Le pot, prochain «bad trip» des syndicats de condo?

Publié le 13/02/2018 à 11:15

Le pot, prochain «bad trip» des syndicats de condo?

Publié le 13/02/2018 à 11:15

Quand on habite en copropriété, on n’est jamais tout à fait propriétaire. Je veux dire qu’on ne peut pas jouir de sa propriété, disons, comme celui qui possède une maison au fin fond de la campagne. On ne peut pas allumer de feux de camp, ni tirer du fusil sur des boîtes de conserve. Ça pourrait nuire au bon voisinage.

Vous me direz que le propriétaire d’une maison en ville ne peut non plus profiter librement de sa cour, les municipalités interdisant de s’exercer au tir avec des voisins autour. Mais lui a la liberté de griller des cigarettes dans son jardin comme bon lui semble, ce qui n’est souvent pas le cas du copropriétaire.

La cigarette est devenu un enjeu dans plusieurs copropriétés, tout comme dans les immeubles à logements. Le problème du tabac, à moins de le chiquer, c’est que ça fait de la fumée. Et la fumée, elle est envahissante, elle traverse les moustiquaires et se fraie un chemin jusque dans les poumons roses des enfants et des émules de Gwyneth Paltrow. Alors, des copropriétaires pressent leur syndicat d’encadrer l’usage du tabac sur les lieux de la copropriété.

C’est ainsi que des syndicats de condo ont interdit de fumer dans les espaces communs, y compris ceux à usage restreint. Il suffit qu’une majorité simple de copropriétaires votent en faveur d’une telle interdiction pour en faire un règlement. Les espaces communs à usage restreint incluent les balcons et les terrasses, si bien que les fumeurs sont repoussés à l’intérieur de chez eux. Mais comme je vous disais, la fumée s’infiltre par les moindres fissures, elle passe facilement par les conduites de chauffage et de ventilation. Alors des voisins sont incommodés et pressent une fois de plus le syndicat pour faire interdire l’usage du tabac jusque dans les logements.

Je devine qu’on puisse être contrarié par l’odeur de clope qui envahit son condo à 350 000 dollars. D’un autre côté, je comprends aussi celui qui veut savourer tranquille sa Mark Ten dans l’appartement qu’il a payé lui aussi le gros prix. Le syndicat ne peut empiéter sur les libertés du copropriétaire lorsqu’il est chez lui, quoiqu’un article du magazine du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ), Condoliaison, rapporte cette histoire assez loufoque d’un syndicat qui, avec le consentement de 100% de ses membres, est parvenu à éradiquer le tabagisme de la copropriété. Pour obtenir ce résultat, il a fallu l’appui d’une copropriétaire adepte du tabac. On ne dit pas pourquoi dans l’article, mais un juge s’est prononcé sur cette interdiction, qu’il a avalisée. Cependant, il a permis à la dame de fumer sur son balcon du 2 novembre au 30 avril, période durant laquelle les fenêtres des voisins sont normalement fermées.

Si la fumée de la cigarette crée des tensions entre voisins, qu’en sera-t-il du cannabis? Avec la légalisation imminente, les syndicats pourraient se retrouver à gérer de nouveaux conflits entre des copropriétaires qui ne veulent pas être dérangés par la fumée et leurs voisins qui veulent jouir de leur nouveau droit.

C’est ici que c’est délicat. Le niveau d’acceptabilité à l’égard de la marijuana et du tabac évolue dans des directions opposées. La cigarette est de moins en moins tolérée alors que le pot, au contraire, est passé de drogue interdite à médicament et, bientôt, à produit récréatif légal. Nombreux encore sont ceux qui s’opposent à légalisation de la mari, mais ils risquent de passer pour des ayatollahs réactionnaires en comparaison des militants anti-tabac.

Le cannabis fera inévitablement l’objet d’affrontements dans les assemblées de condos. On peut facilement imaginer des parents se plaindre que leurs enfants sont exposés à la fumée secondaire du pot. Que faire maintenant que la loi, ni l’opinion publique, ne sont plus de leur côté?

Il sera toujours possible d’adopter des règlements pour restreindre la consommation de cannabis dans les espaces communs, mais comme pour le tabac, ce sera pratiquement impossible d’empêcher les gens de fumer leur joint chez eux.

Le RGCQ recommande aux syndicats de copropriété d’adopter des règlements interdisant la consommation de cannabis dans les parties communes et privatives avant que la loi sur la légalisation n’entre en vigueur. On n’est pas certain que ça puisse tenir la route, mais ça pourrait améliorer les chances, croit-on.

Imaginez un peu la situation. Dans les journaux, partout dans le monde, on titre que la consommation du pot est désormais légal au pays de Justin Trudeau, so cool! Mettez-vous maintenant dans la peau des pauvres administrateurs bénévoles du syndicat de condo qui jouent à la police, le nez en l’air, reniflant dans les couloirs de leur immeuble pour trouver des coupables.

Tout un buzz! buzz! buzz! la vie en condo!

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.