Les effets pervers de la réglementation

Publié le 02/02/2013 à 00:00, mis à jour le 31/01/2013 à 09:09

Les effets pervers de la réglementation

Publié le 02/02/2013 à 00:00, mis à jour le 31/01/2013 à 09:09

Les crises financières, les fiascos et les fraudes des dernières décennies ont forcé les gouvernements et les organismes de réglementation à resserrer considérablement les lois régissant le commerce des valeurs mobilières.

C'est normal et probablement sain. Qui peut être contre le fait de chercher à écarter les escrocs et les truands d'une industrie dont le nerf de la guerre repose sur la manipulation de l'argent des épargnants ?

Toutefois, il ne faut pas oublier que toutes les réglementations ont leurs limites, leurs contraintes et leurs coûts. Lorsque vous parlez à des gens de l'industrie financière, ils se plaignent de plus en plus du temps et des coûts engendrés par ces exigences.

Un autre impact moins facile à évaluer est le fait que l'explosion de la réglementation a favorisé les géants de l'industrie, augmentant considérablement les barrières à l'entrée. Plus que jamais, le secteur financier est dominé par les grandes banques et les grands groupes. Ces derniers sont avantagés, parce que certains de leurs services se consacrent entièrement à satisfaire les organismes de réglementation. Leurs dépenses associées à ces tâches, toute proportion gardée, sont minimes par rapport à celles d'une petite firme qui se lance.

Disparition de l'innovation

À long terme, il y a là les germes d'un très grave problème pour tous les épargnants : la disparition de la vraie concurrence et celle de l'innovation. Si vous croyez qu'il ne s'agit que d'un problème théorique sans rapport direct avec vous, vous avez tort.

Prenez par exemple l'industrie des fonds communs. Des commentateurs comme moi ont passé leur vie à critiquer les fonds, les décrivant souvent comme étant coûteux, peu performants et surtout conçus pour enrichir leurs promoteurs.

Facile à dire, mais pas mal plus difficile à corriger. Car, dans notre monde archi-réglementé, lancer un fonds commun innovateur bâti pour enrichir tous ses intervenants est pratiquement condamné à l'échec.

J'ai un exemple pour vous.

En 1998, Chuck Royce, fondateur et gestionnaire des fonds qui portaient son nom, a lancé un fonds qui se voulait différent. M. Royce reconnaissait les faiblesses du fonds commun traditionnel, en particulier le fait que les gestionnaires retirent un pourcentage en fonction de l'actif, peu importe leur performance.

Si la performance du fonds n'est pas bonne, le gestionnaire empoche son argent alors que le détenteur s'appauvrit.

Le fonds Royce Select était différent parce que le gestionnaire payait toutes les dépenses, se faisant payer uniquement en fonction du rendement. Il retirait seulement 12,5 % des bénéfices générés, tandis que les détenteurs empochaient le reste. De plus, si la valeur du fonds baissait après que le gestionnaire eut encaissé sa part, ce dernier recevait de l'argent uniquement après que le fonds se fut apprécié.

Si le fonds progressait, tout le monde en profiterait ; dans le cas contraire, tous les intervenants souffriraient.

Un excellent rendement

Cette façon de partager les bénéfices est rationnelle et dépasse les approches utilisées par les fonds spéculatifs (hedge funds). Ces derniers, en plus de récolter généralement 20 % des bénéfices, se font payer un honoraire pouvant atteindre 2 % de l'actif. Ces gestionnaires ne peuvent pas perdre.

Le fonds Royce Select a fermé ses portes en septembre dernier, s'étant converti en fonds traditionnel. Pourquoi ? Pas parce que son rendement était minable. Du 15 mars 1999 au 1er octobre 2012, il a procuré des gains de 450 % . C'est environ huit fois le rendement de 57 % du marché boursier américain pendant la même période, selon Wilshire Associates.

Le fonds a disparu parce qu'il n'a jamais réussi à attirer l'intérêt des investisseurs, ayant seulement un actif de 49 M$ US le 28 septembre 2012. En raison de sa structure de rémunération, le fonds Royce Select devait obligatoirement être vendu exclusivement aux investisseurs dits «qualifiés», c'est-à-dire ayant au minimum 2 M$ d'actif.

De plus, ceux qui se qualifiaient devaient remplir une tonne de paperasse pour se conformer aux exigences de la Securities and Exchange Commission (SEC), la commission américaine des valeurs mobilières.

Car, voyez-vous, la façon «originale» de rémunérer le gestionnaire place ce fonds dans une catégorie spéciale. Tellement que les organismes de réglementation veulent s'assurer qu'il sera vendu uniquement à des épargnants capables d'évaluer ses risques.

Autrement dit, on veut protéger les épargnants, ce qui comprend les protéger des produits qui sont solides et intéressants. Pour la SEC, l'épargnant «ordinaire» est trop bête pour faire ce travail lui-même.

C'est vrai dans bien des cas, et il ne faut pas se le cacher. Par contre, ce faisant, on élimine aussi des produits novateurs et très valables.

Dans le but de veiller à ce que notre gazon n'ait pas de mauvaises herbes, on en vient à l'asperger tous azimuts d'herbicides qui le tuent complètement.

DE MON BLOGUE

Bourse

Loin d'un sommet

Pour une deuxième semaine consécutive, les investisseurs ont dirigé plus d'argent vers les actions. Ainsi, selon Lipper, les fonds d'actions aux États-Unis ont attiré plus de 3,7 G$ US lors de la semaine terminée le 16 janvier.

Depuis le début de 2013, il semble y avoir un déclic chez les investisseurs, qui découvrent le marché boursier. C'est un changement radical, car ils avaient boudé systématiquement les actions depuis 2009, leur préférant les obligations.

Les entrées d'argent dans les actions peuvent servir à mesurer l'enthousiasme des investisseurs face à la Bourse. Or, les investisseurs sont loin d'être euphoriques en ce moment.

En fait, selon Stéfane Marion, de la Financière Banque Nationale, les entrées dans les actions n'ont pas été financées par des ventes d'obligations. Les investisseurs ont simplement dirigé du capital qui était dans les fonds monétaires vers la Bourse.

Vos réactions

«Je tends l'oreille ces jours-ci et je n'entends que le son des violons, aucun en provenance des canons. Et on connaît l'adage...»

- dencour

«De mon côté, je pense exactement le contraire. La complaisance est de nouveau manifeste...»

- ABC

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

bernard.mooney@tc.tc

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