Universitas en rappel

Publié le 18/09/2018 à 11:00

Universitas en rappel

Publié le 18/09/2018 à 11:00

Si je vous demandais de me nommer une toune de Lisa Leblanc, je parie 100 piastres que vous me répondriez : Aujourd'hui, ma vie c’est d’la marde.

J’entendais l’artiste du Nouveau-Brunswick cet été à la radio, elle racontait en entrevue comment elle était écoeurée de chanter cette chanson en spectacle, qu’on lui réclame depuis des années à la fin de ses concerts. Je l’imagine au Festival de la gibelotte, la pauvre, alors qu’elle s’exécute avec son banjo devant un public qui n’est pas vraiment le sien, avec Matante en avant qui se balance sur le bout de sa chaise pliante et qui, ignorant tout le reste de son répertoire, hurle vers la scène: «La vie c’est de la marde!»

Ah la vie d’artiste, oui ! Elle est parfois ingrate. Je sais ce que c’est. Ma fonction de chroniqueur et ma grosse face qui accompagne mes articles, même dans un média spécialisé comme Les Affaires, me valent parfois d’être reconnu dans certains événements. «Ah, oui, c’est vous, celui des REEE, comme ça s’appelle déjà… Méritas, c’est ça?»

«Vous devez parler d’Universitas…»

One hit wonder, qu'ils disent en anglais. Et voilà qu'on me le réclame en rappel. Un groupe de personnes qui se disent lésées a entamé un recours contre Universitas. J’avais bien vu la chose venir, les mécontents se sont regroupés sur Facebook depuis que l’entreprise spécialisée dans le REEE collectif a modifié les règles d’attribution de ses «bourses d’études». Ces parents, auxquels j’ai déjà exprimé ma sympathie, réunissent aujourd’hui des fonds pour payer les avocats.

L’hiver dernier, Universitas a assoupli les règles en question après avoir mené une consultation dont le mode était fort discutable. Le résultat est qu'ils seront plus nombreux les enfants à pouvoir toucher les bourses. Comme on ne fait pas de miracle chez Universitas, au contraire, cela a aussi pour conséquence de réduire celles des enfants qui se qualifiaient sous les anciennes règles. Quand ils ont pris la mesure de ce qu’ils perdaient dans cette transition, les parents touchés n’étaient pas de bonne humeur. Je ne reviendrai pas sur les détails, je vous invite plutôt à relire cette chronique.

L’émission La Facture, qui comme moi semble avoir Universitas dans le collimateur, a diffusé un topo sur les raisons qui ont mené le groupe de parents a lancé son recours. Un article sur le même sujet a été publié sur le site Internet de Radio-Canada. La collègue Stéphanie Grammond, de La Presse, en a fait une chronique dans son journal. J’ai passé mon tour. C’est déjà assez, non?

Non.

Il y a cette dame en avant, presque harcelante, qui trépigne sur le bout de sa chaise pour que je sorte mon banjo: «C’est le devoir des Affaires d’en parler !»

(soupir)

***

L’attrition. Voilà ce qui se trouve au coeur de ce litige. L’idée derrière ça est que les enfants qui se rendent au bout, un parcours de 17 ans, ramassent ce qu’ont laissé derrière eux les autres qui ont abandonné en cours de route ou qui n’ont pas satisfait les critères à l’arrivée.

Mon avis est qu’une partie des parents lésés n’avaient pas vraiment idée de ce que ça représentait, l’attrition, au moment de souscrire un REEE chez Universitas, ou qu’il s’agissait pour eux d’un détail secondaire. Maintenant qu’ils voient le montant en jeu, des sommes importantes pour ceux qui souscrivent au maximum les REEE de plusieurs enfants chez Universitas, ah bien là, comprenez-vous, votre honneur, qu’on me rende mon attrition!

Je dis qu’ils ne se figuraient pas parfaitement l’attrition car j’ai du mal à imaginer des gens miser sur l’abandon des enfants des autres parents et sur la persévérance des leurs. J’ai bien lu ici et là des témoignages de parents qui allaient dans ce sens-là, et plus loin encore, comme si le destin de leur progéniture était dessiné dans la première couche pleine. «Ah! Tu seras médecin, ma fille! »

Qu’est-ce que ça doit être pesant sur les enfants !

***

Les parents qui s’organisent en ce moment sont bien sûr ceux dont les enfants étaient sur le point de toucher leurs premiers paiements d’aide aux études (PAE) et qui, à la dernière minute, se voient couper une partie des bourses aux profits des enfants d’autres parents.

Sans doute plus nombreux, on n’entend pas parler de ces derniers, favorisés par les nouvelles règles.

Je ne suis pas avocat. J’essaie de me mettre dans la peau de celui qui représentera les parents lésés. Il plaidera sans doute que les règles du contrat ont changé en cours de route et que les modifications ont été apportées à la suite d’une consultation douteuse.

Je ne sais pas s’il y sera amené par la partie adverse, ou encore que la question est pertinente du point de vue du droit. À sa place, je n’aimerais pas devoir défendre l’idée que les rendements obtenus sur les contributions de nombreux parents devraient revenir aux enfants de mes clients sous prétexte que les enfants des premiers réussissent moins bien leur entrée aux études postsecondaires. 

Vous me direz que c'est le principe de l'attrition. Ça m'inspire une chanson...

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.