Une monnaie numérique montréalaise en attendant celle de Facebook

Publié le 20/06/2019 à 07:00

Une monnaie numérique montréalaise en attendant celle de Facebook

Publié le 20/06/2019 à 07:00

Guillaume Lapointe est à la fois artiste et cycliste. Deux qualificatifs qui n’ont pas nécessairement de lien direct, mais qui lui ont donné l’idée de fonder Cycle Montréal, une nouvelle monnaie numérique qui sera officiellement inaugurée ce vendredi 21 juin. À la base, Cycle Montréal tentera de recycler des vieux vélos et donner une deuxième vie à des œuvres d’art, notamment, en agissant comme intermédiaire entre le public et les organismes et commerçants qui récupèrent ou qui achètent ces biens.

«Comment fait-on pour redonner de la valeur à ces objets qui traînent dans le sous-sol des gens? Tous ces objets qui ne servent pas ou qu’on ne sait pas quoi faire avec, on a décidé de leur donner une valeur en se positionnant comme intermédiaire entre les gens qui possèdent ces objets et les organismes ou commerçants qui pourraient les utiliser», résume M. Lapointe.

Ce 21 juin, Cycle Montréal va donc mettre en circulation 100 millions de «cycles», un jeton numérique qui repose sur la plateforme de cryptomonnaie Ethereum, afin de permettre aux gens qui possèdent des œuvres d’art, de petits appareils électroniques, des outils ou même des vieux vélos, de lui confier ces biens en échange d’une valeur non-monétaire, mais tout de même échangeable ensuite pour d’autres biens ou services, ou contre d’autres types de monnaie numérique.

On aura droit à une première émission de jetons toute montréalaise, un fameux «ICO», comme on dit souvent dans le jargon anglicisé (initial coin offering), ce qui tombe à point, à un moment où Facebook fait saliver spéculateurs, investisseurs et analystes en faisant miroiter l’arrivée de sa propre monnaie numérique, appelée Libra, quelque part en 2020.

Un Libra ne vaut pas un cycle

La principale différence entre Libra et Cycle est que cette dernière est locale, et qu’elle ne vise pas à enrichir des gens qui en ont déjà plein les poches. Facebook a des partenaires nommés Visa, Lyft, PayPal. Cycle Montréal cite de son côté. SOS Vélo, Le Chaînon, et les centres de don Renaissance.

Facile de nommer celle qui, des deux, incarne le plus cette volonté de décentraliser et de redistribuer une certaine richesse qui est à l’origine du mouvement des cryptomonnaies…

L’idée de Cycle Montréal est de tâter le pouls de la population montréalaise envers l’économie circulaire, en donnant une valeur à des objets qui, dans bien des cas, dorment dans le sous-sol ou le cabanon de gens qui pensent qu’ils sont justement dénués de toute valeur. Cycle Montréal regroupe des spécialistes du vélo, des artistes visuels et… des archéologues. Les gens possédant des fossiles ou autres artéfacts historiques pourraient aussi empocher des cycles!

«On souhaite jumeler un ICO à quelque chose de socialement utile, tout en permettant aux gens qui n’ont jamais touché au bitcoin et qui hésitent à investir là-dedans parce que ça demeure encore très volatil de quand même faire partie de cette économie émergente de la cryptomonnaie, simplement à partir de leurs vieux objets», explique Guillaume Lapointe.

Par exemple, vous pourrez troquer ce vieux vélo qui sommeille dans votre cabanon contre une certaine quantité de «cycles», le nom de la monnaie créée par M. Lapointe. La monnaie en question vous sera remise via une application mobile de portefeuille numérique, comme Trust Wallet, sur iPhone et Android, et est échangeable contre d’autres monnaies numériques, incluant des bitcoins.

Elle pourrait aussi servir de solution de paiement. Par exemple, pour les intéressés, Cycle Montréal compte éventuellement organiser des ventes d’œuvres d’art récoltées à travers son programme.

Comme l’admet M. Lapointe, le principal défi sera de rejoindre des gens qui n’ont peut-être pas une connaissance poussée de ce que représente l’économie numérique. Puis, de leur assurer que ceci n’est pas un autre de ces coups d’argent rapides qui ont donné mauvaise réputation à cette pratique, l’an dernier, alors que les émissions de jetons étaient encore un phénomène tout naissant.

Une économie circulaire et numérique?

Le concept d’économie circulaire a été mis à l’avant-scène ces derniers mois en raison d’enjeux environnementaux, mais on peut le tourner à l’envers et en faire un sujet purement économique : quelle serait la valeur de tous ces objets qu’on pense bons pour la poubelle si on décidait plutôt de les remettre à des gens qui sauront comment leur donner une deuxième vie?

Cycle Montréal pense que dans votre garage se trouve pour au moins un million de dollars de pièces de vélo ou d’œuvres d’art mal-aimées. Chaque jeton cycle vaut 1 cent, et on en compte 100 millions. Cette valeur ne sort pas vraiment de nulle part, puisqu’elle sera puisée à même l’intérêt des collectionneurs, réparateurs, etc., envers ce que les gens laisseront à Cycle Montréal en échange de cette monnaie virtuelle.

«On s’est fixé une valeur d’un million de dollars comme objectif car on trouvait ça à la fois réaliste et crédible. Si on donne environ 100$ en échange d’un vieux vélo, ça nous permettra de recycler 10 000 vélos, ce qui sera déjà bien», explique Guillaume Lapointe. «Cela dit, on n’aura pas un million de dollars en poche à la fin du projet. C’est seulement la valeur qu’auront les objets qu’on aura ainsi redistribués.»

Cycle Montréal cible des objets précis pour commencer, mais ça pourrait s’élargir, si la demande le justifie. Il y a certainement une place dans l’économie montréalaise pour une monnaie numérique qui stimulerait la remise en circulation de tous ces objets usagés oubliés, mais qui ont probablement une valeur sous-estimée.

«Je suis artiste visuel et réparateur de vélo, ça semblait tout naturel de créer ça. Pour la suite, on va voir comment la communauté réagit. Si la Ville de Montréal m’appelle pour embarquer dans le projet, on va les écouter, mais c’est sûr que pour le moment ça demeure un projet somme toute expérimental», ajoute son porte-parole.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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