Les finances personnelles, comme une petite fille avec des poux

Publié le 08/11/2016 à 10:38

Les finances personnelles, comme une petite fille avec des poux

Publié le 08/11/2016 à 10:38

Nathalie, si tu me lis, je voudrais t’offrir mes excuses. Je regrette de t’avoir accusé devant tous les petits camarades de la classe de 3e année de l’école St-Georges de transporter des poux dans ta tignasse.

Je t’ai humiliée juste pour me rendre intéressant, sans penser que plus personne ne voudrait s’asseoir à côté de toi de peur d’être envahi par les parasites. Déjà que tu n’étais pas des plus rayonnantes, ni des plus jolies. Tu étais une bonne fille pourtant, ce qui ne m’a pas empêché de te confiner ce jour-là dans le rôle de «rejet», rôle qui t’a collé à la peau jusqu’à la fin de l’année scolaire. Heureusement qu’on n’avait pas Facebook… C’est fou comment, dès l’âge de huit ans, on peut être méchant.

Je pense à toi Nathalie, car un sentiment de culpabilité semblable à celui que j’éprouve pour toi est venu m’envahir la semaine dernière. Oui, j’ai eu un nouvel élan tout à fait gratuit de méchanceté. Ma victime ne méritait pas mes attaques, elle n’a rien fait de mal. Elle n’a même pas de poux, ni de morpions. C’est vrai qu’elle n’a pas tout pour elle, à commencer par son nom à coucher dehors, mais elle est mue par de bonnes intentions. Je m’en veux, car je m’en suis pris à elle pour la seule raison qu’elle est faible et peu populaire. Alors qu’elle ne demandait qu’un petit coup de main, j’ai l’ai humiliée. Je me sens lâche.

Alors j’aimerais aussi m’excuser auprès du Mois de la littératie financière.

***

Un lecteur affirmait la semaine dernière que le Mois de la littératie financière était la manifestation d’une forme d’hypocrisie. On a beau rappeler à cette occasion qu’il faut faire son budget, distinguer ses désirs de ses besoins, épargner pour la retraite... la réalité est que si nous étions tous raisonnables comme Pierre-Yves McSween, nous serions sans doute au chômage. Au final, ironiquement, notre situation financière personnelle ne s’en porterait pas mieux.

Bref, le lecteur me rappelait que la consommation est le moteur de notre économie, pas la frugalité.

Les marchés financiers, dont dépend en grande partie notre retraite, à quoi réagissent-ils? Aux chiffres sur les dépenses des ménages. À l’indice sur la confiance des consommateurs. Aux données sur la construction. Aux ventes de véhicules neufs. Aux statistiques sur l’emploi. Aux stocks de pétrole. Au dernier relevé du produit intérieur brut. Toutes des données qui témoignent de la vigueur présente, ou anticipée, des consommateurs.

Et quand on s’émeut du taux élevé d’endettement, ce n’est pas par sympathie pour les ménages pris à la gorge, mais par crainte que, littéralement épuisées, ces personnes ne puissent dépenser davantage.

La modération reste à contre-courant. Impossible de l’ignorer à quelques semaines de Noël, période cruciale pour les commerçants et les intervenants en amonts. Nous sommes littéralement gavés de publicité qui nous invite à dépenser.

Mais il ne s’agit là que de messages publicitaires encore pas très subtils. Lorsqu’on s’attarde à toutes les ressources consacrées au développement des technologies de marketing ciblé et de publicité personnalisée, il y a de quoi avoir le vertige. Avec Google et Facebook, notamment, la pub fait son nid dans les moindres recoins de nos vies. L’incitation à consommer fait reculer sans cesse les frontières de notre intimité, et elle est devenue une partie si intégrante de notre quotidien qu’on ne s’en offusque plus, comme on n’est pas choqué de voir le soleil se coucher le soir.

Des milliards et des milliards de dollars sont investis chaque année pour nous créer des besoins. Inutile de vous dire que dans cet environnement, le blogue de Jane Rooney, chef du développement de la littératie financière au Canada, ne fait pas le poids, semblable au bourdonnement d’un maringouin survolant le site d’Osheaga durant la spectacle des Red Hot Chili Peppers.

On ne l’entend pas, la pauvre!

Celles qui se font le plus entendre, parce qu'elles en ont les moyens, ce sont les institutions financières qui profitent du Mois de la littératie financière pour nous inviter à ouvrir un compte d'épargne chez elles.

Et plus tard, la carte de crédit et l'assurance bidon. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.