Téléphones personnalisables: Motorola réussira-t-elle là où Google a échoué?

Publié le 30/11/2016 à 12:09, mis à jour le 30/11/2016 à 14:40

Téléphones personnalisables: Motorola réussira-t-elle là où Google a échoué?

Publié le 30/11/2016 à 12:09, mis à jour le 30/11/2016 à 14:40

Un téléphone modulaire ingénieux, le Moto Z de Motorola? (Photo: Motorola)

L’idée de commercialiser des téléphones modulaires et personnalisables, pièce par pièce, est ambitieuse. Trop pour Google, qui a mis fin à son Projet Ara à la fin septembre. Quelle surprise, donc, de voir le Moto Z de Motorola prouver à sa façon que c’était probablement l’innovation la plus ingénieuse depuis des lunes dans ce marché.

L’ironie, c’est que Google, division d'Alphabet (NASDAQ, GOOG), a lancé une flopée de nouveaux appareils cet automne, grâce à une division dirigée par Rick Osterloh. Ce dernier a quitté la direction de Motorola plus tôt cette année après que Lenovo ait finalisé son acquisition des mains de… Google.

Encore aujourd’hui, on voit les atomes crochus entre les deux gammes de produits: le Pixel (de Google) et même Android 7.0 Nougat empruntent des éléments d’interface introduits pour la première fois sur les téléphones Motorola des années dernières (si on remonte jusqu’à la première génération du Moto X).

Et depuis une semaine, on sait que la mise à niveau du Moto Z vers Android 7.0 le rendra compatible avec le casque de réalité virtuelle Daydream View, de Google. Ce sera le seul appareil compatible, Pixel excepté.

Le défunt Projet Ara de Google. (Photo: Alphabet)

Modules, modules, modules…

Ne conçoit pas un téléphone modulaire efficace qui veut. Prenez le G5, de LG Electronics: en soulevant le boîtier de sa base, on peut y insérer des composants additionnels. On a l’impression de jouer dans les organes internes de l’appareil. Sur le pouce, en voyage, dans l’autobus, ou ailleurs, ce n’est pas toujours pratique.

Le Projet Ara, pour sa part, s’apparentait à une version encore plus éclatée de ce que Motorola a fait avec son Moto Z: on greffe des modules à l’arrière de l’écran selon les besoins du moment(pile d’appoint, capteur photo etc.).

Le prototype qu’on a pu voir dans les foires technos ces deux dernières années vieillissait mal. Les modules de diverses formes s’intégraient mal les uns avec les autres. L’appareil avait plus l’air du « Projet Frankenstein » que du Projet Ara… Et les fabricants partenaires de Google ne voyaient manifestement pas comment en décliner un produit fini.

Sauf, peut-être, Motorola. Le Moto Z (et le Moto Z Play, un peu moins performant, mais doté d’une énorme pile bonne pour une quinzaine d’heures d’utilisation entre deux chargements) est une galette ultramince avec écran de 5,5 pouces (QHD) à l’avant, et un appareil photo de 13 mégapixels à l’arrière. Plus bas sous cet objectif se trouvent une série de contacts électroniques, et quelques aimants logés sous la surface, qui permettent d’y coller un étui de protection (en imitation de bois, de cuir ou autre). Ou, et c’est là l’intérêt de l’affaire, d’y greffer un des rares Moto Mods déjà en marché.

Ces Moto Mods prennent actuellement une forme limitée : batterie de secours, objectif photo 10x signé Hasselblad, haut-parleur JBL ou projecteur de poche. On peut imaginer qu’un éventuel étui intégrant la recharge sans fil Qi pourrait voir le jour. Un numériseur 3D. Un casque de réalité virtuelle. Ou un module intégrant une quelconque solution de paiement sans contact sécurisée. Et quoi encore. Ça va dépendre de l’intérêt d’autres fabricants, et de la volonté de Lenovo-Motorola de soutenir ce concept dans le futur.

Au départ, on trouvait ça plus comique qu’utile. Plus désespéré qu’ingénieux.

