Vendre, c'est divorcer !

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:45

Vendre, c'est divorcer !

Publié le 01/12/2012 à 00:00, mis à jour le 29/11/2012 à 09:45

L'information financière destinée aux investisseurs est presque entièrement consacrée à comment et à quoi acheter. Pourtant, vous vous enrichirez considérablement en Bourse seulement si vous savez bien vendre. Voici mes conseils en cette période de planification fiscale de fin d'année.

En juillet 2011, après plusieurs trimestres décevants, j'ai vendu mes actions de la chaîne Lumber Liquidators, subissant une perte d'environ 25 %. Or, depuis, le titre a fortement rebondi, à plus de 58 $ US, tandis que je l'avais vendu pour moins de 19 $ US !

Un mois plus tard, j'ai également décidé de vendre mes actions du géant technologique Hewlett-Packard, encaissant une perte de près de 40 %. Toutefois, depuis, le titre de HP a croulé d'un autre 50 %, à moins de 12 $ US, alors que je l'avais vendu à 25 $ US !

Même s'il est encore un peu tôt pour évaluer ces décisions, elles montrent à quel point il est difficile de bien vendre.

La plus grande partie de l'information disponible aux investisseurs est consacrée pratiquement à 90 % à comment et quoi acheter. Ce qui est curieux, car à bien des égards, vous vous enrichirez de façon colossale en Bourse uniquement si vous savez bien vendre.

Plusieurs investisseurs sont déficients sur cet aspect et n'ont pas de stratégie pour appuyer leur décision. Je ne parle pas ici seulement des individus. Selon un sondage mené par Cabot Research et le CFA Institute, plus de 70 % des investisseurs professionnels ont une approche de vente qui n'est pas disciplinée ou fondée sur des critères subjectifs.

Une stratégie claire et nette n'est pas non plus une panacée, car bien des investisseurs sont incapables de la mettre en application de façon disciplinée.

Voici donc cinq conseils pour mieux vendre et pour améliorer vos rendements.

1 Évitez de tomber amoureux

J'ai été surpris lorsqu'un gestionnaire a comparé la décision de vendre un titre boursier à celle de divorcer. Mais après réflexion, il n'y a pas de meilleure analogie.

En effet, lorsqu'on investit comme je le fais, on étudie les sociétés attentivement et on peut les suivre pendant des années avant d'acheter. Après tout ce travail, il est normal de développer un certain attachement face à ces entreprises.

Si elles se retrouvent dans mon portefeuille, il est certain que c'est parce que je crois en leur potentiel et leurs perspectives, que j'aime les dirigeants et que je veux être actionnaire pendant de nombreuses années.

Dans ce contexte, comprendre et admettre que je me suis trompé est pour le moins déchirant. Il est normal, voire prévisible d'avoir tendance à tomber amoureux et de vendre un peu plus tard que je ne le devrais. Par contre, être conscient de cette tendance et rester alerte permet d'en limiter les dommages.

2 Titre par titre, cas par cas

Ceci dit, à mon avis, il n'y a pas 1 000 façons de procéder. Vous devez analyser chaque titre un par un, de façon indépendante, pour décider s'il convient de vendre. Le meilleur moyen de le faire est de retourner à votre décision d'achat et de réviser les raisons qui vous ont poussé à acheter le titre et de vous demander : «Mon scénario initial est-il encore valable ?»

J'estime qu'il y a trois situations qui devraient vous pousser à remettre en cause un placement. La première est lorsque vous commencez à avoir des doutes quant à la compétence et l'intégrité des dirigeants. Par exemple, dans le cas de HP, je peux accepter que les résultats soient décevants, ce qui était peu surprenant dans le contexte spécifique à cette entreprise. De plus, ayant payé moins de 10 fois les bénéfices, je savais pertinemment que les perspectives à court terme étaient médiocres.

Par contre, je ne pouvais pas accepter que HP se lance dans une acquisition fort risquée en payant plus de 30 fois les bénéfices pour l'entreprise britannique Autonomy. C'était le signe que la direction n'était pas à la hauteur. Selon moi, c'est une raison suffisante pour vendre.

La deuxième situation, c'est lorsque la performance financière se détériore de façon sensible. Ici, il est plus difficile d'être catégorique, car tout dépend de votre philosophie de placement.

