Les pauvres maintenant, les riches plus tard

Publié le 22/03/2017 à 16:38

Les pauvres maintenant, les riches plus tard

Publié le 22/03/2017 à 16:38

On attendait une hausse d’impôt sur le gain en capital. On a plutôt eu droit à l’abolition du crédit d’impôt pour le transport en commun. Des peanuts? Bah ! Ottawa récupère 150 millions $ cette année, 205 millions $ l’année prochaine, un milliard d’ici 2022. Un nanane de moins pour ceux qui se font geler sur le coin de la rue. Bon débarras! Les reçus de la STM épaississaient mon portefeuille de toute façon, ce n’était pas chic!

«Hé ho Germain! Les Affaires, ce n’est pas la place pour jouer les populos! »

Vous avez bien raison. Mais que voulez-vous, c’est la mesure immédiate la plus concrète de ce budget. Parmi toutes les nouveautés fiscales annoncées par le gouvernement du plus beau pays du monde, c’est elle qui a le plus d’impact sur le portefeuille des gens. Au deuxième rang? La nouvelle taxe sur l’alcool qui rapportera à l’État 470 millions $ d’ici 2022. Une nouvelle taxe sur le tabac gonflera les coffres du gouvernement de 225 millions d’ici cinq ans.

Le reste? Des grenailles! Ah oui, il n’est plus possible de faire du daytrading dans un REEE. Sérieusement, transigiez-vous des penny stocks dans le REEE des enfants ?

Les rumeurs pré-budgétaires? Du vent! La foule de journalistes rassemblés à Ottawa se grattait la tête. «Mais qu’est-ce qu’on va raconter?» 

On ne trouve pas grand-chose de nouveau pour la classe moyenne (le document budgétaire s’intitule «Bâtir une classe moyenne forte»). Ottawa consolide divers crédits d’impôt pour les aidants naturels en un seul et confirme l’indexation de l’allocation familiale pour enfants (ACE) à partir de 2020. Il augmente aussi les cotisations à la caisse de l’assurance-emploi, un peu plus que ce qui a été annoncé à la mise à jour économique de l’automne.

Le document budgétaire n’est pas très épais. Il l’aurait été moins s’il n’avait été gonflé de bonnes intentions et des rappels des initiatives passées. En ces temps de déficit (28,5 G$), Ottawa devrait savoir qu’il n’y a pas de petites économies. Il a manqué l’occasion d’épargner sur le papier.

Le chapitre sur l’égalité des chances entre sexes est du véritable remplissage. C’est vrai qu’Ottawa s’est engagé à faire état des progrès dans le domaine à chaque budget, et le constat reste le même, l’écart de revenus entre hommes et femmes est immense. Pour le gouvernement, c’est l’occasion de rappeler une flopée de mesures qu’il a déjà mises de l’avant, souvent mineures et non exclusives aux femmes, comme l’ACE justement. Mais il ne propose rien de substantiel, ni concret, pour faire évoluer la situation.

De la même manière, le ministère des Finances nous rappelle l’inflation galopante qui frappe le coût des prestations pour les ainés (Pension de la sécurité de vieillesse, Supplément de revenu garanti). Les dépenses dans le domaine augmentent de 5,7 % par année, soit bien plus que l’inflation. En 2021, elles représenteront 2,45% du PIB, soit une facture de 63,7 G$ de dollars. En 2030, ce sera 107 G$, soit plus de 3 % du PIB projeté.

Le document ne fait aucune mention d’une stratégie pour endiguer la chose.

On voit par ailleurs ce que le fédéral a dans le collimateur, ce qui alimentera assurément les rumeurs pendant la prochaine année: les riches. On évoque des «avantages fiscaux injustes» et des «mesures fiscales qui profitent démesurément aux riches». Mais rien pour atténuer l'inéquité dont parle le gouvernement. 

«Avec des énoncés de cette nature, le gouvernement n’aura pas le choix de frapper fort», me dit mon voisin de table, le planificateur financier Daniel Laverdière.

Bill Morneau a déclaré qu’il en aura davantage à dire sur le sujet très bientôt, mais le document budgétaire nous met la puce à l’oreille. Il rappelle, entre autres, que les gens nantis disposent d’outils de planification fiscale auxquels n’ont pas accès les membres de la classe moyenne.

Et il va dans les détails, élaborant au sujet des stratégies de planification fiscale à l'aide d'une société de gestion, une structure à laquelle recourent souvent les entrepreneurs pour ne pas laisser d’argent dormir dans leur entreprise, mais qui facilite aussi l’accumulation de gain en capital, le fractionnement de revenu et la conversion de revenu en gains en capital.

«Au cours des prochains mois, le gouvernement a l’intention de publier un document exposant plus en détail la nature de ces enjeux, et comprenant des propositions de réponses sur le plan de la politique fiscale», peut-on lire.

On nous tient en haleine. Il faut dire que la question est complexe, bien plus qu’un simple crédit d’impôt pour le transport en commun, du reste facile à éliminer.

Mais le suspens pourrait durer moins longtemps que prévu. Il arrive que les mises à jour économiques d’Ottawa soient plus spectaculaires que les dépôts d’un budget. Celui-là ne sera pas difficile à battre. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.