Finances: les filles, prenez le contrôle

Publié le 29/05/2018 à 10:17

Finances: les filles, prenez le contrôle

Publié le 29/05/2018 à 10:17

Ce qu'ils sont optimistes, les planificateurs financiers. D'autres diraient au contraire qu'ils sont déprimants. Toujours est-il qu'ils présument que vous vivrez très vieux.

À moins que vous ayez franchement mauvaise mine, ils seront réticents à vous concocter un plan de retraite basé sur l'hypothèse d'un décès avant l'âge de 85 ans. Le plus souvent, ils élaboreront un scénario dans lequel vous mourrez à 95 ans et de plus en plus poussent la note jusqu'à 100 ans.

Leur travail consiste alors à mettre en place un plan d'épargne et de décaissement dans lequel, autant que possible, le capital ne sera pas épuisé avant un âge vénérable prédéterminé. D'accord, une planification financière ratisse plus large que ça, mais pour ce qui est de la retraite, c'est là l'essentiel.

Le levier le plus important dans la mise en œuvre du fameux plan demeure sans doute le contrôle des dépenses. Cela dit, le moment du décès et les revenus ne jouent pas moins une importance capitale, deux aspects sur lesquels on a cependant moins d'emprise. Plus l'espérance de vie est élevée, plus il faut prévoir de l'argent pour la retraite. Plus nos revenus sont élevés, mieux on peut s'y préparer.

Ce sont aussi deux aspects sur lesquels les femmes partent désavantagées. Cela explique sans doute pourquoi elles craignent plus que les hommes de survivre à leur épargne, autrement dit de goûter à la pauvreté en âge avancé. C'est la conclusion à laquelle est venue une recherche menée récemment par une firme ontarienne, Credo Consulting, menée pour le compte de TC Media (Finance et Investissement, Les Affaires, notamment).

Ce n'est pas une révélation. Malgré des progrès importants, les femmes sont toujours moins choyées que les hommes du point de vue salarial. Les jeunes mères paient cher encore leur départ en congé de maternité, tant sur le plan professionnel que financier. Elles vivront aussi plus longtemps que les pères. Quand les planificateurs financiers conçoivent des plans en fonction d'un décès à 100 ans, c'est pour elles, et non pour eux.

Je compte plusieurs femmes parmi mes amies et, comme l'épargne en général, ce n'est pas un sujet qui alimente nos conversations. On ne discute pas de retraite, sinon pour rêver d'une grande maison qu'on achèterait ensemble pour écouler nos vieux jours, avec un jardin, une allée de pétanque, une infirmière, un BBQ au charbon de bois et une cave à vin garnie pour nous mener au-delà du siècle.

Ces femmes mènent rondement leurs affaires, pas plus ni moins que les gars. Elles sont indépendantes, elles possèdent des biens immobiliers, parfois même une entreprise, elles occupent des postes enviables, mais mon entourage n'est pas représentatif de la population.

Cela m'a sauté aux yeux récemment. J'ai lu que beaucoup de femmes abandonnaient encore à leur conjoint les décisions financières à long terme. L'information provient d'un rapport d'UBS Global Wealth Management, relayé par le service d'information financière Bloomberg. On y dépeint la situation aux États-Unis, mais je présume que ce ne doit pas être très différent au Québec.

Selon cette enquête, plus de la moitié des femmes (56 %) laisse les questions de planification financière entre les mains de leur conjoint. Vous présumerez comme je l'ai fait que ces chiffres sont gonflés par les éléments plus âgés de l'échantillon, ancrés dans une répartition des rôles dite "traditionnelle". Pourtant, chez les couples de la génération Y, 61 % des femmes confient la gestion des placements à leur conjoint, contre 54 % chez les boomers. Toujours selon UBS, parmi les femmes qui ne participent pas aux décisions de placement, 85 % disent que leur conjoint s'y connaissent mieux en la matière.

Si les chiffres sont le moindrement fidèle à la réalité, il y a un enjeu. En cas de séparation, les deux membres du couple sortent certes appauvris, mais ce sera forcément plus compliqué pour les femmes qui, pendant les années de vie conjugale, se sont tenues éloignées des décisions financières à long terme, et pour qui l'épargne retraite représente au départ un défi plus difficile.

Ce n'est pas comme si la rupture était un événement exceptionnel. La moitié des couples finissent par se briser, si ce n'est plus. On conviendra du moins que les probabilités qu'un couple se sépare sont nettement plus élevées que celles qu'une femme célèbre son centième anniversaire. Elles surpassent aussi de loin les risques d'une mort prématurée d'un conjoint, un risque contre lequel, pourtant, on se protège avec de l'assurance vie.

La mesure de protection minimale consisterait ici pour les femmes à s'impliquer dans les décisions de placements et dans la planification à long terme. J'irais plus loin, jusqu'à demander au conseiller financier de produire deux planifications financières : une qui tient compte d'une mise en commun des ressources des conjoints et une autre qui les séparerait, comme s'ils étaient colocataires.

Comme peu de couples s'offrent les services d'un planificateur financier, c'est sans doute rêver en couleurs, surtout que les amoureux peinent toujours à envisager un terme à leur bonheur. Tout même, quelle affirmation d'indépendance ce serait d'exiger le contrôle de ses finances et des plans individuels.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.