Le cadeau empoisonné du patron

Publié le 12/12/2017 à 11:30

Le cadeau empoisonné du patron

Publié le 12/12/2017 à 11:30

Je crois qu’il aurait préféré qu’on lui casse une jambe. Philippe, un cadre d’une entreprise de télécommunications, s’est fait annoncer par son patron que le stationnement dont il profite gratuitement depuis des années serait un avantage imposable à compter du 1er janvier.

Son employeur lui paie cette place depuis son embauche, un cadeau généreux. Vous avez une idée de la valeur d’un espace d’un stationnement au centre-ville de Montréal? Pas loin de 4000 dollars par année. L’entreprise s’est fait dire par un vérificateur fiscal: «Tut tut tut! Ça là, c’est un avantage imposable que vous offrez à vos cadres. Il faut normaliser».

Un avantage imposable de 4000 dollars pour un employé dont le taux marginal d’imposition s’élève à 48%, cela revient à une ponction fiscale de 1920 dollars par année. Soudainement, Philippe se retrouve avec une dépense de 160 dollars supplémentaire par mois pour se déplacer en auto jusqu’au travail. Toutes les deux semaines, 74,84 dollars seront retenus de sa paie. Pauvre Philippe. Je le connais, je sais qu’en lisant ces lignes, il sera envahi par un malaise profond, comme celui qui nous a remués ces derniers jours en voyant les images d’un ours polaire rachitique.

Pour Philippe, il y a pourtant une façon de considérer la situation de manière positive. L’omission de son employeur lui a fait épargner des milliers de dollars en impôt au cours des dernières années. La place de stationnement n’est pas dans une zone grise, si je puis dire. Elle est explicitement identifiée par les autorités fiscales comme étant un avantage imposable, sauf quand on ne peut en évaluer la juste valeur marchande. Par exemple, quand le parking fait partie intégrante de l’établissement de l’employeur.

Qu’est-ce qu’un avantage imposable ? Tout ce qu’accorde un employeur à un employé dont ne profitent pas la plupart des gens. C’est la règle générale, à laquelle se greffent bien sûr exceptions et nuances. Une voiture fournie constitue un avantage imposable. Mais le rabais accordé au commis d’un magasin sur la marchandise n’en est pas. Un cadeau (annuel) dont la valeur est de moins de 500 dollars n’est pas considéré comme imposable, mais tout ce qui dépasse cette somme l’est. Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada détaillent ici et ici ce qui est imposable et ce qui ne l’est pas.

Un avantage imposable, qu’il soit en argent ou en nature, a le même effet que le salaire, à quelques petits détails près. Il est imposé comme n’importe quel revenu de travail et affecte l’accès aux programmes socio-fiscaux.

Revenons à Philippe, question de le tourmenter davantage. Il ne s’en doute pas, mais sa place de stationnement pourrait aussi avoir une incidence sur les frais de garde de ses bambins de deux et quatre ans. En effet, rappelons que le coût de la garderie varie en fonction du revenu familial. L’ajout de 4000 dollars au revenu imposable de Philippe peut facilement faire augmenter sa facture de frais de garde de plus de 200 dollars par année.

Les avantages imposables peuvent en effet réduire de nombreux transferts financiers, dont l’Allocation canadienne pour enfants (fédéral) et le Soutien aux enfants (provincial). Vous le remarquez aussi, comme il existe plusieurs mesures pour favoriser les familles, et que la générosité de ces programmes varie en fonction du revenu familial, les jeunes parents ont particulièrement intérêt à évaluer si un avantage offert par un employeur répond à un véritable besoin. Reprenons l’exemple de la place de stationnement. Connaissant le coût fiscal d’une place de stationnement payé par l’employeur, une personne pourrait opter pour le transport collectif. Mais une autre, au contraire, pourrait toujours favoriser la voiture parce qu’il habite un quartier moins bien desservi par les services de transport en commun.

Je pense tout à coup au jeune patron de Devolutions, une petite entreprise en technologies, qui racontait encore récemment au Journal de Montréal comment il gâtait ses employés pour attirer la main-d’oeuvre à Lavaltrie, dans Lanaudière. Je lisais qu’il n’hésitait pas à payer pour loger des employés et à rembourser la taxe de Bienvenue de ceux qui déménagent dans cette petite ville située sur le bord du fleuve. Ils paient même les changements de pneus. Je me demande si les employés sont conscients qu’ils sont imposés là-dessus, ou qu’ils devraient l’être. Et qu’ils pourraient l’être, s’ils ne l’ont pas été. Le fisc pourrait réclamer son dû jusqu’à trois ans en arrière (désolé Philippe, ce pourrait être ton cas aussi).

Évidemment, si le patron offre d’assumer des factures qu’on aurait dû payer de toute façon, on ne dit pas non. Ça nous coûtera toujours moins cher en fin de compte. Mais dans le cas de voyage d’agrément dans le Sud payé par le boss avec les collègues de qui on est content de prendre des vacances pendant nos vacances?

J’en connais un qui ne paierait pas d’impôt supplémentaire pour ça. 

Suivez-moi sur Twitter / Pour lire mes autres billets


À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.