Le chien de garde des actionnaires

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:20

Le chien de garde des actionnaires

Publié le 23/03/2013 à 00:00, mis à jour le 21/03/2013 à 10:20

Payant l'activisme ? Voilà une question que nous avions analysée dans Investir il y a un an, lorsque Bill Ackman menait une charge pour changer la direction du Canadien Pacifique (CP). Le titre du transporteur a grimpé de 150 % depuis que M. Ackman est monté à bord du CP, en septembre 2011. Au cours de la dernière année, les québécoises 20-20 Technologies et Miranda Technologies ont été vendues après l'intervention d'actionnaires activistes. Voici comment ces investisseurs s'y prennent pour créer de la valeur.

Les investisseurs activistes jouent un rôle important sur les marchés financiers. Ils représentent des chiens de garde pour l'ensemble des actionnaires, en particulier les petits porteurs.

Par exemple, lorsque Bill Ackman, dirigeant de Pershing Square Capital, a divulgué le 12 juillet 2012 qu'il avait accumulé pour 1,8 milliard de dollars américains d'actions de Procter & Gamble, la direction a ressenti l'équivalent d'une décharge électrique.

Pourtant, il ne s'agissait que d'une participation de 1 % dans le géant des produits pour la maison et les soins personnels.

Le titre s'est apprécié de 6 % en deux jours, l'équivalent de plus de 9 G$ US en valeur boursière, parce que les investisseurs savaient que M. Ackman «pousserait» de façon musclée pour des changements de direction. En particulier, plusieurs spécialistes ont commencé à compter les jours de Bob McDonald à titre de président et chef de la direction de Procter & Gamble.

Après plus de sept mois, le titre de Procter & Gamble s'est apprécié de 24 %, touchant un sommet de tous les temps. L'élan s'est concrétisé lorsque la société a publié le 25 janvier des résultats nettement supérieurs aux attentes, surprenant tout le monde.

Un exemple canadien

Sans prétendre que le revirement de la multinationale s'explique par l'intervention de Bill Ackman (la pression sur les dirigeants était déjà forte depuis quelque temps), il faut reconnaître que sa démarche a été salutaire pour les actionnaires. Ce cas illustre bien le rôle que peuvent jouer les investisseurs activistes.

M. Ackman s'est fait connaître au Canada lorsqu'il a pris une importante participation dans le Chemin de fer Canadien Pacifique (Tor., CP, 126 $) pour gagner sa bataille contre la direction et nommer huit administrateurs sur quatorze à son conseil. Il a ensuite recruté Hunter Harrison au poste de président et chef de la direction. Ce dernier avait occupé dans le passé le même poste chez son concurrent, le CN.

Depuis que Pershing Square a divulgué sa participation de 12,2 % dans CP le 28 octobre 2011, le titre a pratiquement doublé. Tous les actionnaires de cette société reconnue pour sa grande médiocrité doivent une fière chandelle à Bill Ackman qui, au 31 décembre, avait 27 % de son portefeuille dans le transporteur ferroviaire canadien.

La plupart de ces investisseurs ne sont pas des Warren Buffett, mais ils ne sont pas des spéculateurs non plus. Lorsque M. Ackman a rencontré le président et deux administrateurs de Procter & Gamble, il leur a présenté un document de 75 pages décrivant la mauvaise performance de la société et les erreurs stratégiques à la base de celle-ci.

David Einhorn, de Greenlight Capital, a fait les manchettes récemment en demandant à la direction d'Apple d'émettre des actions privilégiées aux actionnaires de façon à les enrichir. Pour avoir vu la présentation de M. Einhorn, je peux vous dire qu'elle était à la fois solide et fascinante. Je ne sais pas si la direction d'Apple bougera, mais l'intervention de M. Einhorn a augmenté la pression sur le conseil d'administration.

Ces investisseurs activistes sont brillants, ont des contacts partout sur la planète, veulent faire de l'argent et n'hésitent pas à brasser les conseils pour y arriver. Et ils ont toujours beaucoup d'argent investi pour appuyer leurs demandes. Dans ce sens, les actionnaires minoritaires devraient apprécier leur travail et leurs interventions.

Car on sait tous que bien des sociétés ouvertes souffrent de médiocrité chronique et de paralysie quand vient le moment d'enrichir leurs actionnaires. Il est sain que des investisseurs puissent agiter leur cage dorée.

Mon seul problème, c'est lorsque les propositions de ces investisseurs visent d'abord la performance à court terme aux dépens de la performance à long terme.

L'activisme québécois, quel activisme ?

Au Québec, ce genre d'activisme n'existe pratiquement pas. Or, je suis convaincu qu'on en aurait bien besoin. Jadis, Stephen Jarislowsky s'était fait une grande renommée en se battant contre des dirigeants qui acceptaient des offres d'achat lui semblant trop peu généreuses. Il y a peu de remplaçants.

Je parle ici d'investisseurs et non d'organismes comme la Caisse de dépôt et placement du Québec ou le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). La première a les moyens, mais, étant une institution avec des ramifications politiques, elle peut difficilement faire le travail sans conflit.

Quant au MÉDAC, cette association n'a pas les moyens nécessaires et se concentre surtout sur les questions de régie d'entreprise, sans tenir compte de la performance des sociétés. Jusqu'ici, ses interventions très médiatisées se sont concentrées surtout sur des thèmes comme la rémunération des dirigeants, la composition de conseils d'administration et d'autres questions du genre. Il n'y a pas grand-chose menant à l'enrichissement des actionnaires, à mon avis.

Pourtant, les investisseurs québécois auraient bien besoin de policiers financiers pour secouer notre monde des affaires.

Bernard.Mooney@tc.tc

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