Que recevez-vous pour vos taxes et vos impôts?

Publié le 10/02/2017 à 13:00

Que recevez-vous pour vos taxes et vos impôts?

Publié le 10/02/2017 à 13:00

Quand vous payez des taxes et des impôts, vous n’en avez pas pour votre argent. Vous en avez moins. Ou plus!

Je ne vous l’apprends pas, nous vivons dans un système qui tente d’atténuer les écarts de niveau de vie. Cela passe par un régime fiscal progressif, par des programmes sociaux, par des transferts sous forme de crédits d’impôt et par l’accès universel à des services comme l’éducation et les soins de santé.

À un moment, il s’en trouve donc pour garnir davantage les coffres de l’État que la valeur des services reçus, et d’autres, au contraire, pour obtenir bien plus que leur contribution aux finances publiques. C'est ce qu'on appelle la redistribution de la richesse. 

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Qui sont ceux qui donnent plus que ce qu’ils obtiennent, et inversement? Et dans quelle mesure? La Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke a mené une recherche pour tenter de l’évaluer. Elle vient tout juste de dévoiler son rapport intitulé Portrait des impôts payés et des services publics reçus par les ménages québécois. Il est signé par le chercheur Antoine Genest-Grégoire et le professeur en fiscalité Luc Godbout.

Que nous dit ce rapport? En gros, que les prestataires d’aide sociale, les étudiants postsecondaires, les familles et les retraités sont des bénéficiaires nets de l’État. Les couples sans enfant, les personnes seules et les familles à revenu élevé sont des contributeurs nets. Ça, on s’en doutait. Mais le rapport va plus loin en apportant des chiffres et bien des nuances. Et il révèle certaines pertes d’efficacité fiscale, notamment en ce qui a trait au système de garderies subventionnées. Ce n'est pas explicitement écrit, mais les données sont révélatrices. 

L’étude est basée sur l'année 2015. Elle a pris en compte les impôts, les taxes à la consommation et les cotisations (RRQ, RQAP, assurance médicament et assurance emploi) payés d’un côté et, de l’autre, des services publics reçus, notamment les transferts financiers (11), les dépenses publiques (soins de santé, garderie, éducation) et les prestations publiques (RRQ, Assurance médicaments, Assurance-emploi et assurance parentale).

Pour simplifier l’exercice, les chercheurs ont dû écarter de nombreux éléments, dont l’usage des infrastructures routières, les transports en commun, le Supplément de revenu garanti, les revenus de placements, les revenus de société et les taxes spécifiques (alcool et tabac, par exemple). Ils se sont aussi basés sur des coûts moyens, pour l’éducation et les soins de santé, dont les coûts sont évalués par tranches d’âge. Les jeunes enfants et les personnes âgées consomment plus de soins.

Ils n’ont pas touché les cas exceptionnels ou moins fréquents, comme les jeunes adultes aux prises avec des maladies chroniques ou les travailleurs saisonniers qui bénéficient de l’assurance emploi sur une base régulière.

Ils ont découpé leurs résultats en profils types (étudiant, jeunes familles, couple sans enfants, etc.) et se sont appuyés pour chacun sur quelques scénarios de revenu.

 Alors, qui est favorisé?

Laissons de côté les étudiants et les bénéficiaires de l’aide social pour nous concentrer sur les familles. Les chercheurs ont évalué deux types de familles: la jeune famille avec deux enfants à la garderie et la famille en milieu de vie avec deux enfants à l’école.

Dans le cas de la jeune famille, l’étude a dégagé deux scénarios: les enfants vont-ils à la garderie à frais réduit (et modulés au moment de faire la déclaration de revenus) ou la garderie privée (35$/jour/enfant, dans quel cas les parents bénéficient d’un crédit pour frais de garde à Québec). Dans les deux cas, trois niveaux de revenus familiaux ont été étudiés: 40 000, 80 000 et 120 000 dollars. La majorité des ménages se trouve au milieu.

Qu’est-ce que ça donne?

La valeur des services reçus surpasse de 33 000 dollars l’impôt, les taxes et les diverses cotisations payés pour la famille à faible revenu. Pour le ménage moyen, il sort gagnant de 10 000 dollars. Quant à la famille avec le salaire plus élevé, elle contribue davantage aux finances publiques que ce qu’elle obtient en services, l’équivalent de près de 11 000 dollars. Ces écarts s'expliquent surtout par la progressivité de l'impôt, mais aussi par une réduction des prestations sociales.