En tant qu'investisseur à long terme, je suis patient envers mes entreprises et je reconnais que toute société a des hauts et des bas. La clé, c'est savoir si ce bas est le début d'un déclin permanent.

Par exemple, je recherche principalement des sociétés qui ont une croissance d'au moins 15 % par an. Toutefois, si je possède un titre depuis plusieurs années et que sa croissance ralentit, j'aurai tendance à être patient. Par contre, si c'est une entreprise que je viens d'acheter en vertu d'un scénario de forte croissance, et que dès les premiers trimestres, les résultats me déçoivent, je serai beaucoup moins patient.

La troisième situation qui me pousse à réviser un placement, c'est lorsqu'une société réalise une acquisition ou une transaction majeure. À chaque fois que cela survient, j'estime qu'il faut réviser en détail la nouvelle entreprise pour m'assurer qu'elle continue de répondre à tous mes critères. Entre autres, si l'endettement augmente, je tenterai d'évaluer jusqu'à quel point celui-ci augmente mon risque financier et à quelle vitesse la société pourra rembourser sa dette.

3 La chasse aux perdants

La plus grande faiblesse des investisseurs, c'est de tomber amoureux de leurs titres perdants. C'est pourquoi, au moins une fois par an, je remets en question tous mes «perdants».

Dans le cadre de cet exercice, je reviens à mon scénario initial et je le remets en cause en me faisant l'avocat du diable. Si la performance de l'entreprise est conforme à mes attentes, je serai patient. Par contre, s'il y a détérioration visible à la fois des résultats et des perspectives de croissance, il m'importe peu de savoir ce qu'en dit la direction, je serai sans pitié et vendrai sans regarder en arrière.

C'est l'un des deux aspects les plus cruciaux de la gestion d'un portefeuille. Si, en étudiant votre portefeuille, vous constatez que vous possédez quatre ou cinq titres perdants et que vous les détenez depuis quelques années, ce n'est pas normal. Vous devriez faire le ménage froidement !

4 Prendre soin des gagnants

L'autre aspect crucial de la gestion de votre portefeuille est de conserver vos titres gagnants pendant de nombreuses années. En effet, vous pouvez être cavalier avec vos titres perdants, tant que vous prendrez un soin jaloux de vos titres gagnants. Ce sont eux qui vous enrichiront.

Et je parle en connaissance de cause, car c'est là que j'ai fait mes plus graves erreurs. Dans mon premier livre «Investir en Bourse et s'enrichir», je mentionne que ma pire erreur a été de vendre trop vite mes actions d'Alimentation Couche-Tard. À l'époque, j'avais vendu après avoir quintuplé mon capital. Qui peut se plaindre d'avoir réalisé cinq fois sa mise en Bourse ?

C'est oublier le reste de l'histoire, car la valeur de l'action a été multipliée par environ 40 après ma vente ! En fait, la valeur du titre a été multipliée par 200 depuis mon achat. Ce qui signifie qu'un placement de 10 000 $ vaudrait 2 M$ aujourd'hui, pour autant qu'on ait eu la sagesse et la fortitude de conserver ce gagnant pendant toutes ces années. Vous comprendrez que le seul fait de me rappeler cette erreur tragique me pousse aux larmes !

5 La gestion de votre capital

La gestion rationnelle de votre argent peut vous pousser à vendre des titres pour des raisons autres que fondamentales. Par exemple, si vous trouvez une aubaine incroyable et que vous n'avez pas d'encaisse, il est rationnel de vendre un titre ayant un moins bon potentiel d'appréciation.

C'est exactement ce que j'ai fait au plus fort de la crise financière au début de 2009. J'ai décidé de vendre des participations dans des titres solides comme Johnson & Johnson et Microsoft pour la seule raison que je pouvais réinvestir le capital avec un potentiel nettement supérieur dans d'autres titres.

Avec le recul, je peux admettre que ça a été une très bonne décision. En principe, votre capital devrait toujours être investi dans les meilleures occasions offertes.

Enfin, il peut arriver qu'un titre gagnant devienne si important dans votre portefeuille que vous en deveniez inquiet. Par exemple, si en raison du fait que ce titre a décuplé il représente 20 % de votre portefeuille, il peut être rationnel de le réduire uniquement pour diminuer votre risque et augmenter votre niveau de confort.

Sur ce plan, c'est votre capacité de vivre avec la volatilité qui devrait vous guider.

