Ce produit fantastique est-il en train de se corrompre?

Publié le 09/08/2016 à 10:10

Ce produit fantastique est-il en train de se corrompre?

Publié le 09/08/2016 à 10:10

Je voulais reprendre tout en délicatesse, mais parfois la voie brutale est la plus appropriée pour se débarrasser de cette langueur estivale. Passons donc aux choses sérieuses: le discours autour des fonds négociés en Bourse (FNB) n’est-il que demi-vérité?

Je ne l’affirme pas. Je pose la question. Prenons les frais de gestion. Les chantres du produit auront vite fait de comparer le frais le plus bas des FNB à celui le plus élevé des fonds communs de placement (FCP), le véhicule financier «concurrent» pour aider l’épargnant à faire fructifier son argent.

On l’entend souvent, mais le plus agaçant est quand cela sort de la bouche des gestionnaires de portefeuille qui s’y sont convertis après des années à avoir vendu des fonds communs de placement. Leur zèle à pourfendre le produit qu’il chérissait tant auparavant ressemble à l’intolérance de certains anciens fumeurs envers tout ce qui exhale une volute blanche, avec la petite morale détestable.

Ceux-là, et bien d’autres, vous diront que les frais de gestion des FNB sont nettement plus bas que ceux des FCP, avançant que le premier ne coûte que 0,3% de frais alors que le second, 2,2%. Un fossé. Que dis-je: un océan honteux. Ils sortent alors leur calculette pour évaluer à quelle somme, cette différence, pourrait correspondre au moment de la retraite: des dizaines, des centaines de milliers de dollars!

Ils omettront toutefois de préciser leurs honoraires, qui s’ajoutent aux frais des produits, alors que, comme je l’expliquais plus tôt cet été, le frais du fonds commun de placement comprend la rémunération du conseiller qui l’a vendu au client.

C’est par le même genre de sophisme, par omission, qu’on dira que les frais de gestion des fonds communs vendus au Canada sont parmi les plus élevés au monde. En comparaison, les frais sur les fonds vendus aux États-Unis sont moins élevés, et de beaucoup, mais ils n’incluent pas les frais de courtage, qui seront défrayés à part.

Un autre des arguments des adeptes des FNB se résume en cette formule. «Peu ou pas de gestionnaires de portefeuille ne bat les indices année après année». Par là, on oppose un produit à gestion passive, indicielle et automatisée, le FNB, à un produit géré de manière active par un humain qui tente d’obtenir des rendements supérieurs à l’ensemble du marché ou à un secteur, le FCP.

Le recours à des gestionnaires professionnels, qui composent le fonds en sélectionnant des titres d’entreprises avec le soutien d’analystes financiers, explique une partie des frais plus élevés des fonds communs de placement.

Sur de longues périodes, c’est vrai, rares sont ceux qui battent le marché. Et beaucoup de gestionnaires, peu inspirés, frileux ou les deux, bref, médiocres, se contentent d’une gestion quasi indicielle par crainte de se faire battre par le marché, et ce sans faire de compromis sur les frais. Un vrai attrape-nigaud. Mais on ne trouve pas que de cette camelote.

La qualité d’un gestionnaire de portefeuille ne se mesure pas seulement par le rendement absolu à long terme, mais par son aptitude à réduire la volatilité du fonds, c’est-à-dire à aplanir les écarts entre les sommets et les creux qui jouent sur les nerfs des investisseurs. On appréciera aussi un gestionnaire par sa capacité à amenuiser l’effet d’un marché à la baisse et à obtenir des rendements supérieurs lors d’une séquence où le marché stagne.

Il y a des investisseurs qui apprécient cette valeur ajoutée et qui obtiennent d’excellents résultats avec leur portefeuille de fonds communs.

Et ça, les sociétés de fonds négociés en Bourse l’ont bien compris. Alors que leur argumentaire de vente a toujours été fondé sur la simplicité, l’efficacité et l’abordabilité de l’approche indicielle, que voit-on de plus en plus apparaître sur le marché? Des fonds négociés en bourse à gestion semi-active ou active, à «indexation améliorée», à biais valeur et même à effet levier. Et bien sûr, avec ces approches plus sophistiquées viennent des frais de gestion à l’avenant: 0,6; 0,7; 0,8%… auxquels s’ajoute la rémunération du gestionnaire de portefeuille et de la firme de courtage.

On retrouve aujourd’hui 17 sociétés qui commercialisent plus de 400 FNB au pays. Elle paraît loin l’époque où il y avait trois joueurs qui offraient chacun une poignée de fonds purement indiciels. Ça ne fait pourtant que quelques années. Il n’y a pratiquement plus une saison durant laquelle une nouvelle gamme de fonds négociés en Bourse n’est lancée au Canada.

Avec un marché qui explose, qu’arrive-t-il, croyez-vous? Le budget marketing explose aussi. Les purs et durs des FNB ont longtemps fait leurs choux gras des dépenses de mise en marché des compagnies de fonds communs de placement financés par des frais de gestions plus élevés…

Auparavant cantonnés dans les médias spécialisés, la publicité de FNB a gagné les panneaux sur les trottoirs de Montréal au printemps. Et mauvaise nouvelle pour les puristes, après les banques, c’est au tour des sociétés de fonds communs d’investir le marché des FNB.

Il faut le reconnaître, l’approche FNB demeure tout de même nettement plus abordable, surtout si on s’en tient aux produits indiciels et qu’on restreint les frais de gestion du portefeuille, l’approche la plus économique étant le robot-conseiller. Le produit a aussi d'autres avantages, notamment en ce qui a trait à la liquidité, les parts de FNB se négocient comme des actions. 

Mais l’esprit fondateur de cette industrie commence à être drôlement corrompu. «Corruption», pas dans le sens que lui donnait la Commission Charbonneau, mais dans le sens de «pourrir tranquillement».

Les fans vont devoir moduler leur discours.

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À propos de ce blogue

Les finances personnelles, ça consiste à gérer son argent au jour le jour en fonction d’objectifs plus ou moins éloignés. En regardant du bon angle, on constate qu’il s’agit d’un instrument pour réaliser ses ambitions et ses rêves. C’est avec humanité et une pointe d’humour que Daniel Germain compte aborder les finances personnelles dans ce blogue, dont l’objectif est de vous informer et de vous faire réagir. Daniel Germain assume la direction du magazine de finances personnelles Les Affaires Plus depuis 2002 et a développé de vastes connaissances sur le sujet.