Voici pourquoi les lignes aériennes n'aiment pas les bloqueurs publicitaires

Publié le 15/01/2019 à 07:00

Voici pourquoi les lignes aériennes n'aiment pas les bloqueurs publicitaires

Publié le 15/01/2019 à 07:00

Un des thèmes majeurs, mais pourtant abordés seulement en marge du Consumer Electronics Show de Las Vegas, la semaine dernière, étant sans conteste celui de la protection des données personnelles des consommateurs.

Vous achetez une enceinte connectée? Elle enregistre des extraits sonores que vous lui soumettez sur ses serveurs. Vous achetez un nouveau téléviseur connecté à un prix qui défie toute concurrence? Son fabricant va probablement compiler vos habitudes d’écoute pour vous transformer en cible publicitaire, ou va carrément revendre ces données à on-ne-sait-trop qui pour qu’une régie plus généralise (qui piste les gens sur la Toile, dans les applications mobiles, et ailleurs) le fasse à sa place.

Et on n’a pas abordé la question de vos habitudes de navigation à partir de votre ordinateur personnel et de votre téléphone intelligent, qui sont rigoureusement pistées par les grandes régies de Facebook, Google, Amazon et de tous leurs rivaux afin de ne rien rater de ce que vous aimez lire, visionner, consommer, acheter.

Mais il y a plus.

Des prix sur-mesure

Au-delà de la pub ciblée, l’information que les géants du numérique possèdent sur vous permet à des sites transactionnels d’ajuster leurs prix de façon dynamique, c’est-à-dire en fonction de ce qu’on sait sur vous. L’exemple qui suit nous a été fourni tout récemment par le haut dirigeant d’une société montréalaise spécialisée dans la sécurité informatique.

Supposons que vous voulez savoir combien coûtent les billets d’un vol entre Montréal et Paris. Vous irez sur les sites d’agrégation, puis sur les sites des lignes aériennes directement. C’est connu, le prix des billets varie déjà en fonction de la saison, du moment de la semaine où vous comptez voyager, et même du délai entre le moment où vous réservez vos places et où le vol aura réellement lieu (le site Hopper, de Montréal, a déjà des tonnes d’informations à ce sujet).

Tentez d’acheter des billets le soir ou la fin de semaine et vous paierez également davantage. Pourquoi? Parce que les gens visitent les sites où ils sont vendus plus fréquemment durant ces périodes.

Le prix de ces mêmes billets sera aussi ajusté à la hausse s’il est déterminé que vous avez un produit Apple entre les mains. Pourquoi? Parce que les acheteurs de Mac, d’iPhone et d’iPad sont perçus comme étant plus riches que la moyenne. Ils vivent dans des milieux généralement favorisés, et ne sont pas du genre à négocier au sou près le prix des biens qu’ils achètent en ligne.

Ce n’est pas nécessairement la réalité, seulement, c’est la perception qu’ont les sites transactionnels qui utilisent ce type de données pour ajuster leurs prix.

Plusieurs autres données accumulées par les pisteurs au fil de votre navigation web permettent à ces systèmes de prix dynamiques de dresser un portrait précis de votre personnalité de consommateur. Vous doutez de l’efficacité de ces systèmes? Allez voir la liste des fichiers témoins laissés sur votre ordinateur ou votre mobile dans les réglages de votre navigateur web, et tentez de compter le nombre de ces fichiers qui sont associés à Google, ou à Facebook, ou à d’autres plateformes.

Ça va aussi bien au-delà des billets d'avion. Amazon serait un des maîtres de cette technologie.

Ça devrait vous donner des frissons dans le dos.

Mais c’est légal : afficher des prix variant d’un acheteur à l’autre n’est défendu que si cette variation est basée sur la race, le sexe, la religion ou la nationalité. Votre revenu annuel estimé, la nature des sites web que vous visitez le plus, les plus récents achats que vous avez effectués sur Amazon, Kijiji ou autres, sont autant de facteurs qui feront la différence, à la fin. 

Comment déjouer le système

Notre expert en cybersécurité nous donne une première astuce fort intéressante pour déjouer les sites de prix dynamiques comme ceux des lignes aériennes : un bloqueur publicitaire. «Acheter un billet d’avion avec un bloqueur de pub va faire baisser les prix», garantit ce dernier.

Comme vous me lisez actuellement sur le site d’un média d’information, je ne saurais trop vous inciter à utiliser ces extensions logicielles avec parcimonie, afin de permettre aux gens vivant légitimement du modèle publicitaire (ex. : les médias) de vous informer sans que ça nous ruine de le faire.

Là où des sites transactionnels utilisent tous les moyens nécessaires pour tenter de vous extirper vos dollars précieusement accumulés en travaillant de nombreuses heures chaque semaine (chacune d’entre elles imposée, fût-elle régulière ou supplémentaire…), des internautes trouveront ces outils fort pratiques puisqu’ils permettent de protéger leurs données personnelles et, ainsi, de sauver ces précieux sous.

Au-delà des bloqueurs publicitaires, le mode «incognito» de certains fureteurs complique aussi la vie des pisteurs, bien que de façon moindre, puisqu'il limite seulement l'identification au contenu du fureteur. Les plateformes de suivi vous pistent à partir de l'identification de votre appareil, votre adresse Internet (IP) et plein d'autres détails stockés sur leurs propres serveurs. En réaction, certains fureteurs ont déjà commencé à intégrer des outils de sécurité combattant cette étouffante omniprésence des plateformes qui notre votre activité partout sur Internet. C’est le cas du fureteur Safari de la plus récente version du système macOS, d’Apple.

Ce même Apple qui rappelait aux visiteurs du CES, la semaine dernière, que «les choses qui sont sur votre iPhone restent sur votre iPhone», clin d’œil manifeste au slogan non officiel de la ville de Las Vegas, mais aussi, une pique envers les Google et Amazon de ce monde.

Vous savez maintenant pourquoi Cupertino a posé un tel geste. Et vous comprendrez encore plus pourquoi les compagnies aériennes, Amazon, et d’autres encore n’aiment pas trop les logiciels visant à dérouter les outils qui espionnent chacune de vos actions en ligne…

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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