L'irrationalité de l'homme et la relativité des prix

Publié le 14/07/2015 à 11:56

L'irrationalité de l'homme et la relativité des prix

Publié le 14/07/2015 à 11:56

Ce n'est pas sur des poivrons verts qu'on peut faire de grosses économies. Photo: Shutterstock

J’invite la communauté scientifique à lâcher Pluton deux secondes et à se pencher sur les phénomènes étranges qui se produisent dans l’habitacle de la voiture. Je ne sais pas s’il s’y propage des ondes particulières, mais l’automobile a cette capacité à inhiber la raison de son conducteur.

Je ne parle pas de la rage au volant.

L’auto est telle une scène de théâtre où s’expriment dans toute son absurdité les contradictions du genre humain en matière de consommation.

Déterminé, l’homme peut d’un côté faire un détour de plusieurs km et traverser un pont pour économiser 5 cents sur le litre d’essence, soit 2,50$ sur un plein. De l’autre côté, il peut docilement se laisser détrousser de mille dollars au moment d’acheter son véhicule en acquiesçant à la première proposition d’un groupe d’options que lui fait le vendeur.

«Tu vas voir, tu vas aimer ça si jamais tu fais de la trail!» T’habites à Laval...

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Criantes lorsqu'il s'agit de la voiture, ces contradictions longent également le chemin qui nous mène au magasin, quel qu’il soit. À l’épicerie, trop heureux d’avoir économisé 30 cents sur la livre de steak haché, on se félicite en achetant un dessert décadent qui ne figurait pas sur notre liste.

L’autre jour, soucieux d’en finir avec trois brins de persil, huit olives Kalamata et le fond d’un pot de câpres (tiens, avec un peu d’huile et de la fleur de sel, ça nous fait une sauce vierge!), ma blonde et moi avons eu l’idée d’acheter un morceau de flétan pour mettre en dessous de ces modestes restes du frigo. Autrement dit, pour ne pas gaspiller l’équivalent de 1,03$ de nourriture, on en a acheté pour 30$ supplémentaires. C’était bon, mais mon plaisir a été un peu gâché du fait qu’on se trouvait un peu nonos. Le prix du poisson a alimenté notre conversation entre les bouchées.

Par moment, on déploie des efforts démesurés pour dégager de petites économies. Pensez-y. Si je vous offrais 2,50$ pour que vous traversiez le pont Jacques-Cartier aller-retour en voiture, vous trouveriez ma proposition stupide. Pourtant, c’est ce que l’on fait pour économiser à la pompe, «rigueur» budgétaire dont on a vite anéanti le fruit à la moindre petite extravagance.

Je me suis demandé pourquoi et, contrairement à mon collègue Olivier Schmoucker qui dégote des études sur tous les sujets de management, je n’ai pas trouvé de travaux scientifiques qui répondent précisément à cette question : pourquoi sommes-nous aussi incohérents dans nos choix de consommation?

Je soupçonne néanmoins un phénomène d’autocongratulation. Pour se féliciter d’un effort dérisoire, on succombe facilement à l’idée de s’accorder une récompense qui n’a rien de proportionnel. «J’ai le droit de me gâter!»

C’est une piste. Une autre piste, qui n’est pas exclusive de la première, touche notre perception de la valeur économique des choses, un domaine où les chercheurs en marketing sont particulièrement actifs. Pourquoi un prix nous apparaît raisonnable en contrepartie d’un bien ou d’un service donné? Pourquoi sortir le portefeuille pour tel produit nous dérange plus que pour un autre.

On entre alors dans un monde fascinant! Le seul fait de voir la facture monter à la pompe à mesure qu’on remplit son réservoir d’essence augmente la douleur de payer. S’il en était de même de la consommation d’électricité, on serait plus enclins à fermer nos lumières!

Le consommateur n’achète pas un bien pour sa valeur, mais parce que son prix correspond à la valeur qu’il lui accorde. C’est ce qui fait qu’un produit offert à petit prix peut être perçu comme de la camelote. Et qu’un ordinateur Apple 30% plus cher qu’un produit concurrent équivalent est un investissement.

Cela pourrait aussi expliquer pourquoi on est prêts à faire des acrobaties pour économiser quelques sous sur des biens essentiels et auxquels on accorde peu de valeur, comme l’essence, le papier de toilette ou les poitrines de poulet. Et que de l’autre côté, on consent à payer béatement plus cher pour des produits dont la valeur perçue a été moussée par un judicieux positionnement.

Morale de l’histoire? Les meilleures économies, elles ne sont souvent pas là où on pense les faire.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.