L'industrie militaire à la rescousse de l'aéronautique

Publié le 13/06/2009 à 00:00

L'industrie militaire à la rescousse de l'aéronautique

Publié le 13/06/2009 à 00:00

La montréalaise CAE, chef de file mondial de technologies de simulation, de modélisation et de formation destinées à l'aviation civile et aux forces armées, a clôturé son exercice 2009 avec des prises de commandes militaires d'une valeur record : 1,09 milliard de dollars.

Cela représente une hausse de 47 % par rapport à l'année précédente et sa plus importante récolte de commandes militaires à ce jour. Sur son tableau de chasse figurent entre autres des contrats avec les gouvernements canadien, australien, britannique et américain.

Pour CAE comme pour nombre des 235 entreprises québécoises du secteur aérospatial, les besoins que suscitent les activités militaires partout dans le monde tombent à point nommé. L'industrie militaire amoindrit de manière importante l'impact de la récession sur ce secteur de notre économie ? le 4e pour son chiffre d'affaires ? qui emploie 42 400 personnes, soit 1 travailleur québécois sur 190.

Éviter les mises à pied massives

Sur l'ensemble des revenus de CAE pour la dernière année (1,6 milliards de dollars), pas moins de 41 % sont directement attribuables à l'industrie militaire. Tout un bond, puisqu'il y a dix ans à peine, ses ventes militaires étaient négligeables, voire inexistantes, dit Nathalie Bourque, vice-présidente aux communications mondiales de l'entreprise.

CAE n'est pas un cas unique. Un nombre croissant de plus petites entreprises cherchent elles aussi à diversifier leurs activités, explique Suzanne Benoît, directrice générale de Aéro Montréal, qui représente la grappe de l'industrie aérospatiale dans la région métropolitaine . « En période d'incertitude, dit-elle, les programmes militaires sont particulièrement appréciés. Personne n'est encore au bord du gouffre, mais on ne peut nier que, pour plusieurs, les débouchés du côté militaire auront permis de réduire, si ce n'est d'éviter les mises à pied massives qu'a connues le secteur depuis le début de l'année. »

L'industrie est effectivement malmenée : 4 360 mises à pieds chez Bombardier Aéronautique, 670 chez CAE, 500 chez Pratt &Whitney et 500 autres chez Bell Helicopter, à Mirabel. Sans compter les emplois perdus, par ricochet, chez les sous-traitants du secteur.

Équilibrer civil et militaire

Ainsi, c'est grâce aux contrats militaires qu'Héroux-Devtek, qui conçoit, fabrique et entretient des trains d'atterrissage, a résisté jusqu'à maintenant aux coupes sombres dans son effectif, alors que la majorité des entreprises de sa taille ont écopé.

L'équilibre que l'entreprise a réussi à établir tant entre le civil et le militaire qu'entre ses clients intégrateurs et les armées a toujours été la grande force de cette entreprise, dit Martin Goulet, ancien analyste de l'industrie, aujourd'hui associé à l'agence de communication Maison Brison, dont Héroux-Devtek est cliente.

Au terme du troisième trimestre de l'exercice de l'entreprise, le militaire représentait pas moins 46 % de ses revenus. Ces ventes sont attribuables autant à des intégrateurs de systèmes militaires, comme Lockheed Martin ou Northrup Grumman, qu'à des clients gouvernementaux, comme la US Air Force, la US Navy et les Forces armées canadiennes.

L'entreprise de Longueuil profite notamment du programme de développement du F-35 Lightning II (le fameux Joint Strike Fighter, ou JSF) pour lequel le département de la Défense américain a recommandé, en avril, une hausse des achats de 14 appareils, en 2009, à 30, en 2010.

Héroux-Devtek a décroché, en avril, un contrat de 50 millions de dollars avec Lockheed Martin Aeronautics Company pour la fabrication de composants structuraux et d'assemblages pour les voilures et le fuselage avant du JSF. Ce mandat s'ajoute à un contrat pluriannuel de 135 millions, obtenu en 2007, pour des cloisons en aluminium forgé pour le JSF. Rappelons que ce programme majeur est appelé à remplacer les fameux F-18 qu'utilisent la majorité des armées de la planète.

