Et si Snapchat savait comment écraser Facebook?

Publié le 20/04/2017 à 10:38, mis à jour le 20/04/2017 à 14:06

Et si Snapchat savait comment écraser Facebook?

Publié le 20/04/2017 à 10:38, mis à jour le 20/04/2017 à 14:06

Les Spectacles de Snap permettent-elles de voir le futur? (Photo: Alain McKenna)

Inscrire en Bourse une entreprise dont le modèle échappe complètement aux 40 ans et plus demande une ambition hors du commun. C’est peut-être ce qui motive Evan Spiegel et sa bande, et ce qui explique leur déculottée actuelle à Wall Street.

Avec une action qui vivote autour des 20$US ce matin, Snap inc.(NY, SNAP) flirte dangereusement avec son cours le plus faible (19,54 $US) depuis son arrivée sur le parquet, au début du mois de mars. Ses dirigeants ont pris grand soin de prévenir au préalable les grands investisseurs: la rentabilité pourrait prendre du temps. Ses états financiers feront état d’une perte de 2 milliards $, cette année, si on se fie aux prévisions des analystes.

Ça fait d’ailleurs dire à plus d’un observateur qu’il serait peut-être plus raisonnable de vendre à découvert que de conserver cette action dont la cote s’est essoufflée aussi rapidement que les billets éphémères qu’on peut publier sur Snapchat.

Sauf que.

Les Spectacles: plus (et moins) que des Google Glass

Un gadget mis en marché de façon très contrôlée ces derniers mois aux États-Unis permet de voir un peu plus loin dans l’avenir de ce réseau social aux assises financières encore incertaines. Il s’agit des Spectacles, des verres fumés à la forme pour le moins originale qui sont dotées d’une petite caméra, dans le coin supérieur droit, et d’une touche de commande, du côté gauche.

Les Spectacles sont bien moins gênants que les Google Glass, auxquelles les amateurs de technologie sont souvent référence quand il est question des Spectacles. Ces dernières n’ont pour objectif (sans jeu de mots) que de capter de très courtes séquences vidéo, puis de les transmettre, via Bluetooth, à l’application Snapchat de son sans-fil.

À l’écran du téléphone, on peut ensuite les publier sur son fil Snapchat, ou en trier quelques-unes sur le volet afin de créer une «Story» qui vivra, plus ou moins publiquement, 24 heures avant d’être reléguée aux oubliettes.

Les Spectacles sont donc beaucoup moins polyvalents que l’affichage intégré des Google Glass. À 130$US (175$CA), on est aussi bien en-deçà des 1500$ que Google exigeait pour ses propres lunettes connectées.

Mais peut-être les lunettes de Snap sont-elles plus révélatrices des tendances à venir en matière de réseaux sociaux et d’appareils connectés.

Vers une vidéo en direct, 24h sur 24h

L’avenir des réseaux sociaux était d’ailleurs le thème fort de la conférence f8 de Facebook qui avait lieu ces deux derniers jours à San Jose. Va-t-on connecter avec ses amis et contacts à travers un monde virtuel accessible à travers des lunettes Oculus? Va-t-on s’échanger de courts statuts sous forme télépathique?

Ou va-t-on plus simplement diffuser en direct, et de façon quasi permanente, ce qui se passe autour de nous via une caméra toujours active, mais assez discrète et autonome pour être oubliée, à la périphérie de son champ de vision?

À voir comment l’utilisation des réseaux sociaux évolue, cette dernière option semble, disons, plus réaliste que la réalité virtuelle. Au début, on publiait un court message de temps en temps sur Facebook ou Twitter. Aujourd’hui, nous sommes de moins en moins nombreux à assister à un concert, à conclure un lunch d’affaires fructueux ou à passer des vacances dans le sud sans publier une photo commémorant l’événement sur Instagram.

Demain, qui dit qu’on ne poussera pas l’audace jusqu’à publier carrément la totalité de son quotidien sur Snapchat? De façon juste assez privée pour que seul notre entourage immédiat puisse y avoir accès. De façon juste assez automatisée pour que ce ne soit pas un fardeau ni pour le créateur de contenu (pensez aux Spectacles…), ni aux consommateurs de ce contenu (pensez à une IA comme celle que développe déjà Facebook et qui identifierait les moments forts de ces vidéos et qui en créerait automatiquement des «Story» escamotant les périodes creuses de la journée).

De façon juste assez publique pour que les annonceurs puissent insérer leur propre message dans ces vidéos, à la façon d’une réalité augmentée qui permettrait à Snap de créer une nouvelle plateforme publicitaire s’adressant à un auditoire captif, qui génère lui-même le contenu et le contexte pour ces pubs.

Mon snapcode, pour les curieux qui souhaiteraient me rejoindre sur Snapchat.

Miseriez-vous plutôt sur la réalité virtuelle?

Si Snap parvient à regrouper tous ces éléments entre eux, et si elle parvient à conserver ses utilisateurs actuels, qui semblent incarner une vague à venir de consommateurs connectés que tant Facebook que Google ou même Apple peinent à rejoindre, son potentiel est grand.

Snapchat devient, soudainement, une menace crédible pour l’empire de Zuckerberg. Celui-ci pourra toujours miser sur la réalité virtuelle, mais cette technologie coûteuse continue de faire davantage penser à l’émergence avortée de la télé 3D qu’à la prochaine grosse révolution technologique.

Chose sûre, toutes ces variations sur le thème des réseaux sociaux de demain semblent pointer dans la même direction: les internautes du futur seront plus connectés que jamais. En direct, en vidéo, et en quasi-permanence.

Celui qui trouvera le bon modèle d’affaires raflera la mise. Si les Spectacles permettent de voir une chose, c’est que Snap n’est pas aveugle à cette lente évolution du phénomène, et qu’elle a peut-être une stratégie pour en tirer profit.

Même si des investisseurs peinent à le comprendre. Après tout, Google ne suscitait-elle pas le même genre d’inquiétudes lors de sa propre entrée en Bourse, en 2004?

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À propos de ce blogue

Autrefois, on appelait ça de l'électronique mais de nos jours, les nouvelles technologies vont bien au-delà des transistors et des circuits imprimés. Des transactions bancaires à l'écoute en rafale d'émissions de télé les plus populaires, la technologie est omniprésente. Et elle comporte son lot de questionnements. Journaliste spécialiste des technologies depuis bien avant l'avénement du premier téléphone intelligent, Alain McKenna a observé cette évolution sous tous ses angles et livre ici ses impressions sur le sujet.

Alain McKenna
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