L'optimisme vous endette-t-il?

Publié le 10/04/2019 à 07:00, mis à jour le 10/04/2019 à 07:08

L'optimisme vous endette-t-il?

Publié le 10/04/2019 à 07:00, mis à jour le 10/04/2019 à 07:08

J’ai d’abord cru être victime d’une crampe au haut du corps, à l’extrémité pour tout vous dire, au niveau du «muscle» cérébral. J’en ignore la cause exacte, ce qui a suscité chez moi une brève inquiétude. Est-ce la teneur du message ou la prose de statisticien par laquelle il a été transmis? Ou encore la combinaison des deux? 

À la première lecture de ce résumé d’étude produit par Statistique Canada, je ne comprenais pas grand-chose, j’ai songé un instant que ce pouvait aussi être la faute de ces nouveaux foyers progressifs. Après avoir retrouvé mes facultés, j’ai pu saisir les contours d’une histoire que j’ai encore du mal à qualifier, comique ou ironique ou pathétique…

Jugez-en par vous-mêmes.

Les gens qui anticipent une amélioration de leurs finances connaissent au contraire une dégradation de leur situation. Cette détérioration semble en bonne partie être la conséquence de cette confiance envers l’avenir. Voilà en gros la conclusion vers laquelle pointe une analyse de Statistique Canada.

L’étude en question s’intitule Attentes financières et endettement des ménages. L’auteur a voulu savoir dans quelle mesure les décisions financières des ménages étaient teintées par les attentes de ces derniers.

La recherche repose sur des données de l’Enquête sur la sécurité financière de Statistique Canada récoltées en 1999, 2005 et 2016. Dans le cadre de cette recherche, les sondeurs posent cette question aux individus de leur échantillon: «D’ici deux ans, pensez-vous que votre situation financière (et celle de votre famille) sera meilleure, pire ou restera pareille?»

Les résultats démontrent que ceux qui s’attendent à ce que leur situation soit meilleure s’arrangent généralement pour qu’elle soit pire.

Selon les chiffres recueillis par l’organisme fédéral, les ménages qui entretiennent des attentes positives et qui sont propriétaires de leur logement accumulent 6800$ plus de dettes non hypothécaires que les autres familles, une différence de 30%. Cet écart atteint plus de 9300$ chez la population de 25 à 34 ans, une frange où l’optimisme est aussi à son plus haut niveau du fait que les plus jeunes peuvent plus facilement espérer des hausses de revenu. Ils partent de bas. Plus de 60% des moins de 35 ans prévoient des jours meilleurs, financièrement parlant.

Même si la confiance n’est pas aussi répandue chez les plus âgés, elle ne décoince pas moins chez eux les valves de l’endettement. Les propriétaires de plus de 55 ans qui anticipent une amélioration de leur situation financière s’endettent plus volontiers, contractant 8 700$ davantage de dettes de consommation que ceux du même âge dont les attentes sont neutres ou négatives.

Statistique Canada constate le même phénomène en ce qui a trait aux dettes hypothécaires. Les plus confiants, tous âges confondus, traînent une hypothèque en moyenne plus élevée que les autres. À près de 28 000$, l’écart n’est pas négligeable.

Cela se répercute logiquement sur le ratio d’endettement. Ce facteur entre la dette et le revenu est plus élevé chez les optimistes de plus de 32 points de pourcentage en comparaison des autres ménages de la même catégorie. Le ratio d’endettement de tout l’échantillon (1999, 2005, 2016) atteint 117%. On présume donc que ceux qui voient l’avenir en rose affichent un ratio nettement au-dessus de 100 % tandis que celui des autres se situe sous cette marque.

Cet optimisme pourrait traduire l’expectative d’une réduction de dettes, mais le contraire est plus probable. Les gens confiants en leur avenir financier se croient capables d’assumer un plus gros endettement.

Le plus surprenant de cette histoire reste probablement… ma surprise. L’analyse de Statistique Canada ne vient-elle pas confirmer ce qu’exprime l’indicateur économique qu’on appelle la «confiance du consommateur», dont le moindre bond présage de bonnes affaires pour les magasins d’électroniques, les boutiques d’ameublement et les concessionnaires d’autos?

Plus son avenir financier lui paraît brillant, plus le consommateur semble enclin à l’obscurcir.

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Cette étude de Statistique Canada nous éveille aux mécanismes de plus en plus sournois de l’endettement. Le consommateur ne jauge plus seulement sa capacité à gérer une dette en fonction des revenus prévisibles que lui assure son emploi actuel.

La vigueur avec laquelle il recourt au crédit se nourrit aussi de la présomption d’une carrière et d’une rémunération ascendantes. Pressé, notre consommateur opère une mise à niveau anticipée d’un style de vie qui surpasse souvent déjà d'un poil sa capacité.

De fait, il ne se contente plus de vivre au-dessus de ses moyens, mais aussi un peu des moyens qu'il espèrerait avoir.

Il se fait aspirer dans un engrenage qui tourne à l’envers de la mécanique de l’enrichissement, mécanique qui consiste à conserver son niveau de vie en deçà de ses moyens, même croissants.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.