Ces fonds sont des dinosaures, mieux vaut s'en tenir loin!

Publié le 24/04/2018 à 12:00

Ces fonds sont des dinosaures, mieux vaut s'en tenir loin!

Publié le 24/04/2018 à 12:00

Quelques dinosaures subsistent au pays des produits financiers. J’ai pu en observer récemment, c’est plus angoissant qu’au Parc Jurassique. Qu’ils existent encore n’est pas ce qui donne le plus de frissons, non. C’est qu’ils sont encore nombreux ces monstres!

La popularité grandissante des fonds négociés en Bourse (FNB) ainsi que le discours de sensibilisation aux frais financiers excessifs qui tourne en boucle depuis 10 ans auraient dû faire disparaître les produits d'investissement les plus chers. Bien non. On propose encore des fonds accompagnés de frais de gestion de 3,5%, 4% et encore 4,5%, soit le double de ceux, déjà considérables, des fonds communs de placement ordinaires.

Je vous parle ici des fonds distincts, sorte de clones des fonds communs assortis de certaines garanties souvent aussi coûteuses qu’inutiles. Conçus par les compagnies d’assurance de personne, ces fonds ont certaines caractéristiques qui peuvent s’avérer pratiques dans certaines situations très particulières.

J’ai toujours pensé qu’il s’agissait de produits de niche, ainsi ai-je été surpris quand un lecteur de moins de 30 ans nous a exposé l’automne dernier son portefeuille constitué entièrement de fonds distincts. C’est arrivé encore récemment, une jeune lectrice nous a dévoilé le contenu de son portefeuille dans le cadre de la rubrique «Clinique retraite» publiée dans notre journal. Il contenait tout ce qu’il y a de plus détestable dans l’industrie: des produits compliqués, chers, grevés par des frais de sortie et générant des rendements pas des plus vigoureux.

Dans les deux cas, il s’agissait de portefeuilles de la compagnie Industrielle Alliance, maintenant iA, une entreprise de chez nous dotée d’une force de vente dit-on assez redoutable. On ne peut se retrouver avec un portefeuille de fonds distincts à l’âge de 28 ans autrement que par l’intermédiaire d’un conseiller en sécurité financière convaincant. Ici des représentants d’iA Groupe financier, mais ç’aurait pu être de n’importe quel autre assureur. J’insisterai sur les fonds d’iA, mais libre à vous de lire Manuvie, Sun Life, Desjardins Assurances, et encore.

Loin de disparaître, les fonds distincts se portent assez bien. Selon des données de l’Association des compagnies canadiennes d’assurance de personnes (ACCAP), il y aurait pour plus de 310 milliards de dollars (G$) d’actifs sous gestion dans ces produits au pays. Ce sont encore les fonds communs qui dominent au pays, avec 1 400 G$ d’actifs sous gestion.

Pour vendre les fonds distincts, les représentants des compagnies d’assurance se reposent sur un argument massue: rendement et sécurité. Partout, on dira que ce type de produit permet de profiter du plein potentiel du marché boursier tout en protégeant le capital.

Venons-en au portefeuille de cette lectrice qui nous a récemment confié ses affaires. Elle a investi dans un REER Ecoflex 100/100 d’iA. Ç’aurait pu être la Série Classique 75/75, ou la Série Classique Prestige 75/100 ou une autre patente développée par le département de marketing d’iA. L’important ici, ce sont les chiffres: 100/100, 75/100, 75/75. Ils réfèrent aux garanties. 100/100 veut dire que 100 % du capital est garanti à l’échéance du contrat et au décès. 75/100, que 75% du capital est garanti à l’échéance et 100 % au décès. Enfin, 75/75 signifie que les trois quarts du capital sont protégés autant à l’échéance qu’au décès.

Mais l’échéance, de quoi s’agit-il? Tout dépend du produit. Ici, dans la «Série Classique», l’échéance est fixée au 31 décembre de l’année où le client atteint… 100 ans! Dans la Série Ecoflex, c’est entre 60 et 71 ans, au choix du client. Quinze ans doivent minimalement séparer le moment de l’investissement et l’échéance.

Ces produits comportent d’autres caractéristiques. Par exemple, le client peut «revaloriser» le capital garanti jusqu’à 15 ans avant l’échéance pour les produits plus haut de gamme, donc les plus onéreux. Autrement dit, les gains peuvent s’ajouter au capital garanti, sauf ceux réalisés 15 ans avant l’échéance.

Notez que la garantie ne s’applique pas si on retire ses billes avant de mourir ou avant l’échéance, ce qui correspond presque au même quand l’échéance est fixée à 100 ans. Les frais de gestion supplémentaires sont versés en pures pertes si vous ne mourez pas avec ce produit en portefeuille. Et encore.

IA offre plus de 80 fonds répartis dans huit catégories et déclinés en six séries. Plus le fonds est volatile et la garantie étendue, plus le ratio de frais de gestion (RFG) est élevé. À cela s’ajoutent d’autres frais qui varient eux aussi en fonction du type de protection.

Notre lectrice détenait trois fonds dans son portefeuille: le fonds «Diversifié sécurité»; le fonds «Diversifié» et le fonds «Dividendes croissance». Prenons le premier, «Diversifié sécurité». Il est frappé d’un RFG de 3,03%, plus un taux de frais de 0,25% dans la gamme Ecoflex 100/100. Dans la Série prestige 75/75, le RFG du même fonds s’élève à 2,63%, sans autres frais.

Le fonds en question est composé à plus de 50% d’obligations, à plus de 35 % d’actions et à plus de 10 % de placements à court terme, des bons du trésor sans doute. Pour qu’un tel fonds puisse perdre plus 25 %, il doit se produire un cataclysme économique comme on n’en a jamais vu, une guerre nucléaire, quelque de chose de si gros en fait que notre portefeuille pourrait ne plus être une préoccupation tellement le reste est en proie au chaos. C’est contre ce type d’événement que protège une garantie de 75 % sur les sommes versées (pas les rendements) dans un fonds prudent. Je blague à peine.

Quant à la protection de 100 %, elle ne met pas à l’abri les rendements réalisés à partir de la 15e année précédant la date d’échéance. On conviendra alors qu’elle prémunit le client contre un risque fort improbable. À l'échéance, il faudrait que la valeur du fonds plonge sous son niveau d’il y a 15 ans! S’il descendait en dessous avant, il y a fort à parier qu’il aura récupéré ses pertes avant l’échéance.

L’épargnant qui opte pour un portefeuille prudent de fonds distincts perd son argent. Quant à celui, plus «téméraire», qui investit dans les fonds distincts plus volatiles, ce serait plus logique qu’il opte pour un portefeuille moins risqué composé de produits moins gourmands en frais.

Un sujet à suivre. 

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.