L'argent n'achète pas nécessairement les meilleurs conseils financiers

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:48

L'argent n'achète pas nécessairement les meilleurs conseils financiers

Publié le 12/10/2013 à 00:00, mis à jour le 10/10/2013 à 09:48

Il y a quelques semaines, j'ai eu une discussion avec un ami au sujet des conseils professionnels. À son avis, le grand avantage d'être riche, c'est qu'on peut se payer les meilleurs conseils de la planète.

Notre discussion était centrée surtout sur l'univers juridique, mais nous avons rapidement conclu que l'argent pouvait effectivement permettre d'«acheter» les meilleurs conseils dans la plupart des domaines.

Par exemple, si je veux me faire bâtir une nouvelle demeure, je peux embaucher les meilleurs architectes. Si j'ai un problème de santé, je peux me payer les meilleurs soins, peu importe où ils se situent dans le monde.

Un monde différent

Et les services financiers, eux ? Est-ce que le fait de signer un gros chèque me garantit les conseils les plus lucratifs ?

Ce n'est pas vraiment le cas, et je vais vous expliquer pourquoi. Vous comprendrez que le monde de la finance est différent de tous les autres secteurs de l'économie.

Il y a quelques années, le président d'une importante société montréalaise a communiqué avec moi pour me demander de lui nommer quelques bons gestionnaires de fonds spéculatifs (hedge funds). Au lieu de lui répondre, je lui ai demandé pourquoi il faisait cette demande.

«J'ai décidé de confier une partie de mon capital à ces gestionnaires», a-t-il répondu. En discutant avec lui, j'ai compris qu'il ne s'était pas levé un matin avec l'idée d'investir des millions dans des fonds de couverture. Non, c'était plutôt le résultat d'un discours de vente de son conseiller financier (probablement plus d'un). À l'époque, la popularité des hedge funds explosait, ce qui signifie que toute l'industrie les vendait avec enthousiasme. De plus, le président était insatisfait et complètement désillusionné à l'égard des approches traditionnelles des grandes firmes de gestion. En passant, il connaissait très bien le marché boursier, car il avait mené sa société en Bourse dans le cadre du REA pendant les années 1980.

Je me rappelle lui avoir dit que je n'avais aucun nom à lui recommander, mais que si j'étais à sa place, j'en choisirais un seul, un bon, et je lui ferais confiance pendant plusieurs années.

J'ai revu récemment ce dirigeant et je n'ai pu m'empêcher de lui demander s'il était satisfait de son placement dans les hedge funds. Il n'a pas trouvé ma question très drôle, me confiant que, sans être désastreuse, son expérience avait été négative.

«Non seulement je n'ai pas fait grand argent, mais si je compte tous les frais payés, cela m'a coûté assez cher», a-t-il expliqué. Il avait décidé d'investir dans plus de cinq gestionnaires de hedge funds, contrairement au conseil que je lui avais prodigué.

Pourquoi vous raconter cette histoire ? Parce qu'elle est typique de nombreux investisseurs nantis. Ces derniers sont constamment bombardés de discours de vente de toutes les parties de l'industrie financière.

Résultat : ils achètent généralement des produits financiers populaires dont la performance à court terme les rend alléchants. D'autant que les gens fortunés ont le même défaut que ceux qui ont moins d'argent : ils se comparent à leurs semblables, ce qui provoque des émotions destructrices comme l'envie et la jalousie.

La rationalité est absente

Or, contrairement à la plupart des autres domaines de la vie, les gens riches n'achètent pas vraiment de meilleurs services financiers.

Et il est facile de comprendre pourquoi : la rationalité est en option lorsqu'il est question d'investir son capital.

Revenons à l'exemple du président qui investit rationnellement dans des fonds spéculatifs. Il est évident que, si je répartis mon capital dans 10 gestionnaires différents, mes chances de mieux performer que le marché sur cinq ans ou dix ans sont faibles, voire inexistantes. C'est encore plus vrai si je prends en considération le fait que la première chose que ces gestionnaires font, c'est de se prendre des honoraires de 2 % de l'actif géré !

Pourtant, au moment de décider, notre président oublie ce fait aussi fondamental que la gravité, probablement parce qu'il accorde une trop grande importance à certaines informations comme la performance exceptionnelle des gestionnaires sélectionnés.

Encore une fois, ses émotions embrouillent le fait que ce gestionnaire surfe vraisemblablement sur la crête de la vague. Sa réussite est davantage le résultat de la chance que de l'habileté. Il est manifeste que les spécialistes des services financiers vendent avec enthousiasme les services de gestionnaires après plusieurs années de réussite.

Ce sont d'ailleurs ces facteurs qui m'ont poussé à lui recommander de choisir un seul de ces gestionnaires. Certes, on peut «l'acheter» à son sommet, mais en supposant qu'on choisisse une personne compétente avec une solide approche de placement, on a de bonnes chances d'obtenir un résultat correct à long terme, après les frais.

Je sais par contre que cette approche - choisir un gestionnaire et vivre avec - est la moins populaire dans l'industrie, parce que la plupart des intervenants ne veulent pas perdre la face. Imaginer un gestionnaire vedette, qui connaît une période difficile, se trouvant nez à nez avec son client deux ans plus tard... Pourquoi prendre le risque d'avoir l'air fou alors que je peux acheter la paix avec une solution qui a l'air plus modérée ?

L'industrie du placement est vraiment différente de toutes les autres. Les gens riches ne sont pas mieux conseillés que les autres, je vous le garantis.

bernard.mooney@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/bernard-mooney

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