CMC Électronique ? anciennement Canadian Marconi ?, profite non seulement du développement du JSF, mais aussi de la mise en production, après des années de préparation, de l'habitacle du T-6B, un avion de formation militaire produit par l'américaine Hawker Beechcraft.

CMC fabrique des produits d'avionique destinés à l'habitacle de plusieurs aéronefs. Elle produit également des microcomposants électroniques pour les missiles de nombreux fabricants d'armement, comme l'américaine Raytheon. Ces contrats militaires lui permettent d'essuyer les pertes importantes qu'elle prévoit du côté de l'aviation d'affaires. Depuis environ cinq ans, CMC tire la moitié de ses revenus du secteur militaire, comparativement à 80 % auparavant. Ce nouvel équilibre lui permet de traverser la crise actuelle sans trop de dommages -seulement 70 mises à pied depuis janvier ? et d'envisager le ralentissement prochain des dépenses militaires avec sérénité.

« Cet équilibre permet de réduire l'impact des ralentissements cycliques tant des côtés civil que militaire », explique Janka Dvornik, directrice des communications de l'entreprise.

Prolonger la vie des vieux chasseurs

Paradoxalement, le resserrement des dépenses d'armement risque de jouer en faveur de sociétés qui se consacrent presque exclusivement à l'industrie militaire, car celles-ci obtiendront des contrats de maintenance à défaut de production. Parmi celles-ci, L-3 MAS, constituée des anciennes activités de défense de Bombardier. Aujourd'hui, pas moins de 90 % de ses revenus sont directement liés à l'industrie militaire.

L'entreprise de Mirabel, qui emploie 1 000 personnes, s'est fait connaître comme l'un des grands spécialistes de l'entretien des chasseurs F-18. Elle se définit aujourd'hui davantage comme un spécialiste des structures d'aéronefs, et travaille de plus en plus, non seulement en maintenance d'aéronefs, mais aussi au prolongement de leur vie utile.

« Nous ne sommes pas imperméables à la récession, mais nous en récoltons certains effets positifs », fait remarquer Sylvain Bédard, président.

En partenariat avec BAE Systems, L-3 vient d'obtenir un contrat de la Royal Australian Air Force pour la maintenance et la modification à long terme de sa flotte de F-18. Le contrat d'une durée initiale de quatre ans, assorti d'options de prolongation de 6 ans, totalise 150 millions de dollars. L-3 MAS profite ainsi du désir des gouvernements ? celui des ÉtatsUnis au premier chef ? de différer l'achat de nouvelles flottes pour leur armée.

LE CONTEXTE

UNE INDUSTRIE DE POIDS

12 Milliards de dollars de chiffre d'affaires généré par le secteur aérospatial au Québec, en 2007.

LE TRANSPORT À LA BAISSE

20 % Baisse de la demande de fret aérien depuis le début de l'année par rapport à 2008.

LE MILITAIRE ENCORE MARGINAL

15 % Proportion, estimée, des revenus de l'industrie aéronautique québécoise tirés de l'industrie militaire, contre 80 % dans le domaine civil.

TRÈS FORTE CROISSANCE

45 % Augmentation des dépenses militaires dans le monde depuis dix ans.

UN VOISIN DÉPENSIER

515 Budget de fonctionnement du département américain de la Défense, en milliards de dollars, pour l'exercice en cours.

Sources : MDEIE, IATA, département de la Défense américaine, SIPRI

Le Québec compte pour la moitié des emplois du secteur aérospatial canadien

Ontario : 28 %

Québec : 51 %

Ouest canadien : 15 %

Provinces maritimes : 6 %

Total : 84 000 emplois, en 2008

23,6

Chiffre d'affaires, en milliards de dollars, du secteur aéronautique canadien, en 2008, par rapport à 22,7 milliards, en 2007.

Source : Association des industries aérospatiales du Canada, 2008

martin.jolicoeur@transcontinental.ca

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