La vie «ennuyeuse» des vrais millionnaires

Publié le 20/02/2019 à 07:00

La vie «ennuyeuse» des vrais millionnaires

Publié le 20/02/2019 à 07:00

Avec un salaire de quelque 100 000$, un lecteur se demande s’il pourrait prendre une retraite un brin avant l’heure, au plus tard à 60 ans. Il en a 56, et zéro «fonds de pension».

Il est drôle, lui, hein? Sa femme ne travaille plus depuis des années, le couple a deux enfants qui ont récemment quitté le nid familial; ça coûte cher d’élever des enfants, puis leur départ ne signifie pas la fin des sollicitations pécuniaires, vous le savez bien. Les parents possèdent une maison et un chalet. Ils sont sûrement endettés, comment peut-on faire autrement?

«Eh oh! Travaille mon vieux! » Je vous entends. Malgré des revenus bien supérieurs, la retraite vous paraît toujours plus inaccessible à mesure que votre âge vous en approche. Alors lui…

Notre lecteur étale les détails de sa situation. On soupçonne une blague, d’autant qu’il dit avoir appliqué les conseils qu’il a lus dans notre journal… Non pas qu’ils soient mauvais, nos conseils. Au contraire, ça l’a apparemment rendu plus riche que tous les journalistes de notre îlot réunis!

Il vaut 2,5 M$.

Y a-t-il quelque chose que nous n’avons pas pigé dans les textes que nous avons écrits?

Dès son premier boulot, notre lecteur a épargné une partie de sa paie, qu’il a investie. Au début de sa carrière, qui l’a ultimement mené vers un poste de directeur d’usine, il a conservé quelque temps le mode de vie que lui imposait auparavant sa condition d’étudiant. Pendant que ses amis s’achetaient des maisons et des autos, il est resté dans son petit appartement.

Il fait ça depuis 40 ans, non pas s’incruster dans le même logement entre des meubles récupérés et disparates, mais maintenir un niveau de vie bien en deçà de ce que lui permettent ses revenus. Il y a longtemps qu’il a quitté son trois et demi, il a une maison, un chalet (payé comptant) et une auto (payée comptant). C’est juste que les rehaussements dans son style n’ont jamais été apportés au rythme de la progression de ses revenus.

Puis un jour, il a touché un plateau au-delà duquel il ne pouvait trouver plus de satisfaction. Quoiqu’il ait pu dépenser de plus, cela ne lui aurait pas procuré plus de bonheur. Sa principale préoccupation était d’offrir à ses enfants l’éducation pour qu’ils aspirent eux aussi à l’indépendance financière. Ces derniers ont terminé leurs études avec suffisamment d’argent pour faire une substantielle mise de fonds sur une maison, et ce, avant même d’avoir entamé eux-mêmes leur carrière. Ils ont investi le traitement de leurs boulots d’étudiant.

2,5 M$… Vous imaginez qu’il a eu la main heureuse à la Bourse, qu’il a décelé avant tout le monde des entreprises et des secteurs au potentiel explosif. Son portefeuille est à l’image de son style de vie, car là non plus, les coups d’éclat ne prévalent pas contre la discipline tranquille et rassurante; on n’y trouve rien dans le secteur des technologies ou dans la production de pot, encore moins dans les cryptomonnaies. Il est concentré dans les actions à dividendes, des banques, des producteurs d’énergie et des transporteurs ferroviaires.

Directeur d’usine, unique pourvoyeur d’une famille de quatre, sans régime de retraite d’employeur, il nous demande sérieusement s’il peut envisager de prendre sa retraite prématurément, à 56 ans.

Il y a des années déjà qu’il aurait pu cesser de travailler.

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Notre lecteur n’est pas un spécimen unique. Sans le savoir, il est un digne représentant d’une tendance qui a cours depuis quelques années, FIRE, pour «financial independance, retire early».

Nourri par un nombre grandissant de blogueurs de finances personnelles que d’aucuns qualifieraient de hardcores, le mouvement prône la frugalité, l’épargne et l’investissement systématiques afin de se libérer rapidement de l’obligation de travailler. C’est à qui peut prendre sa retraite le plus tôt.

Comme cette orientation sous-entend la quête d’une existence dépouillée basée sur des plaisirs simples et authentiques, elle réussit à séduire les adeptes d’autres courants alternatifs, de la déconsommation, du zéro déchet et à la limite, du véganisme.

La vie simple et discrète, quoi, l’antithèse de ce que projette Instragram.

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Par une drôle de coïncidence, un livre qui traite justement de la question a atterri sur mon bureau, la semaine dernière: Les millionnaires ne sont pas ceux que vous croyez. Écrit par le journaliste Nicolas Bérubé, de La Presse, le point de départ de ce bouquin est une nouvelle insolite qui met en scène un Américain d’origine modeste, un ancien militaire qui, pour l’essentiel, a gagné sa vie comme pompiste.

Le fait surprenant de son histoire est qu’à son décès, le vieil homme a légué à la bibliothèque et à l’hôpital de sa petite ville du Vermont la colossale somme de 8 M$. Je me souviens très bien d’avoir été fasciné par cette nouvelle qui avait fait grand bruit.

Nicolas Bérubé, qui a été appelé à couvrir l’affaire pour son journal, a été frappé par ce fait d'arme au moins autant que moi. Probablement plus. Tellement qu’il a cherché à comprendre comment on pouvait accumuler une telle fortune avec si peu de moyens.

Cela l’a mené à explorer l’univers de ces millionnaires discrets et nombreux, un peu comme l’ont fait avant lui Thomas Stanley et William Danko, les chercheurs derrière l’enquête qui a débouché sur le classique du genre, The Millionaire Next Door, dont il s’inspire.

Avec des exemples d’ici et d’ailleurs (notre lecteur aurait pu en être), et des contre-exemples, le journaliste nous révèle ce qui fait le succès des véritables millionnaires, ce qui commence par ne pas en avoir l’air. Une lecture passionnante, riche d’enseignements et de gros bon sens.

On ne navigue pas ici à travers les conseils financiers pointus, on nous fait plutôt prendre contact avec un certain état d’esprit, un mélange de sérénité et d’imperméabilité. L’indépendance financière est accessible pour quiconque occupe un emploi honnête, aussi longtemps qu’il ne succombe pas à l’envie d’imiter les autres.

L’indépendance financière, c’est d’abord l’indépendance.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.