Fonder une start-up à Montréal, un handicap?

Publié le 19/12/2018 à 12:13

Fonder une start-up à Montréal, un handicap?

Publié le 19/12/2018 à 12:13

Dans l’ombre de géants mondiaux comme WeWork et Airbnb, Julien Smith, le PDG-devenu-président du conseil de Breather ne se défile pas : son entreprise aurait probablement connu plus de succès si elle avait vu le jour dans la Silicon Valley, ou même à New York, plutôt qu’à Montréal.

N’allez pas croire que le spécialiste des espaces d’affaires locatifs ne va pas bien pour autant. Breather est en croissance soutenue depuis sa fondation il y a un peu plus de cinq ans, et compte appuyer sur l’accélérateur avec, en poche, un financement additionnel de 45 millions $ obtenu au début de l’été.

De la place en masse dans mon espace locatif

«Breather a été fondé quand j’ai eu l’impression que de travailler dans un café ou un espace public n’était pas la meilleure idée. On s’est donc retrouvé dans le marché très énorme des espaces d’affaires en tout genre. Ce qu’on a découvert au fil du temps, c’est que les besoins sont très variés, allant de l’occupation pour quelques heures, à quelques jours, à plus long terme», explique Julien Smith.

Dans ce contexte, les grands gestionnaires d’espaces traditionnels, ceux qui louent à très long terme à de grandes entreprises, n’ont pas l’agilité nécessaire pour combler tous ces besoins. C’est là où Breather entre en scène. C’est aussi dans cet interstice entre un WeWork et un Ivanhoé Cambridge où la startup montréalaise voit son avenir.

«Un Breather dans un immeuble n’a pas le même effet qu’un WeWork, puisqu’il peut servir aux entreprises déjà présentes dans cet immeuble» pour leurs propres besoins sans remplacer l’espace qu’elles occupent déjà, nuance l’entrepreneur montréalais.

Le bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec est d’ailleurs bien au fait de cette situation, et compte justement l’aider à se faire une niche, à l’ombre d’un géant américain financé par le fonds d’investissement le plus important au monde. WeWork est lourdement appuyé par SoftBank Group, qui tire une grosse part de ses 100 milliards de dollars de l’Arabie Saoudite.

«Cela dit, le marché est tellement grand, et il évolue à une telle rapidité qu’il y a de la place pour tous ces joueurs. Ce n’est pas une situation du winner-takes-all», poursuit M. Smith, qui insiste sur l’importance de se cantonner dans son créneau du marché des espaces locatifs, plutôt que de s’élancer dans tous les segments populaires du moment, comme le fait un Uber dans la mobilité urbaine, ou autres.

En revanche, on peut imaginer une situation où les futurs immeubles commerciaux développés par des firmes comme Ivanhoé Cambridge comprendront des espaces sur-mesure pour tous ces besoins : des étages à location temporaire, des espaces de travail en partage, des espaces commerciaux, et plus haut, des espaces d’affaires pour occupation à long terme.


Aux États-Unis, il faut faire comme les Américains

Breather est installée à Montréal, dans quelques villes d’Europe (dont Londres), et aux États-Unis. Ça permet à son cofondateur d’avoir une bonne idée de l’évolution de son secteur d’affaires dans différents marchés, et même, d’imaginer comment Breather aurait évolué si elle avait été fondée ailleurs qu’à Montréal.

«Aux États-Unis, on essaie d’avoir l’air le plus américain possible», explique M. Smith. «Là-bas, les gens pensent qu’on vient de New York. À San Francisco, ils savent surtout qu’on ne vient pas de San Francisco. Normalement, une entreprise comme la nôtre aurait dû aller à San Francisco ou à New York pour aller chercher le financement et les employés» nécessaires pour connaître du succès chez l’Oncle Sam.

Ce qui a permis à Breather de voir le jour à Montréal et de tout de même percer au sud de la frontière tient à l’expertise antérieure de Julien Smith et de sa bande, qui avait déjà développé un réseau d’affaires et de contacts dans la Silicon Valley et la Big Apple. Aujourd’hui, l’entreprise compte environ 250 employés répartis au Canada, aux États-Unis et en Europe.

Demain? Qui sait. L’entreprise sent le besoin d’élargir les formules de location qu’elle offre dans les villes où elle se trouve déjà. Prendre de l’expansion en Asie, ou ailleurs en Europe, n’est pas une priorité à court terme. «Notre modèle marche bien quand on offre une certaine densité d’espaces à louer. On a plus à gagner à offrir plus de locaux dans une même ville que de défricher de nouvelles villes», résume Julien Smith.

C’est peut-être un bon moment pour procéder de la sorte, puisqu’avec les craintes d’une économie au ralenti dans les mois à venir, plusieurs entreprises ressentiront peut-être le besoin d’élargir leurs espaces de travail de façon plus temporaire que permanente. Des espaces qui leur seront réservés, plutôt que partagés avec d’autres. Et qui auront définitivement l’air d’être gérés par une entreprise locale plutôt qu’étrangère…

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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