Quel salaire faut-il pour acheter un logement à Montréal?

Publié le 23/10/2018 à 10:06

Quel salaire faut-il pour acheter un logement à Montréal?

Publié le 23/10/2018 à 10:06

Les prix de l’immobilier ont continué de grimper au dernier trimestre à Montréal, ont confirmé plusieurs sources la semaine dernière. Selon l’une d’entre elles, le prix médian d’une maison à deux étages (cottage) dans la région métropolitaine aurait fracassé le demi-million de dollars.

Ça frappe les esprits.

Dans son émission du retour à la maison, à la radio de Radio-Canada, Annie Desrochers a rebondi sur ces nouvelles statistiques pour demander à un spécialiste de l’immobilier si, dans la «réalité du vrai monde», il était encore possible d’aspirer à la propriété dans les quartiers centraux de Montréal, aux abords de la ligne orange du métro.

Je ne sais pas pour l’animatrice, mais la réponse de l’expert m’a laissé sur ma faim. Dans les circonstances, il aurait été difficile de nous satisfaire. Je vais tenter ici de répondre à ces questions, à votre bénéfice bien sûr, mais aussi à celui d'Annie: 

1-Qui a encore les moyens d’acheter une première propriété près d’une station de la ligne orange du métro de Montréal ?

2-Est-ce du vrai monde ?

D’abord, j’ai présumé qu’Annie parlait de la famille, car «le vrai monde», il veut des enfants. Un couple avec un petit de trois ans qui fréquente la garderie, Didier-Alexandre, n’est-ce pas l’archétype de la classe moyenne?

Ce jeune ménage doit disposer de deux pièces fermées. On pourra ergoter sur la question, mais disons qu’une surface de 1000 pieds carrés (93 m2) correspond à l’espace vital minimum pour assurer la sérénité de notre jeune ménage. Plus à l’étroit, le risque de rupture prématurée augmente rapidement.

J’ai demandé à JLR les prix auxquels se vendaient les copropriétés de 1000 pieds carrés et plus autour des stations de métro (les autres types d'habitation sont plus chers). La firme spécialisée en immobilier compile ces données à partir des actes notariés. Elle a pu fournir le prix médian de tels logements dans un rayon de 1,5 kilomètre autour des stations de métro de la ligne orange à partir des transactions réalisées entre septembre 2017 et octobre 2018.

Puisqu’il en sera beaucoup question dans cette chronique, rappelons rapidement ce qu’est le prix médian. Cela veut dire que 50 % des habitations de la catégorie se sont vendues à un prix moins élevé, et l’autre 50 %, à un prix supérieur.

En périphérie des stations où moins de 30 ventes ont été conclues, nous avons estimé que les données n’étaient pas suffisamment significatives. Pour cette raison, on a dû écarter, entre autres, les stations Rosemont, Beaubien, Jean-Talon et Jarry, ce qui est fâcheux, car elles se trouvent dans des quartiers généralement prisés par les parents de Didier-Alexandre.

 

Combien ça coûte vivre à Montréal?

Autour de la station Mont-Royal, en plein cœur du Plateau, le prix médian d’une copropriété de plus de 1000 pieds carrés s’élève à 490 000 $, selon JLR. À proximité de la station qui se trouve juste au nord, Laurier, la valeur descend à 480 000 $. On présume que les prix diminuent encore dans les environs des quatre stations suivantes, plus au nord, celles pour lesquelles on n’a pas de données, énumérées plus haut.

Sur la ligne orange, les logements les plus abordables sont situées autour de la station Côte-Vertu, à 356 000 $. Près de la station Crémazie, on reste dans ces eaux-là (365 000 $), mais on s’éloigne des «quartiers centraux». Les plus chers sont dans le Vieux-Montéral, près de la station Place-D'arme, à 678 000 $. 

Dans le secteur prisé de Notre-Dame-de-Grâce, près de la Station Villa-Maria, le prix médian des copropriétés de plus de 1000 pieds carrés dépasse le cap du demi-million, à 574 500 $.

 

Qui peut s'offrir ces logements?

Maintenant, la question à un million? Qui donc a accès à ces logements? Cela dépend de quelques facteurs, à commencer par les revenus de notre jeune ménage, mais aussi de ses priorités et de son style de vie. Présumons que notre famille n’a qu’une priorité : vivre dans un quartier central près d’une station de métro de la ligne orange. Elle s’est efforcée d’amasser la mise de fonds nécessaire pour acheter son logement tout en évitant de s’endetter, un exploit en soi.

Je me suis ensuite tourné vers Multi-Prêts. La firme de courtage hypothécaire a calculé pour moi, vous et Annie le revenu familial qui permet de se qualifier pour le prêt hypothécaire nécessaire à l’achat d’un logement au prix médian dans les quartiers centraux.

