Les conseils de Micheline Bouchard, la femme aux 24 CA

Publié le 01/05/2017 à 15:18

Les conseils de Micheline Bouchard, la femme aux 24 CA

Publié le 01/05/2017 à 15:18

Micheline Bouchard a accédé à plus de 24 conseils d’administration au cours de sa carrière dont ceux d’Harry Winston Diamond, Home Capital, Sears Canada, Corby Distilleries, la Banque nationale de Paris (aujourd’hui fusionnée avec Paribas), Ford et London Insurance Group. Aujourd’hui, elle siège au CA de TELUS, d’Investissement PSP et de la Fondation canadienne pour l’innovation.

Cette ingénieure a été PDG de Motorola à Toronto et vice-présidente à l’échelle mondiale, à Chicago. Micheline a accédé à son premier CA, celui de Canadair, en 1984. Comment a-t-elle réussi cet exploit? Comment est-elle parvenue à percer ce fameux plafond de verre? Avec beaucoup d’humilité, m’a-t-elle expliqué lors d’une session de formation organisée par La Gouvernance au Féminin.

À ses débuts d’administratrice, Micheline a bénéficié de la volonté du gouvernement de l’époque de voir des femmes au sein des CA des sociétés gouvernementales. Un effort considérable a été déployé pour identifier des femmes dirigeantes à travers le pays. Ayant été élue présidente de l’ordre des ingénieurs du Québec à 30 ans, Micheline a joui d’une grande notoriété à un jeune âge. Une condition essentielle, selon elle, pour être invitée à un conseil. On peut être reconnue pour le leadership qu’on exerce, pour sa compétence ou pour son expertise. Mais la plupart du temps, on cherche des PDG pour siéger aux CA. Or, Micheline ne l'était pas. Des administrateurs côtoyés au CA de Canadair ont néanmoins proposé son nom pour un deuxième conseil. Et c’est ainsi que, de fil en aiguille, elle a cumulé les sièges d’administratrice.

Premier conseil: se faire voir

«Tout dépend de qui nous connaît et de qui on connaît», dit-elle. En cheminant d’un CA à un autre, Micheline constate qu'à l'époque  très peu de femmes ont l’expérience exigée. «Guylaine Saucier et moi étions très sollicitées. Nous devions même refuser des mandats! »

On ne siège pas sur un conseil d’administration en étant simplement compétente. Il faut être «visiblement» compétente. «On a tendance à penser qu’on n’a qu’à exceller dans son domaine pour qu'on nous remarque, souligne-t-elle. C'est faux. Il faut des alliés. Des promoteurs, des gens qui croient en nous.» Et surtout, il faut croire en soi!

Le réseautage est essentiel, Micheline l’a vite appris. Elle a compris que si on n’arrivait pas à voir ce dont elle était capable, on n’allait pas la découvrir. Ayant siégé sur de nombreux CA d’OBNL comme la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ou Centraide, Micheline considère que les levées de fonds sont incontournables pour se faire connaître et se faire recruter. D’ailleurs, au moment de choisir un nouveau membre, les administrateurs font un tour de table pour vérifier ce que chacun sait des candidats potentiels. Si quelqu’un commente, «J’ai mené une campagne de Centraide avec elle», la candidate vient de gagner une longueur d’avance sur les autres finalistes.

Deuxième conseil : investir tôt dans son développement professionnel

Une autre grande leçon de Micheline Bouchard: on ne peut pas aspirer à des postes de haute direction ou un siège à un CA sans investir dans son développement professionnel. Et surtout sans investir tôt. On ne naît pas leader. On l’apprend, on le développe, en siégeant à des CA de petits OBNL, par exemple. Si on se coupe du monde extérieur en se concentrant sur son emploi et sa famille, qu’on attend que les enfants soient grands pour s’impliquer, on n’y arrivera pas, insiste-t-elle.

Troisième conseil: se rapprocher des autres administrateurs en dehors des réunions

Micheline cumule plus de trois décennies d’expérience en tant qu’administratrice. Elle a trop longtemps été la seule femme dans des CA. «Ce n’est pas simple, on se sent observée, jugée », confie-t-elle. «Il faut une bonne dose de tact et de diplomatie pour composer avec ses collègues masculins, poursuit-elle. Pour s’en tirer, il faut s’en faire des alliés au CA en dehors des réunions.» Au fil des années, on a vu la présence des femmes augmenter sur les conseils. Depuis que le CA de  Sears Canada compte 4 femmes sur 11 membres, la dynamique a changé. «Enfin, on pouvait faire comme les hommes et discuter de l’entreprise entre nous, au petit coin!», plaisante Micheline.

Une prise de conscience s’est opérée. De la pression a été exercée sur les entreprises pour qu’elles fassent l’effort d’identifier des administratrices potentielles. Mais on approchait toujours les mêmes femmes. «Et on exigeait des femmes administratrices qu’elles soient PDG alors que les CA accueillaient des hommes qui n’avaient jamais dirigé une entreprise. Et qui n’avaient pas l’expérience exigée des femmes.». Avec seulement 5% de femmes PDG au Canada, on n’atteindra jamais la parité en maintenant ce critère. Qui, de toute façon, ne semble s’appliquer qu'aux recrues féminines. Dès qu’il s’agit de femmes, on se pose davantage de questions au sujet de la compétence.

Quatrième conseil donner au suivant

Micheline insiste également sur l’importance, quand une femme quitte un CA, de proposer d’autres femmes de son réseau en remplacement afin d’éviter de perpétuer le «old boys’club».

Christine Lagarde avait d’ailleurs partagé, lors de son passage au Forum Économique de Montréal il y a quelques années, qu’elle gardait en tout temps une petite liste de femmes dans sa poche qu’elle brandissait à chaque président de conseil qui clamait ne pas réussir à trouver des administratrices.