Confessions d'un chroniqueur


Édition du 17 Mai 2014

Confessions d'un chroniqueur


Édition du 17 Mai 2014

Une des choses les plus pénibles pour un chroniqueur comme moi qui écrit régulièrement depuis des années est de relire ses vieux textes. C'est une façon de développer une bonne dose d'humilité.

Par exemple, il y a plus de 15 ans, j'ai écrit un texte élogieux sur la société Semi-Tech, un conglomérat dont le siège social était situé à Toronto, mais dont une grande partie des activités se déroulaient en Asie. Quelques années plus tard, son président est «disparu dans la brume», laissant les actionnaires avec une perte totale.

Malheureusement, ce genre d'erreur est pratiquement inévitable pour un chroniqueur, un peu comme c'est le cas pour un investisseur. Vous écrivez sur tellement de sociétés qu'inévitablement une fois ou deux (hum, soyons peu modeste), vous commettrez une mégagaffe !

Toutefois, ce n'est pas ce genre d'erreur que je veux confesser cette semaine. C'est davantage une erreur dans mon approche qui a biaisé un grand nombre de mes chroniques. C'est mon attitude généralement négative à l'égard des acquisitions.

Pendant de nombreuses années et jusqu'à récemment, lorsque j'ai écrit à ce sujet, c'était souvent pour les décrier, en soulignant les risques et les coûts élevés des transactions. Toujours en me montrant sceptique à l'égard des chances de réussite.

Mes débuts

Et ce travers de chroniqueur n'est que le reflet de ce même biais chez l'investisseur que je suis. Celui-ci se retrouve aussi dans mes deux livres sur la Bourse. Par exemple, j'ai écrit en page 91 de mon premier livre Investir à la Bourse et s'enrichir : «La croissance par acquisitions est suspecte et je vous conseille de vous en méfier.»

Cela vous donne une idée.

Ce préjugé tenace envers ce type de transaction a probablement pris naissance lors de mes premières années comme journaliste. J'ai commencé en 1986, en pleine euphorie REA et au coeur d'un marché haussier. Quelques mois plus tard, le krach brisait bien des rêves d'épargnants qui croyaient qu'il était facile de faire de l'argent en Bourse. Plusieurs entreprises se sont également heurtées à un mur.

Je me souviens d'une société nommée Groupe Soficorp qui a fait un premier appel public à l'épargne au début de 1987 pour ensuite réaliser de nombreuses emplettes dans plusieurs secteurs sans lien les uns avec les autres. Quelques mois plus, Soficorp ne s'échangeait plus en Bourse.

Pendant ce temps ailleurs, au Canada, un Robert Campeau achetait coup sur coup deux immenses entreprises immobilières américaines avant de dégringoler vers la faillite quelques semaines plus tard.

Ces exemples, pour un jeune chroniqueur qui commence et veut comprendre, ont été marquants. Ces expériences liées aux acquisitions stupides du cycle précédent ont contribué à forger ma vision. Comme j'ai voulu établir une philosophie prudente et conservatrice, j'ai cherché à diminuer les risques en demeurant sceptique à l'égard des acquisitions.

Cela ne veut pas dire que j'étais complètement réfractaire aux entreprises qui bouclaient des transactions. Mais elles me laissaient incrédule.

Ça a été une erreur car, il faut bien l'avouer, la plupart des sociétés qui ont crû pendant plusieurs décennies y sont parvenues grâce aux acquisitions.

L'exemple classique est celui de Johnson & Johnson, le géant américain des produits pharmaceutiques et de santé qui, après 128 ans, est devenu un regroupement de plus de 275 sociétés exploitées dans 60 pays. Un modèle impossible à répliquer sans passer par les acquisitions.

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