Pour que des acheteurs se qualifient, leurs obligations financières, qui comprennent l’hypothèque, les taxes, les frais de chauffage et les autres dettes (dont le paiement de la voiture), ne doivent pas excéder 44% de leurs revenus bruts. Aux fins de ce calcul, rappelons que les prêteurs doivent appliquer un taux hypothécaire plus élevé que celui accordé aux acheteurs, par exemple 5,34% au lieu de 3,34% que paie réellement l’emprunteur. Il s’agit du fameux test de simulation de crise. On veut ainsi s’assurer que le client sera en mesure d’encaisser une hausse des taux hypothécaires.

Restons à NDG. La mise de fonds minimale pour une maison de 575 000 $ s’établit à 32 500 $ (5 % de 500 000 + 10 % de 75 000). L’emprunt nécessaire atteint 542 500 $, un montant auquel s’ajoute la prime d’assurance de la SCHL, soit la coquette somme de 21 700 $. Le prêt s’élève donc au final à 564 200 $. Les mensualités, pour cette hypothèque amortie sur 25 ans à un taux fixe de cinq ans de 3,34 %, seront de 2829 $.

Quel est le revenu nécessaire pour se qualifier de justesse? Selon Multi-Prêts, notre ménage doit gagner 128 000 $, ne traîner aucune dette et afficher un dossier de crédit immaculé.

Cela veut-il dire pour autant que les parents du petit Didier-Alexandre ont les moyens s’ils gagnent 128 000 $? Poussons plus loin. Si les revenus du couple sont générés dans une proportion de 60%-40% par les conjoints, ce qui lui reste une fois déduits l’impôt et les frais de garde, puis ajoutés les montants provenant des diverses mesures de soutien aux familles, approche des 89 000 $. C’est ce qu’on appelle le «revenu disponible», que vous pouvez trouver sur les courbes de Laferrière.

Le remboursement hypothécaire (34 000$) accapare à lui seul 38 % de ce revenu. On conseille généralement de contenir la part dédiée au logement sous les 30 % de son budget. On n’a pas inclus dans nos calculs les frais de prévoyance de la copropriété, les taxes municipales et le chauffage.

Bref, à moins de pratiquer la simplicité volontaire dans un condo d’un demi-million de dollars, ça ne marche pas. Il faut gagner plus, bien plus, ou fournir une mise de fonds substantielle, ce qui est possible pour de nombreux seconds acheteurs.

Appliquons le même raisonnement sur le Plateau Mont-Royal, à proximité de la station de métro du même nom. Dans ce quartier, notre ménage devra verser une mise de fonds de 24 500 $ et contracter une hypothèque, qui couvre la prime d’assurance de la SCHL, de 484 120 $. Le revenu familial nécessaire afin de se qualifier s’élève à 110 000 $ brut, pour peu que le couple n’ait pas de dette. Dans ce cas de figure, le remboursement hypothécaire (28 000 $ par année) représente 36,5% du revenu disponible du ménage. Ce n’est guère mieux.

L'hypothèque monopoliserait 31,5 % du budget si le couple gagnait les revenus du scénario plus haut, illustrés dans le quartier de NDG, soit 128 000 $. Ce serait serré. 

Supposons maintenant que ce couple qui se qualifiait de justesse aux abords de la station Villa-Maria décidait plutôt de s’établir sur le long de la ligne verte du métro. Dans un rayon de 1,5 km de la station Pie-IX, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, le prix médian d’une copropriété de 1000 pieds carrés et plus se situe à 350 000 $. Les 20 800 $ nécessaires chaque année pour rembourser l’hypothèque ne représente alors que 23,4% du revenu disponible (89 000 $) du couple. La situation devient nettement plus confortable.

Mais un salaire familial de 128 000 $, est-ce la «réalité du vrai monde»? me demandez-vous. Si le ménage sur lequel règne le petit Didier-Alexandre affichait un tel revenu, il se trouverait parmi les familles aux revenus supérieurs, ce qui, vu le prix de l’immobilier, ne les place pas moins dans «la réalité du vrai monde», dont l’une des caractéristiques, en plus de vouloir fonder une famille, est d’en arracher un peu.

Selon la dernière Enquête canadienne sur le revenu de Statistique Canada, le revenu médian des ménages de deux personnes et plus chez les 25-44 ans atteignait 88 000 $ brut en 2016, ce qui laisse 66 650 $ dans les poches quand on compte un enfant fréquentant la garderie.

C’est limite pour habiter sur le long de la ligne verte, quoique les prix baissent à mesure qu’on s’éloigne. Autour de la station Honoré-Beaugrand, le prix médian d’un logement de 1000 pieds carrés et plus se situe sous la barre des 265 000 $, soit le prix d’un condo sur le plateau il y a une dizaine d’années.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.