Non, ce remboursement d'impôt n'est pas un cadeau

Publié le 10/04/2018 à 11:35

Non, ce remboursement d'impôt n'est pas un cadeau

Publié le 10/04/2018 à 11:35

Deux contribuables sur trois paient trop d’impôt toute l’année. Voilà le compte auquel l’Agence du revenu du Canada (ARC) arrive jusqu’à maintenant, 66 % des Canadiens qui ont déclaré leur revenu depuis le début de février ont droit à un remboursement d’impôt. Cette proportion descendra sans doute un peu d’ici le 30 avril, date limite pour remplir sa déclaration.

Qu’une majorité de particuliers attende un remboursement d’impôt m’étonne toujours. La surprise est sans doute reliée à mon enfance. Durant les mois de mai et juin, il régnait chez nous une tension à trancher au couteau. C’était la période de l’année où mon père recevait ses avis de cotisation. Il les digérait très mal, la facture était salée. J’ai par moment pensé qu’une sorte d’anti-Père Noël, le «contrôleur fiscal», sortait au printemps pour répandre colère et frustration dans les chaumières.

En fait, une minorité de contribuables sont débiteurs auprès du fisc. Selon les données de l’ARC, 16 % d'entre eux avaient un solde à payer pour l’année 2017 en date du 2 avril.

Les six millions de personnes qui au contraire ont droit à un remboursement se partageront pas moins de 9,8 G$, soit en moyenne 1620 $ par personne. Cette somme tombe comme un cadeau du ciel pour bien des «payeurs de taxes».

Chaque année au printemps, ce ne sont pas les conseils qui manquent pour utiliser raisonnablement cette somme: rembourser ses dettes, se constituer un fond d’urgence, garnir son REER et son CELI, réduire son hypothèque, etc. Chaque année pourtant, une bonne partie de ceux qui reçoivent un remboursement choisit plutôt de consacrer cette somme aux vacances d’été, à l’achat d’une nouvelle télé ou à une autre dépense importante.

Je lisais la semaine dernière que le cerveau traitait l’argent provenant d’un remboursement d’impôt de manière différente qu’une somme identique que nous aurions épargnée durant l’année. Le chèque du fisc est perçu comme gain inattendu. La raison pour laquelle il est considéré ainsi est qu’on ne lui a pas attribué de fonction. Alors on traite cet argent de manière plus frivole, sans soupeser quelle serait la façon la plus utile d’en disposer. On se fait plaisir quoi.

Ce n’est pourtant pas un cadeau, c’est de l’argent que nous avons gagné. Dans tous les cas, quand on reçoit un remboursement de la part de l’ARC et de revenu Québec, c’est le signal qu’on a payé trop d’impôt. Il est fréquent que des contribuables, comme des parents ou encore des gens dont la situation a changé en cours d’année, aient droit à des crédits fiscaux. Ces avantages ne se reflètent pas toujours à la retenue d’impôt à la source, sur le chèque de paie.

Ça ressemble néanmoins à de l’épargne forcée. Si cet argent apparaissait sur notre paie plutôt que de s’accumuler dans les coffres du gouvernement, j’ai l’impression qu’il n’en resterait pas grand-chose à la fin de l’année.

Selon une étude américaine citée dans l’article auquel je fais référence plus haut, de nombreux contribuables préféreraient payer des excédents d’impôt afin de recevoir un remboursement à la fin de l’année. Je ne sais pas ce que vaut cette recherche, mais la conclusion m’apparaît plausible. Le fisc en prend un peu trop sur chaque paie, mais on ne sait combien. Ce sera une surprise à la fin de l’année, et du fait qu'il s’agit d’une surprise, on se sent libre de dépenser l'argent sans la culpabilité qu’on ressentirait en dilapidant un petit magot sciemment épargné.

Pourquoi pas? Si le petit supplément qu’on verse au fisc à toutes deux semaines ne nous oblige pas à nous endetter davantage et ne nous empêche pas d’accumuler un fonds d’urgence…

Le plus souvent, le remboursement d’impôt découle cependant d’une contribution au REER. Je ne sais pas s’il s’agit d’un autre de ces biais cognitifs, mais j’ai plus de difficulté avec l’idée de dépenser le résultat d’une cotisation REER dans un tout-inclus. D’abord, l’importance du «retour» d’impôt ne représente pas une surprise. Puis le fisc ne nous fait un cadeau, il va nous le réclamer plus tard quand on retirera l’argent du compte enregistré.

Il s’en trouve pourtant pour contribuer au REER dans le but jouir des «largesses» du fisc. Faites le test pour voir. Plutôt que de cotiser 5000 $ au REER comme prévu l’année prochaine, versez 3000 $ (60%) dans le compte CELI qui ne donne pas droit à une déduction fiscale.

Êtes-vous à l’aise avec l’idée d’acheter une télé 4k de 75 pouces ou de rehausser votre forfait de vacances avec la différence de 2000 $ ?

C’est pourtant comme si on le faisait avec son remboursement d'impôt découlant d'une contribution REER.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.