Ce service d'autopartage montréalais a un plan pour doubler Uber

Publié le 06/09/2019 à 07:00

Ce service d'autopartage montréalais a un plan pour doubler Uber

Publié le 06/09/2019 à 07:00

(Photo: Alain McKenna/Les Affaires)

Les habitués des applications mobiles permettant de héler une voiture le savent : la plupart des chauffeurs sont inscrits à plus d’un service. À tout le moins, là où c’est possible de le faire. Ainsi, à Toronto et dans plusieurs villes des États-Unis, l’étiquette d’Uber est collée au pare-brise juste au-dessus de celle de Lyft, dans bien des véhicules.

C’est un avantage pour le chauffeur, qui se tient occupé plus facilement. C’est aussi la faille dans ce marché encore turbulent sur laquelle mise la petite équipe derrière Eva, une application montréalaise qui a officiellement pris la route en mai dernier, pour s’implanter solidement dans le paysage routier (et fort congestionné…) du centre-ville. En remettant une plus grande part des recettes au chauffeur, et en les incitant à participer à la croissance de l’entreprise, qui prend la forme d’une coopérative, Eva veut devenir le premier choix des chauffeurs montréalais.

L’appli a aussi un argument intéressant pour attirer les passagers : en recourant à une technologie transactionnelle décentralisée, un «contrat intelligent» reposant sur la fameuse chaîne de blocs, Eva ne stocke les données personnelles de ses utilisateurs que sur leur appareil, de façon cryptée et inaccessible de l’extérieur. «Ça les protège de n’importe quelle faille. Même si on se fait pirater, les données de nos clients ne seront pas accessibles…», explique Dardan Isufi, cofondateur d’Eva, avec Raphaël Gaudreault, l'autre hémisphère du cerveau à la tête de la jeune pousse.

Quand le monde gagne

Cette stratégie en deux temps pourrait faire mouche. Déjà, en quelques mois à peine, Dardan Isufi dit compter plus d’un demi-millier de chauffeurs, et quelque 15 000 membres clients sur sa plateforme. Il compte passer les prochains mois à la faire connaître à une clientèle qu’il a ciblée très tôt : les étudiants des campus universitaires du grand Montréal. Ce n’est évidemment pas exclusif, mais c’est un bon point de départ pour rejoindre des gens cherchant à se déplacer en ville sans se casser la tête.

Avec un peu de chance, Eva pourrait titiller les habitués du défunt service de Téo Taxi, ceux qui rechignent à faire affaires avec Uber. Et comme Lyft, «l’autre» application américaine qui, dit-on, est plus gentille qu’Uber, n’est pas présente à Montréal, ça laisse encore un peu plus de place pour Eva.

«On a profité des premiers mois pour stabiliser notre plateforme. On n’a peut-être pas beaucoup de véhicules dans l’ouest de l’île, mais au centre-ville, vous trouverez probablement un chauffeur en moins de 5 minutes», indique M. Isufi, d’entrée de jeu, quand on lui demande comment il se compare à Uber. «Eux, ça fait 12 ans qu’ils sont en service. Mais notre modèle peut facilement devenir rentable, et on souhaite prendre de l’expansion rapidement», assure-t-il.

Pour y parvenir, Dardan Isufi compte s’assurer que tout le monde gagne au jeu de l’auto partagée, qui incarne aux yeux de plusieurs le summum de l’économie des petits boulots («gig economy») qui est devenue un pan entier de l’économie mondiale au sens plus large, ces dernières années.

Ça commence par offrir des courses à prix plus modique que ses rivaux. Ne recourant pas à la méthode des prix gonflants selon la demande, Eva propose donc le même tarif à toute heure de la journée. À ça s’ajoute la volonté de remettre les surplus aux membres de la coopérative, les chauffeurs et les utilisateurs, quand la plateforme générera des profits. Car il y a une volonté de participer à la nouvelle mouvance d’économie sociale, elle aussi émergente par les temps qui courent.

«Tout ça est permis par notre structure, qui est très décentralisée», dit M. Isufi.

Perturber les perturbateurs

La formule transactionnelle où les données de ses clients ne sont pas transmises aux serveurs d’Eva fait jaser. Les gens de cette très petite PME du Plateau Mont-Royal ont été sollicités, ces derniers mois, pour en parler lors de conférences regroupant des start-ups, des investisseurs, et tout le monde qui gravite autour de cet écosystème. Pour assurer son avenir, Eva compte d’ailleurs se tourner vers le marché des États-Unis, où les investisseurs sont plus enclins à ouvrir leur portefeuille à une jeune pousse qui, il faut le dire, a un défi de taille devant elle : perturber les perturbateurs.

Mais après le dégonflement de la bulle du bitcoin, la blockchain continue de faire son chemin, et ce détail à lui seul sourit à Eva. Avoir opté pour une structure de coopérative est l’autre face de cette pièce de monnaie numérique qui intrigue également ailleurs sur le continent, constate son cofondateur. «On compte là-dessus pour fidéliser nos membres, pour que nos chauffeurs restent avec nous plus longtemps et offrent une meilleure expérience client. C’est ce qui va faire la différence, dans quelques années», conclut le jeune entrepreneur.

Avec, à la clé, la promesse que tous les utilisateurs en profitent, plutôt que quelques firmes privées de capital-risque. À la fois si près, et si loin d’Uber…

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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