dit, un événement est venu changer ma perception.

Quelques jours suivant la parution du billet, un gestionnaire de l’entreprise a pris le temps de m’appeler. Il voulait sincèrement s’excuser et m’expliquer que ce que j’avais vécu était inhabituel et ne reflétait pas les façons de faire de la maison.

J’ai donc accordé une autre chance au fournisseur. J’y suis retourné récemment — à deux reprises — pour m’informer et effectuer de nouveaux achats. J’ai eu droit à un bel accueil, à des conseils pertinents et j’ai ressenti une sincère intention de bien servir. Est-ce le fruit de ma publication dans Les Affaires? Peut-être, je l’ignore. Quoi qu’il en soit, cet appel d’excuses a rétabli la balance du compte émotif. Il a fait en sorte que j’ai accordé une deuxième chance à l'établissement. Sans cette intervention, j’aurais visité un magasin ou un site web concurrent.

Tout ça pour dire que le premier contact client est vital pour une entreprise. Une mauvaise expérience à ce moment clé peut transformer un client potentiel en détracteur. Cela est compréhensible. La seule interaction qu’il a vécue avec une marque est négative et aucune autre expérience positive n’est venue équilibrer la balance émotionnelle. D’où l’importance de la première impression... car on a rarement une seconde chance.

 

À propos de ce blogue

De kessé l’expérience client se veut un blogue pour les dirigeants, responsables de l’expérience client, et toute personne qui est en contact direct, ou indirect avec la clientèle. Le but? Démystifier l’expérience client sous tous ses angles. Daniel Lafrenière est stratège en expérience client omnicanale. Oeuvrant depuis plus de 30 ans, il a aussi donné des conférences au Canada, aux États-Unis et en Europe. Il est l’auteur de 10 ouvrages en expérience client, expérience employé et transformation numérique.

Daniel Lafrenière