Bourse: ne vous énervez pas avec le ratio cours/bénéfices du professeur Robert Shiller

Publié le 25/05/2015 à 08:35

Bourse: ne vous énervez pas avec le ratio cours/bénéfices du professeur Robert Shiller

Publié le 25/05/2015 à 08:35

Robert Shiller, qui a reçu le prix Nobel de l'économie en 2013. Photo: Bloomberg

Ne perdez pas le sommeil lorsque vous lisez que la Bourse est surévaluée sur la base du ratio cours/bénéfices de 10 ans du professeur Robert Shiller.

Le nom anglais de ce ratio est le «Cyclically-adjusted P\E ratio» ou CAPE et a été conçu par Robert Shiller, professeur de finance à Yale et détenteur du prix Nobel (vous vous demandez déjà comment puis-je avoir le culot de le critiquer, avec un tel cv ?)

La spécificité de cet indice c’est qu’il utilise les bénéfices des 10 dernières années et sur cette base, il peut donner une bonne idée d’ensemble de l’évaluation du marché boursier. Ça c’est la théorie, mais en pratique, c’est moins certain.

Voici précisément comment il est construit le CAPE. Son numérateur est le S&P 500, mais ajusté en fonction de l’inflation. Son dénominateur est la moyenne mobile des bénéfices déclarés du S&P 500 des 10 dernières années, encore là ajustés en fonction de l’inflation (en utilisant l’indice des prix à la consommation).

L’attrait d’utiliser 10 ans de données est de réduire l’impact des cycles économiques ; les bénéfices ont tendance à être plus élevés que la normale au sommet du cycle et déprimés en récession.

Selon le CAPE actuellement, le S&P 500 se vend à 27,3 fois les bénéfices par rapport à la médiane à long terme qui est de 16. Sur cette base, le marché boursier est surévalué de 70%.

Ouf ! Effrayant n’est-ce pas?

Le défaut de cet indicateur

Pas vraiment, parce que cet indicateur populaire a au moins un défaut majeur. Il utilise les bénéfices déclarés des sociétés du S&P 500, qui ne tiennent pas compte des postes extraordinaires.

Je sais qu’on peut débattre à l’infini de la sagesse ou non d’inclure ou non ces éléments non récurrents. Vous pouvez faire ce que voulez, mais moi, dans ma vision d’investisseur, c’est la capacité bénéficiaire d’une entreprise qui importe et c’est aussi vrai lorsqu’on considère un indice boursier comme le S&P 500.

Le problème, lorsqu’on compare cet indice aujourd’hui avec des mesures datant de plusieurs décennies (le CAPE de M. Shiller se vante de commencer en 1880), c’est que les bénéfices ne sont pas vraiment comparables. Les normes comptables ont évolué et changé considérablement, les lois fiscales aussi.

Juste un petit exemple récent. Les normes récentes concernant les pertes comptables des titres en portefeuille pour les institutions financières ont provoqué des pertes immenses lors de la crise de 2008-09. Ce qui a eu pour conséquence d’effacer pratiquement tous les bénéfices du S&P 500. Pour moi, ces pertes sont non récurrentes et ne sont pas nécessairement le reflet de la capacité bénéficiaire du S&P 500 à long terme.

Par contre, lorsque vous calculez le ratio cours/bénéfices de l’indice à ce moment, vous vous retrouvez avec une évaluation astronomique. Et comme vous conservez ces bénéfices artificiellement déprimés pendant 10 ans, cela gonfle son ratio cours/bénéfices.

Même si vous ne maîtrisez pas ces nuances techniques, il me semble que la performance du ratio CAPE est très éloquente. Selon cet indice, le marché américain est surévalué depuis mai 2009 (c’est-à-dire que le S&P 500 se vendait au-delà de sa médiane historique). Hum, le marché a plus que doublé depuis. Imaginez si vous aviez vendu sur cette base supposément sérieuse.

Je sais, bien des défenseurs de cette mesure disent qu’il est très utile, mais seulement dans un horizon à long terme. Il me semble qu’être six années dans le champ, ça commence à être assez du long terme, non?

Ce n’est pas nouveau non plus, car en février 1991, le CAPE indiquait que la Bourse était surévaluée. Le sommet est venu neuf années plus tard! Un astrologue pourrait faire mieux…

La réalité, c’est que le CAPE est comme bien d’autres indicateurs bâtis par des génies de la finance, mais qui n’ont pas vraiment de liens réels avec ce qui est important pour les investisseurs.

Bernard Mooney

 

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