Le repoussant jargon financier

Publié le 04/03/2014 à 07:29

Le repoussant jargon financier

Publié le 04/03/2014 à 07:29

Photo: Bloomberg

J’ai lu un article la semaine dernière dans un quotidien montréalais dont le jargon financier m’a donné des frissons de dégoût.

Pour une fois, cela ne concerne pas la Caisse de dépôt et placement du Québec, diront ceux qui sont encore plus cyniques que moi. En effet, l’article en question concernait la performance et la stratégie de placement de la Caisse de retraite des employés municipaux de l’Ontario, OMERS. Celle-ci a dévoilé la semaine dernière des résultats ordinaires pour 2013.

Son rendement annuel de 6,5% est très loin de celui de la médiane des caisses de retraite canadiennes d’envergure qui a été de 14,2% (ce qui se compare à 13,1% pour la Caisse).

C’est l’explication des dirigeants d’Omers qui fait sourire, ou pleurer, selon votre humeur. Ils expliquent qu’un de leur portefeuille a perdu 407M$ en 2013 « en raison d’une flambée soudaine et inattendue des taux d’intérêt au deuxième trimestre ». Le rendement des obligations américaines de 10 ans est bien passé d’environ 1,9% à 2,48% pendant cette période.

C’est une appréciation significative, mais parler de flambée soudaine est nettement exagérée car c’est bien la hausse la plus prévisible de tous les temps! Si j’étais à la place des clients d’Omers, je me demanderais ce qui arriverait à mon portefeuille si les taux explosaient à 6-7% !!!

Le plus ironique et tordu c’est que ce portefeuille est supposé refléter une nouvelle stratégie de placement appelée, lisez bien, portefeuille de risque équilibré diversifié qui est sensé être un portefeuille bêta. Ouf…voilà qui mérite la médaille d’or aux Olympiques du jargon financier.

Sérieusement, le pire est à venir. Voici ce qu’expliquait Michael Nobrega, PDG d’Omers, dans son communiqué :

 « Un portefeuille bêta équilibré est conçu pour surpasser un portefeuille moins diversifié au fil du temps, mais les chocs du marché [comme la flambée soudaine des taux d’intérêt en 2013] entraîneront des rendements inférieurs jusqu’à ce que les marchés reviennent aux éléments fondamentaux économiques sous-jacents qui déterminent le rendement des placements ».

J’ai lu ce passage en français dans le quotidien et aussi en anglais dans le communiqué original d’Omers et ce n’est pas plus clair. On pourrait même penser que la direction d’Omers avait justement cet objectif, qu’on ne comprenne pas du premier coup, pour embrouiller la situation de façon à se faire excuser plus facilement sa mauvaise performance. Et vous savez quoi : ça sent le consultant bien payé à plein nez.

Car si vous êtes le consultant d’une caisse riche et immense comme Omers, vous ne pouvez pas vous présenter devant ses dirigeants en lui proposant une formule aussi simple que 60% en actions et 40% en obligations. Comment pouvez-vous ainsi justifier des honoraires de centaines de milliers de dollars?

Non. Il faut tenter de complexifier la situation le plus possible pour ensuite offrir vos services, un peu comme un sauveur financier, et là, votre facture semble une aubaine.

Parce que lorsque vous déchiffrez le langage, vous n’obtenez pas une stratégie fort impressionnante. En effet, laisser entendre que son «portefeuille bêta équilibré» fera mieux à condition qu’il n’y ait pas de choc sur les marchés est loin de me rassurer car les chocs font partie de la nature des marchés.

Il me semble que le travail d’un gestionnaire rationnel et compétent est justement de profiter de ces chocs pour créer de la richesse, non?

Bernard Mooney

P.S. Au grand mérite de la Caisse, son langage est nettement moins druidique que celui d’Omers. Vous pouvez lire et comprendre ses communiqués dès la première lecture! BM

 

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