TROIS MAUVAISES RAISONS DE VENDRE SES TITRES

1 Comme je l'ai appris à mes dépens, vous ne devriez jamais vendre un titre pour la seule et simple raison qu'il s'est apprécié. Peu importe que le titre ait doublé, triplé ou décuplé, ce n'est pas une raison de vendre.

2 L'autre motivation irrationnelle est que vous prévoyez une baisse du marché boursier. En effet, vous avez peut-être lu quelque part que la Bourse s'apprête à subir une correction ou vous avez l'impression que le marché est sur le point de se replier. Oubliez ça !

D'abord, demandez-vous froidement qui vous êtes soudainement pour prétendre prédire le cours de la Bourse. Certes, vous pouvez réussir une fois à prévoir une baisse significative du marché. Par contre, le faire de façon régulière, c'est une autre histoire. Personne n'en est capable.

De plus, n'oubliez pas que, même si vous avez raison, rien ne dit que votre titre en particulier dégringolera. En effet, votre société pourrait bien annoncer une nouvelle fort positive, faisant en sorte que le titre se maintienne en Bourse.

Enfin, n'oubliez pas que le fait de tenter de vendre avant une supposée baisse et de racheter avant une reprise, ce n'est pas du placement, mais de la spéculation.

3 La troisième raison, c'est lorsque vous estimez que le titre, en raison de son appréciation, est trop cher. Même si cela semble logique, c'est souvent un prétexte pour vendre un titre qui s'est beaucoup apprécié. Et on revient ainsi à la première mauvaise raison.

À mon avis, à moins que la surévaluation ne soit évidente, vendre uniquement parce qu'un titre semble cher est une erreur. Ainsi, par «surévaluation évidente», je parle d'un titre en portefeuille qui se vend 50 fois les bénéfices prévus l'an prochain, tandis que la croissance de ses profits est seulement de 15 % par année.

Je serais très surpris que vous ayez un tel titre en portefeuille. En effet, dans le contexte boursier morose actuel, les titres nettement surévalués sont rares.

Il est si difficile de déterminer un grand titre gagnant que c'est une erreur de vendre lorsqu'on en a trouvé un, uniquement parce que son ratio cours/bénéfice est devenu élevé.

GÉRER SES PERTES FISCALES

S'il est difficile de vendre, il y a au moins un avantage à réaliser des pertes : diminuer ses gains en capital. Et vous devriez en profiter au maximum.

Dans cette optique, je vous recommande de faire chaque année le ménage de votre portefeuille, en particulier des comptes taxables. Ainsi, si vous avez réalisé des gains en capital à l'extérieur des régimes enregistrés, soyez sans pitié à l'égard de vos titres perdants pour soustraire ces gains aux yeux gourmands du fisc.

Cela signifie que vos pertes ont une valeur, car elles peuvent servir à réduire votre facture d'impôt. De plus, même si vous n'avez pas enregistré de gains cette année, vos pertes peuvent servir à recouvrir des impôts payés sur des gains en capital des trois années précédentes. Vous pouvez de plus prendre des pertes en 2012 qui serviront à réduire des gains futurs.

Il est donc opportun de prendre quelques minutes avant la fin de chaque année et de faire le point sur votre situation fiscale. Vérifiez d'abord si vous avez vendu des titres, au cours de l'année, qui réalisaient des gains. Si c'est le cas, révisez chacun de vos titres perdants. C'est le moment d'être sévère. Est-ce que vous achèteriez ce titre aujourd'hui ? Si vous répondez non, vous êtes probablement mûr pour le vendre.

Dans le REER

Au cas où vous aimeriez réaliser des pertes tout en conservant le titre, vous pouvez le vendre et le racheter 31 jours plus tard.

Dans le REER, les pertes n'ont pas la valeur qu'elles ont dans les comptes non enregistrés, qui ne peuvent servir à réduire les gains imposables. Dans ce sens, il n'y a pas la motivation fiscale de prendre vos pertes.

Si vous transférez des actions d'un compte ordinaire à un REER, n'oubliez pas les conséquences fiscales. Si ce transfert est fait en réalisant un gain, ce dernier est imposable. Par contre, s'il y a perte, celle-ci ne peut être utilisée pour diminuer d'autres gains.

Enfin, si vous négociez des actions américaines, n'oubliez pas que le coût à la fois à l'achat et à la vente doit être calculé en dollars canadiens.

bernard.mooney@tc.tc

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