Cette trottinette québécoise veut damer le pion à la Silicon Valley

Publié le 01/08/2018 à 12:39

Cette trottinette québécoise veut damer le pion à la Silicon Valley

Publié le 01/08/2018 à 12:39

Le geebee. (Photo: Alain McKenna)

Est-ce le prochain BIXI ou le prochain Segway? C’est la question de l’heure dans la mobilité urbaine en ce moment, peut-être pas à Montréal, mais dans la Silicon Valley et tout l’ouest américain, voire même jusqu’en Chine. Misant sur la popularité explosive des services de vélo en libre-service dans plusieurs villes chinoises, justement, de jeunes pousses comme Bird ou Lime proposent depuis quelques mois à peine des trottinettes électriques en libre-service dans diverses villes de la côte ouest américaine.

Déjà, au début juillet, Lime confirmait une ronde de financement de 335M$US lui attribuant une valeur supérieure à 1 milliard $US. Trois semaines plus tard, sa rivale Bird mettait la main à son tour sur quelque 300M$US, pour une valeur de 2 milliards $US.

Plusieurs analystes parlent d’un effet d’entraînement (la fameuse «fear of missing out», ou syndrome FOMO) pour expliquer une telle surenchère financière. Personne ne sait si ce marché, qui consiste à laisser traîner des trottinettes électriques géobloquées par dizaines sur les trottoirs des quartiers les plus achalandés des grands centres urbains, en espérant que les gens paieront quelques dollars pour les utiliser, sera éventuellement viable.

Les optimistes espèrent que la trottinette électrique sera la pièce manquante capable de couvrir le fameux «dernier kilomètre» dans la chaîne de la mobilité urbaine multimodale, qui inclut aussi le transport en commun, les services d’autopartage à la Uber ou Communauto et les vélos partagés.

Chose sûre, une fois qu’on y a goûté, surtout quand on doit se déplacer dans les rues d’une ville étrangère et qu’on n’a pas le goût de prendre un taxi, on comprend rapidement l’attrait de cette formule de déplacement sans effort et peu coûteuse.

À Montréal, même l’hiver?

Comme souvent, on se prend à se demander si une telle solution pourrait être envisagée pour les rues de Montréal, où le BIXI connaît déjà sa part de succès. Entre les branches, on entend dire que certains riches hommes d’affaires de la métropole ont regardé ça de plus près, sans nécessairement investir.

La première réaction d’un peu tout le monde est prévisible. Elle prend la forme d’une question simple : «et qu’est-ce qu’on fait l’hiver?» À ceux-là, on propose de réfléchir à un modèle de motoneige en libre-service, pourquoi pas...

À Sherbrooke, deux entrepreneurs vous diront plutôt qu’il suffit simplement de s’habiller un peu plus chaudement, puisque le vent généré par des déplacements pouvant atteindre 25 à 32 km/h en quelques secondes est plutôt froid.

«On l’a fait, pour passer d’un quartier de Montréal à un autre, l’hiver dernier, et à part le froid, ça s’est bien passé», raconte Sabine Le Névannau, PDG de Concept Geebee. Depuis deux ans, la petite entreprise a mis au point, puis lancé la production d’une trottinette électrique éponyme (Geebee) bien plus costaude que celles utilisées par Bird et Lime, mais dont l’objectif est le même : offrir une solution de mobilité de courte distance aux campus, aux parcs industriels, aux sites touristiques et aux municipalités qui cherchent à profiter de ce courant.

À Québec d’agir

Déjà, Geebee a plus de deux cents exemplaires en circulation, sur des terrains privés. La petite société a des ententes avec une quinzaine de municipalités et des entreprises partout au Québec, mais ces projets sont pour le moment bloqués, en attendant que Québec élabore des règles sur-mesure pour ces véhicules.

Il semble que le dossier se soit perdu entre la SAAQ, le ministère du Transport et celui de la Justice, au courant de l’été, ce qui embête un peu les dirigeants de Geebee. «Il faut que Québec réalise que c'est un marché international où nos concurrents se font financer à coup de centaines de millions de dollars, pendant que nous, on attend...», déplore Jean Jacques Le Roy, son responsable administratif.

Car hiver ou pas, la petite équipe de Sherbrooke aimerait bien prendre de l’expansion non seulement au Québec, mais ailleurs dans le monde. Ses trottinettes se trouvent déjà en France, où les entrepreneurs sherbrookois ont des contacts, mais la Chine et les États-Unis semblent tout à fait prêts pour une révolution sur deux roues (mais sans pédales). Si un modèle économique viable existe dans ce marché, Geebee compte bien en profiter.

«Les villes, les sites touristiques, les campus, et même les corps policiers sont intéressés par notre solution», assure Mme Le Névannau, qui explique que les Geebee seront probablement considérés, par la SAAQ, un peu comme des vélos électriques. Les randonneurs devront porter un casque et pourront circuler dans les pistes cyclables, entre autres.

Une société technologique de St-Bruno-de-Montarville, sur la rive-sud de Montréal, est en train de développer la solution applicative qui permettrait de les offrir en libre-service. On a même pu essayer une Geebee en bordure du parc du Mont St-Bruno, justement, et grâce à son cadre très costaud, à une suspension adéquate et à de gros pneumatiques (comparables, en dimensions, à ceux d’un vélo pour enfant), la trottinette se faufile dans les sentiers avec autant d’assurance que sur les pistes cyclables asphaltées.

Bref, tous les morceaux semblent réunis pour que cette technologie connaisse du succès. Il est encore très tôt pour se prononcer sur les chances que ça se produise, mais une chose semble acquise : si Québec veut favoriser l’innovation sur son territoire, il faudra agir, et vite.

Car à la vitesse où les startups californiennes empochent les millions, la concurrence risque d’être féroce très bientôt...

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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