Reporter l'âge de la retraite? Pourquoi pas!

Publié le 05/05/2017 à 09:00

Reporter l'âge de la retraite? Pourquoi pas!

Publié le 05/05/2017 à 09:00

Vous avez sûrement déjà participé à un souper d’amis au cours duquel chacun raconte le pire job d’étudiant qu’il a eu.

Moi, c’était dans une PME où l’on réparait, entre autres, les cuves de l’usine d’Alcan de la région. D’immenses pièces de métal dans les quelques tonnes ballotaient, indolentes, sur des convoyeurs au-dessus de nos têtes. Sur le plancher, on pliait des feuilles d’acier sur des machines qui vous auraient sectionné le bras en une fraction de seconde. Partout giclaient des étincelles de soudure.

Chaque jour, il se produisait un petit miracle: je revenais indemne. Ça n’a duré qu’un été, mais quand une odeur de métal chauffé croise mes narines, je pense parfois à ces types qui y ont travaillé durant 20 ans. À leur place, j’aurais compté les jours qui me séparent de la retraite.

Je ne m’imaginerais pas leur annoncer «Ok les boys, ajoutez 730 jours au compteur!» La perspective de repousser la retraite n’emballe pas grand monde, particulièrement ceux dont le corps est usé à 60 ans. Je pense aux préposés aux bénéficiaires, aux travailleurs manufacturiers, aux gars de la construction et aux mineurs.

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Les politiciens non plus n’osent pas faire ce genre d’annonce. Politique 101: ne touche pas aux pensions de retraite. Certains se rappelleront comment Brian Mulroney s’est fait mettre à sa place en 1985 par une petite dame drôlement habillée qui manifestait à Ottawa contre la désindexation des pensions de vieillesse. «Ne touche pas à nos pensions, sinon c’est Good Bye Charly Brown!» avait-elle lancé à l’endroit du premier ministre, devant les caméras de télévision. Le gouvernement a reculé. Son nom, Solange Denis Loranger, est inscrit dans les livres d’histoire. Son décès a fait les nouvelles en 2004.

Comme je l’ai mentionné dans ma chronique mardi, Stephen Harper avait réussi le coup de force en repoussant graduellement l’année d’admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et au Supplément de revenu garanti (SRG). La mesure aurait été pleinement en vigueur en 2029, juste avant que la population atteigne son pic de vieillissement (2031, selon les données du dernier recensement divulguées cette semaine). L’âge d’admissibilité à la PSV sans pénalité aurait alors été porté à 67 ans. 2029, c’est tellement loin… Je ne me souviens pas d’avoir vu des manifestations. Les personnes concernées, la dernière cohorte de boomers et les plus vieux X, ne remarquent pas qu’ils vieillissent elles aussi.

Ç’aurait pourtant donné un peu d’air aux finances publiques, car la facture s’annonce énorme. Insoutenable, selon certains. Mais les libéraux, comme je disais, ont promis de rabaisser l’âge d’admissibilité à 65 ans, ce qu’ils ont fait.

Stupide. Le sale boulot avait été fait. Et il va sans doute falloir recommencer.

Dans une étude publiée le mois dernier, l’Institut de recherche C.D. Howe proposait que le Canada imite le Royaume-Uni qui a remis ce genre de décisions à des mécanismes actuariels. Là-bas, l’âge d’admissibilité à la pension publique est déterminé par des formules mathématiques fondées sur l’espérance de vie. Sans aller dans le détail, si on appliquait ici la formule britannique, l’âge d’admissibilité serait porté automatiquement à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2050. L’avantage avec la méthode britannique, c’est qu’elle est imperméable aux intérêts politiques.

Vous l’aurez deviné, je n’ai rien contre le report de l’âge d’admissibilité aux prestations publiques de retraite. Ça m’apparaît même logique. On vit toujours plus vieux et le financement de la retraite devient un défi de plus en plus difficile, autant du point de vue des finances publiques que des finances personnelles. Et pourquoi ne pas consacrer un peu de cette longévité gagnée à la vie active?

La nature du travail a changé au cours des années. Il y a certes toujours des travailleurs qui franchissent la ligne des 65 ans sur les genoux, il faudrait prévoir pour eux un traitement exceptionnel. Mais la majorité a la capacité de prolonger leur carrière d’une année ou deux.

Mais pour cela, il est nécessaire de favoriser l’emploi des travailleurs âgés. Car ce ne sont souvent pas les travailleurs eux-mêmes qu’il faut convaincre, mais les entreprises de les conserver ou de les embaucher.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.