Vendre des CPG comme des Shamwow!

Publié le 04/10/2016 à 11:55

Vendre des CPG comme des Shamwow!

Publié le 04/10/2016 à 11:55

«Jusqu’à 35% de rendement sur cinq ans, sans risque de perdre une partie de son capital». Mais dites-moi donc, une banque peut-elle avoir meilleur gréement pour partir à la pêche?

Suzanne a bien failli mordre, mais avant d’appeler à sa banque, ma collègue m’a montré cette publicité personnalisée de CPG boursier que la Laurentienne lui avait envoyée par courriel. Alléchant. Mais louche.

Alléchant parce que depuis des années, les produits de placements à capital garanti nous ont habitués à des rendements chétifs. Louche pour les mêmes raisons, sans compter que le graphisme semble inspiré d’une publicité de Shamwow! Un gros «35%» criard vous saute au visage, flanqué des mots, petits comme des chuchotements, «Jusqu’à», à gauche, et «sur 5 ans», à droite. À oui, il y a aussi un minuscule astérisque.

En 47 mots, on nous présente trois bonnes raisons d’investir dans le CPGAction Blue Chip

1- Le capital est garanti 100%.

2- Le potentiel de croissance élevé. On précise que ce potentiel de rendement est supérieur à celui des «produits de placement traditionnels». J’en connais qui préfèrent la crémeuse. Non mais, de quoi parle-t-on?

3- Placement «Blue Chip» (le beau jargon pour mystifier). Ça dit que le client profitera des performances des meilleures entreprises cotées en Bourse au Canada.

Le petit astérisque renvoie à un texte de 304 mots non moins minuscule au bas du courriel dans lequel on explique sommairement le calcul du rendement. Je dis «sommairement» car nulle part on ne mentionne les «meilleures entreprises» en question et la méthode est suffisamment alambiquée pour exiger davantage d’explications.

Selon le texte, le rendement du CPG est calculé en fonction de la performance de l’indice de référence entre la date de l’émission et la date d’échéance du placement. Simple? Non, car la valeur à l’échéance, ce n’est pas tout simplement la valeur à l’échéance. On précise que celle-ci est «obtenue en calculant la moyenne de la valeur de l’indice à la fermeture aux trois dates de calcul de l’indice de référence qui sont stipulées dans la convention d’achat». C’est peut-être avantageux si le panier de titres plante juste avant la troisième date, mais autrement (ce qui est le plus probable), le client ne profite pas des «performances des meilleures entreprises cotées en bourse.» Et pour s’en assurer, la banque plafonne le rendement total à 35% sur cinq ans.

Mais quelles sont les meilleures entreprises en question? C’est discutable. Il y en a 17, dont RBC, le CN, Power Corp, Loblaws, Barrick Gold et Telus. Toutes versent un dividende. Le dividende moyen du panier s’élève à 3,5%.

Si le CPGAction Blue Chip fonctionne de la même manière que les autres produits du genre, le dividende, qui représente une part importante du rendement des entreprises du panier de référence, n’entre pas dans le calcul. On ne considère généralement que le cours boursier, soit la portion la plus incertaine du rendement des sociétés «Blue Chip».

On peut néanmoins se poser la question: peut-on à la fois profiter de tout le potentiel qu’offre le marché boursier avec un produit qui garantit le capital? Non. En se tournant vers ce type de produit, l’investisseur paie pour assurer l’intégrité de son capital en renonçant à une partie du rendement potentiel.

D'un autre côté, pour un potentiel de rendement plus élevé, celui qui achète ce produit prend le risque de n’obtenir aucun rendement. Pour les gens qui ont une aversion au risque, cette option ne m’apparait pas aussi mauvaise qu’un rendement de 1,5% garanti sur un CPG. Notez que dans les deux cas, le rendement est constitué uniquement d'intérêt, donc imposable à 100%, contrairement à des gains boursiers dont la moitié seulement est imposable (à l'intérieur du REER, ça ne fait pas de différence, tout est imposable comme un revenu dès qu'on retire l'argent).  

Mais parlez-moi d’une «patente à gosse», tout de même! La méthode de calcul du rendement varie d’un CPG boursier à l’autre et d’une institution à l’autre, mais le but est partout le même: réduire le rendement potentiel.

Mais le plus détestable, ce n’est pas tant les produits eux-mêmes que le marketing dont ils font l’objet: CPG Croissance Boursière; CPG Opti-Marché; CPG IntelliMarché et, la meilleure, CPG…. à rendement futé! C’est quoi ça?

Le client n’obtiendront jamais, jamais, le potentiel du marché boursier avec ces produits. Alors pourquoi, dans leurs publicités, les institutions financières peuvent-ils le faire miroiter ?

À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.