Mooney: La Bourse, pas une question de «feeling»

Publié le 04/12/2012 à 08:55, mis à jour le 04/12/2012 à 09:13

Mooney: La Bourse, pas une question de «feeling»

Publié le 04/12/2012 à 08:55, mis à jour le 04/12/2012 à 09:13

[Photo : Bloomberg]

BLOGUE. Je veux partager avec vous une question d’un lecteur parce qu’elle est fondamentale au succès en Bourse. La voici donc:

«Bonjour. Je songe à vendre toutes mes actions pour regarder passer la prochaine année. À priori, ce n'est pas une bonne idée, mais j'ai un feeling que l'Europe et les USA vont finir par plomber les marchés et je suis tanné que mes placements baissent de 40% et prennent 3 ans pour remonter.

«Mes placements sont dans un REER et je ne suis pas pressé. Cependant, mon questionnement se fait sur vendre aujourd'hui pour acheter plus bas dans quelques mois. J'aimerais avoir votre opinion sur ma réflexion...»

Je reçois périodiquement des questions de cette nature et je comprends bien les émotions sous-jacentes. En y réfléchissant, je me suis souvenu d’un extrait du rapport annuel de la firme de gestion Baupost Group, du gestionnaire Seth Klarman, publié au milieu de 2000. Je l’ai retrouvé dans mes archives.

M. Klarman mentionnait les résultats d’un sondage datant d’avril 2000 mené par Gallup et PaineWebber. Ce sondage révélait que les investisseurs s’attendaient à ce que les actions procurent un rendement annuel composé de 16,6% (la décimale est comique, n’est-ce pas ?) pour les 10 prochaines années.

Vous savez maintenant que ces investisseurs ont été amèrement déçus, la Bourse procurant un rendement plus près du zéro !

Si ces investisseurs étaient si optimistes, c’est que l’expérience récente était si bonne qu’ils ne pouvaient que croire qu’elle se poursuivrait. En fait, ils n’en savaient rien, mais ils avaient un «feeling» que ce serait bon à la Bourse.

Cela vous donne une bonne idée et un exemple frappant qu’il ne faut pas se fier à ses «feelings» à la Bourse. Comme on ne lance pas une entreprise en se basant unqiuement sur un «feeling», on n’investit pas sur cette base non plus.

Je vous dirais que c’est encore plus fatal à la Bourse que dans la plupart des autres activités humaines.

Je suis incapable de prédire ce que fera la Bourse l’an prochain. Et je vais vous révéler un grand secret : personne n’en est capable, malgré les grandes prétentions des financiers (prétention proportionnelle à leur rémunération, diront les cyniques).

Je ne sais pas non plus ce qui arrivera à l’économie européenne, ni à celle de nos voisins du Sud. Ça aussi personne ne le sait, en commençant par les économistes. Le plus curieux dans ce cas, c’est que même si vous prédisez avec précision la croissance économique l’an prochain, cela ne veut pas dire que cela vous permettra pour autant de prédire la performance des principaux indices boursiers.

De plus, l’attrait grandiose derrière l’idée qu’on peut prédire une forte baisse avec l’idée «de racheter plus bas», quoique irrésistible chez bien des gens, mène dans la réalité au désastre. Pourquoi ? Parce qu’elle implique que non seulement vous êtes capable de prédire cette baisse, mais aussi que vous saurez identifier LE creux.

Croyez-moi lorsque je vous dis que si les marchés boursiers dégringolent de 20% ou plus, au creux, votre «feeling» ne vous dictera pas d’acheter, mais bien de vous tenir loin car la Bourse vous apparaîtra à ce moment comme un monstre à fuir.

Tout cela est du domaine de la spéculation et non du placement. Car investir c’est d’abord et avant tout acheter des sociétés solides, de grande qualité à des prix attrayants, ces sociétés capables de survivre n’importe quel contexte et les conserver de nombreuses années.

Si vous ne voyez pas la Bourse de cette façon, vous êtes condamné à l’insuccès au mieux et, au pire, au désastre.

Bernard Mooney

 

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