Quelques semaines d’essai de l’appareil avec ces accessoires dans le sac de voyage ont changé cette perception. Il évite de trimbaler un haut-parleur Bluetooth, un appareil photo et, oui, un projecteur Pico en permanence, ce qui devenait un peu lourdaud, à la longue. Ça faisait aussi immanquablement sourciller la sécurité aéroportuaire à chaque embarquement. Avec le Moto Z, on voyage plus léger. Sans perdre notre légendaire polyvalence sur la route.

On recommande au passage l’achat de la pile d’appoint à tout acheteur du Moto Z, car son autonomie souffre du design ultramince de l’appareil: la journée est longue quand le mode d’économie d’énergie s’active en début d’après-midi…

Bref, ce n’est pas pour tout le monde, mais les gens qui voyagent beaucoup ont peut-être ici un compagnon de route plus attrayant qu’il en a l’air.


Le Moto Z et ses Moto Mods... en action.


En 2016, tout coûte cher

L’autre problème avec le Moto Z et ses accessoires, c’est le prix. L’appareil coûte entre 200$ et 900$, selon le fournisseur et le forfait sans fil que vous choisissez (Bell en fait la promo à 0$ si vous consentez à payer au moins 90$ par mois pour votre forfait). À ce prix, on a un iPhone 7 ou un Pixel. Et on n’a pas encore acheté un module en extra… (sauf l’étui en faux cuir ou faux bois, inclus dans la boîte)

Or, voilà. Le problème est qu’en 2016, tout coûte cher. Les nouveaux produits Apple sont hors de prix. Samsung, Microsoft et Google ont pris la même tangente. Au Canada, c’est un phénomène amplifié par une devise faible.

Pour un mobile dernier cri, donc, il faut amputer ses économies d’un millier de dollars(le Moto Z Play, par contre, coûte entre 0 $ et 670 $). Ou acheter, pour la moitié du prix, un téléphone d’une marque chinoise comme OnePlus, par Internet, et espérer ne pas avoir à contacter leur service à la clientèle.

Dans ce contexte, un téléphone modulaire a peut-être un peu plus de chances de survivre à la désuétude accélérée, et ainsi de mieux amortir la dépense. Sa mécanique (4 go de mémoire vive, le processeur Snapdragon 820, et une fente micro SD) promet une bonne durée de vie, et dès sa mise à niveau vers Android 7.0, Motorola vendra le téléphone le plus polyvalent sur le marché. De loin. Et peut-être, même, le plus durable. Tout ça grâce à des Moto Mods qui, quand on y pense, se glissent probablement très bien sous le sapin.

Google et Rick Osterloh se mordent peut-être les doigts d’avoir laissé filer une telle idée. Est-ce qu’un Pixel modulaire aurait été le meilleur des deux mondes?

En tout cas, ça aurait été une conclusion élégante pour le Projet Ara. Et ça aurait peut-être assuré un meilleur succès au Moto Z que sous l'enseigne Lenovo, peu connue chez nous pour des produits mobiles de qualité. Surtout que la concurrence est vive, cet automne, dans le marché de la téléphonie mobile. Même sous la barre des 1000$!

Lenovo-Motorola Moto Z
Téléphone modulaire à système Android 6.0 (7.0)
Écran QHD (2560 x 1440 pixels) de 5,5 pouces
Processeur Snapdragon 820 de Qualcomm avec 4 go de mémoire vive
32 go de stockage avec fente micro SD
Appareil photo de 13 mégapixels
USB-C, WiFi AC, Bluetooth 4.1, connecteur Moto Mods
Autonomie de 8h
900 $

Moto Z Play
Téléphone modulaire à système Android 6.0 (7.0)
Écran HD (1920 x 1080 pixels) de 5,5 pouces
Processeur Snapdragon 625 de Qualcomm avec 3 go de mémoire vive
32 go de stockage avec fente micro SD
Appareil photo de 16 mégapixels
USB-C, WiFi N, Bluetooth 4.0, connecteur Moto Mods
670 $

À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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