Les logiciels d'impôt sont si simples... qu'ils pourraient vous faire perdre de l'argent

Publié le 05/04/2017 à 14:30

Les logiciels d'impôt sont si simples... qu'ils pourraient vous faire perdre de l'argent

Publié le 05/04/2017 à 14:30

(Illustration: 123RF)

Qu’il soit simple, rapide ou même expert, ce site web que vous utilisez pour remplir votre déclaration d’impôt coûte probablement plus cher que vous le croyez.

Surtout que depuis un an ou deux, il y a de ces applications web qui sont offertes gratuitement... Est-ce trop beau pour être vrai?

Probablement.

«Il y a beaucoup d’argent qui est oublié sur la table de l’impôt», constate Denise Ouellet, une spécialiste de la fiscalité qui a connu l’époque des relevés faits entièrement à la main. Mme Ouellet cite en exemple une cliente qui vient de lui demander de revoir sa déclaration, et pour qui un rapide coup d'œil a permis de dénicher une déduction faisant économiser 650 $.

«C’est une somme que le gouvernement ne lui aurait pas remboursée, sinon. De façon générale, le gouvernement ne corrige pas les déclarations de revenus qui contiennent des erreurs. Et quand il le fait, il vous contactera seulement s’il découvre une erreur à son avantage», dit-elle.

Ce 650 $ est anecdotique, mais c’est le genre d’anecdotes qui revient de plus en plus souvent, à mesure que les gens remplissent leurs déclarations à l’aide de services qui tentent de rendre les choses trop simples.

Quelqu’un qui ne connait pas bien les termes fiscaux est très susceptible de faire des erreurs. Un sondage BMO Nesbitt Burns datant de 2013 indiquait que 58% des Canadiens perdaient leur latin devant des termes comme «gain en capital», et un autre 33% ne savait pas quoi faire devant le crédit d’impôt pour don de bienfaisance.

Le logiciel ou le service web qui vise à simplifier tout ça est parfois une adaptation en français d’un service initialement développé en anglais, ce qui n’aide pas non plus. Ces erreurs ne surviennent pas seulement autour de notions complexes : la plupart du temps, ce sont des erreurs assez évidentes qui peuvent faire une grosse différence, ajoute Mme Ouellet, qui a vu des cas où les gens pouvaient laisser des milliers de dollars sur la table.

La bonne technologie, mal utilisée

L’impôt est un domaine où la technologie devrait aider à simplifier ce qui, au fil du temps, devient extrêmement complexe. Évidemment, un salarié sans famille qui n’a aucune propriété et qui ne gère aucun placement n’y trouvera pas grand-chose à redire. À condition de ne pas être trop gravement malade… Car même les frais médicaux peuvent rendre une déclaration un peu plus complexe qu’il n’y paraît.

Bref, dans les cas déjà très simples, ces logiciels touchent la cible. Il serait probablement aussi simple (mais un peu plus long) de le faire à la main…

Ça se corse dès qu’un enfant naît, qu’il entre en garderie, et qu’il décide de pratiquer un sport. C’est encore pire si vous vous lancez dans la spéculation boursière, chose rendue plus accessible que jamais grâce à des applications web comme Disnat ou Wealthsimple. Dans ce cas, n’oubliez pas d’aller imprimer vos feuillets pour l’année d’imposition, car si vous, vous ne les avez pas, le gouvernement, lui, en a une copie.

Soucieuses de bien suivre la Loi de l’impôt, les applications offertes au contribuable reprennent pour la plupart les expressions officielles, celles utilisées par le gouvernement pour identifier les déductions, les exemptions, et autres. Il s’en ajoute chaque année. Ça devient si complexe, qu’à la blague, ils sont nombreux ceux qui croient que tout ça ne sert en fin de compte qu’à faire vivre comptables et fiscalistes…

Les feuillets imprimés qu’on remplissait avant l’avènement du logiciel informatique compatible avec les systèmes de l’Agence du revenu du Canada (ARC) avaient cet avantage qu’on pouvait sauter d’une page à l’autre, revenir à la ligne manquante, sauter du feuillet provincial au fédéral en cours de route, et ainsi, tout ficeler adéquatement.

Aujourd’hui, aucune application n’offre une interface aussi peu linéaire. Et quand elle le fait, ça alourdit l’expérience, et dans l’ensemble, ça n’offre pas la souplesse tant espérée. L'intelligence artificielle pourra peut-être un jour résoudre ce noeud gordien. À moins que ces futurs robots soient eux-mêmes trop occupés à remplir leur propre déclaration d'impôt? Cela dit, le problème, ce n’est peut-être pas du côté de ces logiciels qu’il faut le chercher.

Après tout, si on éliminait toutes les déductions, toutes les exemptions et toutes les échappatoires après lesquelles courent les fortunés, comme les moins fortunés, chaque année (parlez au collègue Daniel Germain de ce qu’il pense des REÉR achetés en catastrophe à la fin février…), et qu’on échangeait ça pour un impôt simplifié avec un taux d’imposition réduit pour tous les contribuables, sans doute que tout le monde y trouverait son compte. Le gouvernement aussi.

Tout le monde, sauf peut-être les fiscalistes qui facturent à l’heure. Eux voient ces logiciels, se font consulter par des gens qui doutent d’avoir tout bien compris, et s’ils se plaignent d’une chose, c’est d’avoir parfois un peu trop de boulot.

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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