Le coût de compagnies d'assurance plus humaines

Publié le 06/03/2018 à 11:45

Le coût de compagnies d'assurance plus humaines

Publié le 06/03/2018 à 11:45

Oui, oui, je sais. Je suis un peu en retard sur la nouvelle comme on dit dans la confrérie.

Je n'ai pas été moins touché que vous par la lettre publiée dans La Presse+ par l'auteur et professeur de littérature Samuel Archibald, il y a trois semaines. Vous vous souvenez, il y racontait ses malheurs financiers découlant de la décision de Desjardins Assurances de cesser de lui verser des prestations d'assurance invalidité. L'employé de l'UQAM, en dépression, y relatait comment il avait été largué par l'assureur et comment il ramait depuis pour le convaincre de l'authenticité de son invalidité. Sa lettre représentait sa dernière chance, il jouait son va-tout.

Une amie m'a dit alors que les compagnies d'assurance manquaient d'humanité. Le réquisitoire public qui en a suivi a montré que son sentiment était largement partagé. D'une certaine manière, elle n'a pas tort. En assurance, on ne fait pas de cadeaux.

L'assurance de personnes est une vieille industrie, très ennuyante par ailleurs. Le travail de l'assureur consiste à évaluer un risque dans un groupe et à calculer la prime à payer pour chaque individu de ce groupe afin de couvrir d'éventuelles réclamations découlant d'un sinistre inscrit au contrat. Tout le modèle d'affaires est résumé là. La compagnie retourne sous forme de prestations la majeure partie des primes reçues. C'est comme ça depuis des centaines d'années. Il n'y a pas vraiment de surprises en assurance, à moins d'une catastrophe.

Les profits sont donc prévisibles. Ils sont constitués pour l'essentiel de la différence entre ce qu'elle collecte d'un côté et ce qu'elle distribue de l'autre, plus les rendements pépères sur les capitaux qui transitent dans ses coffres.

En assurance invalidité collective, par exemple, 80 à 85 % des primes sont retournées sous forme de prestations, selon Denis Preston, CPA et chargé de cours à HEC Montréal. Petit détail, il signale par ailleurs qu'une taxe provinciale de 9% est appliquée sur les primes d'assurance collective.

Les mésaventures de Samuel Archibald et de tant d'autres laissent à penser que, par défaut, l'assureur cherche à ne pas payer des dommages dans le but de maximiser ses profits. La réalité est plus complexe.

En cas d'accident de travail, notamment pour ceux qui occasionnent des problèmes de dos, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST, anciennement la CSST) se montre aussi tatillonne que peuvent l'être les assureurs privés pour des cas de dépression. Et pourtant, je signale qu'il n'y a pas de profits en jeu dans ce cas.

Bêtement, le problème, ce sont les primes payées. Les coûts d'assurance collective ont grimpé à un rythme effarant au cours des dernières années. Plusieurs facteurs expliquent cette explosion des primes d'assurance, à commencer par les prix des médicaments (La Presse a publié un dossier sur la question ces derniers jours). L'assurance invalidité de longue durée aussi a fait gonfler la note.

Selon des données de l'Association canadienne des compagnies d'assurance de personnes du Canada (ACCAP), les prestations versées pour des dossiers d'invalidité sont passées de 800 millions à 1,6 milliard de dollars de 2000 à 2015. Selon la firme Aon Hewitt, spécialisée en avantages sociaux, les primes d'assurances invalidité ont augmenté au rythme de 7% par année depuis quatre ans. Ce qu'on appelle aussi l'assurance salaire représente 20% des coûts d'assurance collective.

Ces frais sont souvent partagés entre l'employeur et l'employé. Notons que la portion de la prime qui couvre l'invalidité est un avantage non imposable lorsqu'elle est assumée par l'employeur. Dans ce cas cependant, les prestations sont imposables. Pour que l'indemnité ne soit pas imposée, la prime doit être payée par l'employé.

Il y a plus d'une dizaine d'assureurs collectifs en affaires au Québec. L'employeur se tourne généralement vers un courtier en assurances collectives pour trouver une protection à ses employés. Comme ces derniers souvent, l'entreprise veut payer les primes les moins élevées possible, les coûts d'assurance représentant une portion grandissante de la rémunération globale du personnel.

Pour être concurrentiel, l'assureur doit donc contenir la progression du coût des primes. Un des moyens pour y arriver est de gérer avec rigidité les réclamations. Cela passe par des processus de vérification pointilleux menés par des employés parfois eux-mêmes tracassiers. Cela dégénère parfois en bataille d'experts, particulièrement dans le cas de maux dont les symptômes ne sont pas manifestes de l'extérieur, comme la dépression. Rappelons que le fardeau de la preuve repose sur l'assuré et que le Code civil favorise l'assureur. 

En parallèle, des assureurs misent sur la prévention en mettant à la disposition des employés des ressources professionnelles, des services d'aide psychologique et des programmes favorisant la santé. Détrompez-vous, elles ne le font pas par altruisme, mais par affaires. Le but de ces services est de diminuer la prévalence de la dépression, donc les réclamations, afin de réduire ultimement le coût des primes.

À la suite de la controverse soulevée par la lettre de Samuel Archibald, des employés, des représentants syndicaux et des médecins ont reproché aux assureurs leur attitude harcelante. Ils ont sans doute raison de le faire. Des propositions de solutions ont émergé, notamment la mise en place d'instances indépendantes pour trancher les différends entre assurés et assureurs. Comment être contre des compagnies d'assurance plus sensibles et des mécanismes d'arbitrage qui sont moins défavorables aux assurés?

Je suis persuadé que les assureurs en ont pris bonne note. Il faut seulement se rappeler que les primes seront haussées proportionnellement, aux frais des employeurs et de leurs employés. Il ne faudrait pas s'en plaindre.

En passant, si vous cherchez la plus humaine des compagnies d'assurance, vous aurez toutes les chances de la trouver en ce moment du côté de Desjardins.

En matière de relations publiques, les coûts qu'elle a subis sont désastreux. Pas un assureur veut prendre le risque de subir autant de dommages. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.