Votre conseiller financier est-il un «vendeur»?

Publié le 22/11/2016 à 10:45

Votre conseiller financier est-il un «vendeur»?

Publié le 22/11/2016 à 10:45

Bon, regardez qui se ramène avec ses titres racoleurs…

Non, ce n’est pas moi qui pose la question cette fois-ci. Ce sont les Autorités canadiennes en valeurs mobilières. Qui? Les ACVM comme on dit. Il s’agit des organismes de réglementation dont fait partie notre Autorité des marchés financiers (AMF). Il y en a huit au pays qui se mettent ensemble pour tenter d’apporter une certaine uniformité dans l’industrie des services financiers au Canada.

Dans ce regroupement, on se demande s’il ne serait pas pertinent d’attribuer le titre de «vendeur» à certaines gens qui oeuvrent dans l’industrie. 

Vous le savez sans doute, les titres professionnels sont strictement réglementés, ce qui ne veut pas dire que la nomenclature des intervenants est toujours des plus limpides. Bien au contraire. Demandez autour de vous ce que mange en hiver un «représentant en épargne collective», pour voir. Il y a des titres autorisés peu explicites, des titres proscrits non moins nébuleux et une zone grise suffisamment grande au Québec pour qu’on puisse jouer sur les mots et semer la confusion. Personne ne s’oppose à l’idée de faire du ménage dans tout ça.

Cette remise en question des titres professionnels s’inscrit dans une réflexion plus large lancée il y a quelques années sur la relation client-conseiller. On s’est déjà entendu sur l’idée d’accorder la primauté à l’intérêt du client, par opposition à celui du conseiller. On est depuis entré dans une phase d’exploration et de consultation afin de trouver les moyens d’appliquer ce principe. Les nouvelles règles de transparence sur la rémunération des conseillers est un grand pas dans ce sens.

Les ACVM ont présenté quelques options pour désigner les intervenants de l’industrie, qui se départageraient d’un côté entre les conseillers et, de l’autre, les vendeurs. Le fait qu’elles arrivent avec de telles propositions est révélateur de la position bancale dans laquelle se trouve l’industrie des services financiers. La réalité est qu’on peut difficilement séparer les vendeurs des conseillers, car tous les représentants sont plus ou moins conseillers et plus ou moins vendeurs.

Les ACVM tente de tracer la ligne en fonction des produits offerts. Ceux qui ne peuvent offrir que des produits maison concoctés par leur employeur, pensons à tous les planificateurs financiers rattachés aux banques, par exemple, se verraient accoler le titre de «vendeur de valeurs mobilières», tandis que ceux qui peuvent offrir une mixité de produits se feraient désigner comme «conseiller». Évidemment, cette proposition a créé un malaise et a provoqué une levée de boucliers. 

Je comprends pourquoi, mais sans doute pas pour les mêmes raisons que les gens de l'industrie. 

Qu’on les appelle «vendeurs» ou «conseillers», ces personnes sont rémunérées pour la vaste majorité par des actes de vente. Leur intérêt est de vendre et lorsqu’ils conseillent, leur avis est miné par cet intérêt. Et comme me le faisait remarquer le collègue Guillaume, leur devoir de loyauté à l’égard de leur employeur place beaucoup d’entre eux dans une position inconfortable, le client nécessitant des conseils, l’employeur encourageant la vente, avec des objectifs qui ne sont pas conciliables avec le bénéfice du client.

Et là, il ne faut pas me mésinterpréter. Bien qu’il y en ait plusieurs spécimens, je suis loin de penser que l’industrie soit majoritairement peuplée de rapaces qui n'ont pour but que de profiter des pauvres petits épargnants pour leur enrichissement personnel.

De manière générale, je crois qu’il y a de meilleurs conseillers que d’autres. Et qu’il y a des vendeurs plus motivés que d’autres. Et qu'une même personne (pas toutes) peut osciller entre les deux catégories, selon les circonstances. La limite entre les deux n’est pas là où veulent la mettre les OCVM. Elle est diffuse dans l’industrie. Partout il y a des gens qui travailleront dans leur intérêt d’abord, qu’ils se voient confier un mandat de gestion discrétionnaire ou qu’ils vendent des fonds communs maison.

Je ne suis pas contre la réflexion qui a cours en ce moment. Mais honnêtement, je trouve un peu naïf qu’on puisse penser qu’en énonçant un principe, l’intérêt du client en premier, on puisse changer la dynamique d’une industrie dont tous les ressorts tirent dans la direction opposée. Dans le meilleur des cas, l'exercice en cours permettra d'atténuer les effets d'un vaste conflit d'intérêt inscrit dans ses gènes. 

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes billets précédents

Lire aussi Des vendeurs déguisés en conseillers


À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.