Si ces trois familles optaient plutôt pour la garderie non subventionnée, alors on se retrouverait, respectivement, avec un ménage bénéficiaire net de 27 473 dollars, un autre bénéficiaire de 1651 dollars et, enfin, un ménage contributeur net de 18 622 dollars. Mes ces chiffres sont trompeurs. La distribution des coûts et des prestations est différente, mais au final, cela fait peu de différence dans les poches des parents, le revenu disponible pour la consommation variant légèrement, sauf dans un cas.

Ce que révèlent les données, c’est que le ménage à faible revenu a tout intérêt à choisir la garderie non subventionnée, notamment en raison du Crédit d’impôt pour frais de garde à Québec et de la hausse de la Prestation fiscale canadienne pour enfant (PFCE) à Ottawa (depuis fusionnée avec la Puge et remplacée par l'Allocation canadienne pour enfants - ACE). En payant le gros prix pour la garderie privée non subventionnée, ce ménage conserve 47 625 dollars nets. Dans le cas où elle se serait tournée vers un CPE, il aurait eu 45 108 dollars dans ses poches. À plus de 2500 dollars, l’écart est significatif. Il l’est beaucoup moins dans les autres profils familiaux. Ces chiffres, évidemment, ne tiennent pas compte de la disparité dans la qualité des services en CPE, par exemple, et une garderie non subventionnée. 

On peut donc se poser la question: mais pourquoi donc ce système de garderies à frais modulés alors que le réseau non subventionné, avec un simple crédit d'impôt, est plus avantageux pour les familles à bas revenu et équivalent pour tous les autres? C’est d’autant plus incompréhensible qu’il est aussi plus avantageux pour Québec que les parents recourent aux services des garderies non subventionnées, car l’équilibre, pour les familles, est rétabli ici par Ottawa. Autrement dit, en versant plus d’argent aux familles qui tournent le dos au réseau subventionné, le fédéral allège le fardeau de Québec. Mais il faudrait tester avec les nouveaux paramètres, notamment l'ACE. 

Pour ce qui est des familles en milieu de vie, avec des enfants qui fréquentent l’école, l’étude a distingué celle qui choisit d’envoyer les enfants à l’école privée de l’autre qui opte pour l’école publique. On a conservé ici les mêmes tranches de revenu (40 000, 80 000 et 120 000$).

Contrairement aux garderies, le choix de l’école privée pèse directement dans le pouvoir d’achat des familles.

Avec un revenu de 40 000 dollars, un ménage qui envoie deux enfants au public reçoit non seulement davantage en services que ce qu’il paie en impôt et en taxes, mais il obtient un revenu disponible supérieur que ce qu’il génère en salaires. En effet, ce ménage se retrouve avec 45 000 dollars à dépenser après avoir bénéficié de divers transferts. On a obsevé le même phénomène chez la jeune famille, plus haut. On devine qu’il reçoit davantage en services que sa contribution aux coffres, l’équivalent de 19 102 dollars, selon l’étude.

Quant aux deux autres ménages (80 000 et 120 000), ce sont des contributeurs nets (2 889$ et 22 885$).

Le choix du privé est aux frais des trois ménages. Dans les trois cas, le coût des études (5 832$) est directement retranché du revenu disponible.

L’étude décline plusieurs autres types de ménage. Il serait long ici d’en exposer les détails. Elle démontre néanmoins que les familles avec de jeunes enfants sortent largement favorisées en comparaison des couples sans enfant et des personnes seules.

Quant aux retraités, ils sont tous bénéficiaires. Mais il faut comprendre que durant leur vie active, ils ont été le plus souvent des contributeurs nets, entre autres avec leurs cotisations au Régime de rentes du Québec, dont ils récoltent les fruits passé un certain âge. On pourrait en dire autant des soins de santé et de la Pension de la sécurité de vieillesse, payés à même les fonds consolidés de Québec et Ottawa.  

Quand on regarde le tableau d’ensemble, on remarque que, au cours de sa vie, une personne épousera un cycle bénéficiaire-contributeur-bénéficiaire. On constate des transferts entre bien nantis et moins nantis, mais aussi entre générations. On voit bien qu’il y a des ménages qui seront toujours des bénéficiaires nets, souvent faute de l’avoir été suffisamment durant la période postsecondaire.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.