La rectitude politique qui coûte cher

Publié le 04/03/2015 à 09:36

La rectitude politique qui coûte cher

Publié le 04/03/2015 à 09:36

Photo: Bloomberg

Imaginez un véhicule de placement qui a mieux fait que le S&P 500, pas un peu, mais beaucoup et cela depuis 2002. Et si je vous dis que les investisseurs n’en veulent tout simplement pas, malgré cette performance historique incroyable. Difficile à croire, n’est-ce pas?

Ouais, jusqu’à ce que je vous précise que ce véhicule se spécialise dans les placements non éthiques.

Je parle du fonds USA Mutuals Barrier, qui investit dans quatre industries pour le moins impopulaires, le militaire, le jeu, l’alcool et le tabac. Ce qui explique que ce fonds a seulement un actif de 292M$US.

Depuis 2002, USA Mutuals Barrier a battu le S&P 500 en moyenne par 2%, ce qui est exceptionnel. Avec une telle performance, ce fonds devrait avoir des milliards sous gestion.

Il a aussi beaucoup mieux fait que des fonds qui, à l’inverse, investissent soit dans des titres éthiques, soit des sociétés dites «socialement responsables».

Ce n’est pas un hasard, ni curiosité statistique car de nombreuses études ont démontré la surperformance des sociétés généralement détestées. Le meilleur exemple, récent, est une étude faite par Elroy Dimson, Paul Marsh et Mike Stanton du London Business School. Cette recherche démontre que depuis 115 ans (difficile d’avoir plus long terme!), les fabricants de cigarettes ont procuré un rendement annuel moyen de 14,6% contre seulement 9,6% pour les actions américaines dans leur ensemble.

Ouf, on parle d’une surperformance extraordinaire. Concrètement, cela signifie qu’un dollar investi dans les sociétés actives dans le tabac en 1900 vaudrait 6,3M$US à la fin de 2014 alors que ce même dollar vaut 38 255$ dans le marché américain.

Et les chercheurs ajoutent que ce n’est pas seulement vrai aux États-Unis, mais aussi un peu partout dans le monde.

Il y a même un indice pour suivre ces titres «maudits», le SINdex dont la performance est aussi nettement supérieure au S&P 500. Depuis le 31 décembre 1998, cet indice a procuré un rendement annuel de 16,1% contre 5,2% pour le S&P 500.

Les chercheurs expliquent ce phénomène par le fait que le mépris des investisseurs face à ces sociétés déprime leur valeur en Bourse, favorisant leur meilleure performance. Autrement dit, ils performent mieux parce qu’ils sont impopulaires.

C’est une explication partielle à mon avis, du moins si on considère l’industrie du tabac. Sa performance s’explique aussi par le fait que les attaques sociales contre elle ont éliminé presque complètement la nouvelle compétition. Ce qui a donné aux sociétés survivantes la capacité d’augmenter régulièrement leur prix.

Le déclin de la demande a été compensé par les prix en hausse alors que les fabricants ont réduit sensiblement leurs investissements en immobilisations. Ce qui a favorisé, de façon massive, la génération de bénéfices libres pour enrichir les actionnaires.

Le meilleur exemple est certes celui d’Altria, plus important fabricant de cigarettes aux États-Unis. Selon le professeur Jeremy Siegel, depuis 1968, le titre d’Altria a procuré un rendement annuel de 20,6% (incluant les dividendes). Ce qui signifie que chaque dollar investi est devenu 6 638$ contre seulement 87$ pour le malheureux dollar investi dans le S&P 500.

Chaque investisseur doit décider en fonction de sa conscience et de sa vision des choses. Mais reste qu’en considérant ces données, on doit avouer que la rectitude politique et sociale coûte cher!

Bernard Mooney

 

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