Invalidité: pourquoi pas une assurance publique?

Publié le 13/03/2018 à 11:16

Invalidité: pourquoi pas une assurance publique?

Publié le 13/03/2018 à 11:16

Si vous permettez, je voudrais faire encore du chemin sur les péripéties de Samuel Archibald, ce professeur de littérature à l'UQAM qui a eu maille à partir avec son assureur. À force d'indignation à l'égard des compagnies d'assurance, je crains qu'on oublie un aspect essentiel de son histoire : les conséquences financières d'une invalidité.

Confronté à un assureur implacable qui ne voulait plus payer, il ne restait à l'écrivain que la possibilité de plaider sa cause dans les journaux. Incapable de retourner au travail, il lui faudrait vendre cette maison qu'il habitait avec sa conjointe et ses enfants, avait-il écrit dans La Presse. Bien des Québécois n'ont pas ce luxe, je veux dire celui de pouvoir rallier l'opinion publique par l'intermédiaire des médias. Non faute de talent littéraire. C'est qu'ils n'ont pas vraiment d'opposant sur qui faire peser l'odieux de leur situation, ils ne sont protégés par aucune couverture d'assurance.

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Parmi tous ceux qui ont déchiré leur chemise après la publication de la lettre de M. Archibald, je serais curieux de savoir combien ont pris la peine de vérifier s'ils étaient eux-mêmes protégés par une assurance invalidité, et s'ils connaissaient le contenu de leur contrat d'assurance.

En finances personnelles, on insiste beaucoup sur l'importance de consommer selon ses besoins, de magasiner le financement de sa maison, de mettre de l'argent de côté pour encaisser des coups durs et en prévision de la retraite. On le rappelle parfois, mais jamais assez, que tout cela ne repose que sur un seul actif, le plus important de tous : cette capacité à monnayer ses compétences et son talent. Sa valeur est d'autant plus grande qu'on est jeune, son potentiel est immense.

Cela n'est pas à l'épreuve de tout, comme on a pu le voir. Ici, un mal assez commun de nos jours, une dépression, qui a failli faire perdre à sa victime sa maison. Lorsqu'on perd sa capacité à générer des revenus, on devient soudainement collectionneurs de malheurs. On ne s'acquitte plus de ses obligations financières, on s'endette, on déprime et après avoir été dépouillé d'une partie de son estime de soi, on en vient même qu'à perdre des amis. On s'enfonce. Il y a alors peu de réconfort à trouver dans l'oreille de cet employé de l'agence de recouvrement qui nous harcèle.

Parmi les 4,1 millions de Québécois en emploi en 2016, 2,6 millions étaient couverts par une assurance salaire. Cela donne 1,5 million de personnes dépourvues d'une couverture. J'exagère un peu, car il leur reste toujours la protection de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) et celle de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

La couverture, vous l'imaginez bien, est partielle. Son efficacé est fonction de la cause de l'incapacité, et non de la nature de l'invalidité. Un employé de la construction qui tombe d'un échafaudage sur les lieux de son travail recevra des prestations de la CNESST, mais pas s'il chute du toit de sa maison. Un cycliste sera indemnisé par la SAAQ s'il hérite d'un handicap à la suite d'un accident impliquant une voiture, mais pas si la cause est un caillou rencontré alors qu'il dévale une pente à plus 50 km/h.

À lui seul, le diagnostic d'une maladie handicapante fait pleurer, autant que la paralysie découlant d'un bête accident de ski. Restera-t-il des larmes pour ce jour proche où l'invalide réalisera qu'il n'y aura plus que l'aide sociale pour subvenir à ses besoins? Il y a toujours l'assurance-emploi, qui couvre 55% du salaire, mais pour 15 semaines seulement.

On peut remercier Samuel Archibald d'avoir dénoncé certains abus d'assureurs. Sa plus grande contribution dans ce dossier aura pourtant dû être d'éveiller les gens aux risques financiers que représentent une invalidité.

L'occasion était belle d'avancer l'idée d'une assurance invalidité publique calquée sur le modèle de l'assurance-médicaments. Je n'affirme pas que c'est la solution, mais il y a certainement là matière à discussion.

Un projet pareil, j'ai bien peur, aurait rapidement rencontré des opposants, et ce de tous les côtés. Les compagnies d'assurance y auraient vu un empiètement sur leur marché, non sans raison.

La contestation la plus bruyante se serait sans doute fait entendre du côté des payeurs. Ils déboursent déjà pour de l'assurance-médicaments, de l'assurance emploi, de l'assurance automobile… D'autant plus qu'ils sont valides, pétants de santé, que dis-je, vigoureux !

Pourquoi payer pour les malchanceux? 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.