Pourquoi un régime minceur attend vos prestations de retraite

Publié le 02/05/2017 à 11:00

Pourquoi un régime minceur attend vos prestations de retraite

Publié le 02/05/2017 à 11:00

La démographie, ce n’est pas tout à fait comme l’astrophysique aux prises avec de la mystérieuse matière invisible et ses théories qui défient l’entendement.

La démographie comptabilise les gens qui vont et qui viennent. Un primate, deux primates, trois primates… Elle ne réserve pas de grandes surprises, ni ne promet de grandes découvertes. Les mouvements démographiques sont télégraphiés des décennies à l’avance. C’est plus prévisible encore que la conclusion d’un film hollywoodien, c’est vous dire.

Ce qui rend la démographie si ennuyeuse représente toutefois son principal atout. Elle est indiscutable. Si la population compte 20 millions de jeunes de moins de 25 ans aujourd’hui, on a une bonne idée du nombre de vieux qu’on aura dans un demi-siècle. Natalité, mortalité, migration… projection!

Aussi longtemps que je me souvienne, les démographes nous lancent le même avertissement: nous nous dirigeons vers une société de petits vieux. Nous y sommes, les premiers signes se manifestent. Une première cohorte de boomers touche l’âge de la retraite, la population active est en déclin. On devrait apprendre aujourd’hui de la part de Statistique Canada que, pour la première fois au pays, le nombre d'aînés dépasse celui des jeunes de 15 ans et moins.

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Le véritable drame des démographes n’est pas d’exercer un métier ennuyeux, mais plutôt de parler dans le vide. Il y a quelques semaines, j’ai assisté à la présentation des budgets à Ottawa et à Québec. Il est surprenant qu’on fasse si peu de cas du vieillissement de la population alors que les impacts les plus importants paraissent imminents: explosion des coûts liés aux soins santé et aux prestations de retraite. À Ottawa comme à Québec, mon voisin de table, le planificateur financier Daniel Laverdière, me donnait des coups de coude. «On fonce dans le mur…»

Dans un budget aussi consistant et sucré que de la barbe à papa, Ottawa s’est contenté d’indiquer que les prestations versées aux ainées devraient augmenter plus rapidement que le PIB d’ici 2022. Ça semble banal, mais ça n’augure rien de bon, les dépenses passeront de 48,3 milliards à 63,7 milliards de dollars en cinq ans, selon le document budgétaire. Ce sont les coûts anticipés de la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et du Supplément de revenu garanti (SRG), des programmes financés à même les coffres de l’État (à la différence du Régime de rentes du Québec (RRQ) et de son équivalent du ROC, le Régime de pension du Canada (RPC), qui fonctionnent de manière autonome, comme une caisse de retraite). Que propose-t-on pour les contenir?

Nada.

L’âge auquel les gens peuvent toucher sans pénalité à leur prestation de retraite est établi à 65 ans, et ce depuis 1971 (Ottawa a progressivement réduit l’âge de la retraite de 70 à 65 ans entre 1966 et 1971). C’était la belle époque où on fumait des Export A vertes en famille et quand on ne pouvait porter de ceinture de sécurité en voiture sans se faire traiter de femmelette. L’espérance de vie à la naissance ne dépassait pas alors 70 ans pour un homme.

En 2012, le gouvernement de Stephen Harper avait annoncé des modifications à l’âge d’admissibilité à la PSV et au SRG afin de réduire, dans le futur, la pression sur les finances publiques. De 2023 à 2029, l’âge à laquelle on pouvait avoir droit à la pleine pension de vieillesse d’Ottawa allait progressivement passer de 65 à 67 ans.

Ainsi, pour les finances publiques, le coût des pensions aurait représenté 2,8% du PIB en 2030, soit 96 milliards de dollars.

Aux dernières élections fédérales, Justin Trudeau avait promis aux électeurs d’annuler ces changements, une promesse qu’il a rapidement appliquée à l’arrivée de ses troupes au pouvoir. Le résultat? Le coût des pensions équivaudra à 3,1 % du PIB canadien en 2030. 0,3% de différence, ce n’est pas rien lorsqu’on se réfère au PIB d’un pays. Cela équivaut à une dizaine de milliards de dollars pour la seule année 2030.

Durant la même période, il y aura de moins en moins de contribuables pour payer la note. Le problème n’est pas le baby-boom en soi, mais qu’il ait été suivi par une baisse drastique du taux de natalité.

En 1992, selon Statistique Canada, l’espérance de vie d’un adulte de 65 ans était de 18,1 ans. On ne remonte pas aux grandes années d’Alys Roby et de son Chica Chica Boum. Bon, ok, c’était l’année où Kathleen a supplanté Daniel Bélanger comme découverte de l’année au gala de l’ADISQ, mais ça ne fait pas si longtemps que ça, quand même. En 2012, l’espérance de vie d’une personne de 65 ans était passée à 20,3 ans. Et ça continue de progresser.

Les partisans du statu quo affirment que les gains de productivité de l’économie canadienne permettront d’absorber la hausse des coûts. Il faudra alors envoyer des avis de cotisation d'impôt aux robots… À mon avis, c’est accorder beaucoup de confiance aux économistes, des gens souvent aussi clairvoyants qu’un jury de l’ADISQ. Les démographes sont plus fiables.

Je ne veux pas faire peur à personne, mais je fais cette prédiction: une cure minceur attend tôt ou tard le régime de la sécurité de la vieillesse. Et plus on tarde, mois on aura l’embarras des options.

Entendez-vous le Chica Chica Boum Chic…

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.