Et si les taux ne montaient pas ?

Publié le 02/11/2013 à 00:00, mis à jour le 30/10/2013 à 15:06

Et si les taux ne montaient pas ?

Publié le 02/11/2013 à 00:00, mis à jour le 30/10/2013 à 15:06

«Il est pratiquement certain que les taux d'intérêt remonteront bientôt...»

J'ai lu ce commentaire d'un gestionnaire il y a quelques jours. En fait, j'ai lu cela des centaines de fois depuis quelques années. Pire, je l'ai écrit il y a plusieurs mois !

Oui, oui, je plaide coupable. Il est facile de regarder la grande courbe descendante des taux d'intérêt depuis plus de 30 ans et de conclure que «les taux ne peuvent que monter, c'est évident, c'est certain».

Or, la réalité financière est plus complexe.

Précisons avant d'aller plus loin de quoi je parle exactement. Il y a les taux d'intérêt à court terme, soit pour des échéances de deux ans et moins, et à long terme, soit de 10 ans et plus. Entre les deux, on retrouve les taux à moyen terme (trois à cinq ans).

Lorsqu'une banque centrale veut stimuler l'économie, elle abaisse ses taux directeurs, qui déterminent en grande partie les taux à très court terme. Ainsi, lorsque vous voyez que les bons du Trésor de six mois procurent un rendement de 0,03 % aux États-Unis, c'est l'oeuvre de la Banque centrale américaine. Au Canada, le même titre offre un rendement de 0,95 %. La politique de la Fed est plus accomodante que celle de la Banque du Canada.

Stimulation exceptionnelle

Ce qui est exceptionnel dans le cycle actuel, c'est que la Réserve fédérale américaine (Fed), en raison d'une croissance économique décevante, s'est mise à acheter des titres à plus long terme pour abaisser ces taux. Si la Banque centrale américaine a décidé d'agir ainsi, c'est qu'elle reconnaissait que sa politique traditionnelle a peu d'impact sur les taux à long terme.

Aux États-Unis, les obligations gouvernementales de 10 ans offrent un rendement de 2,5 %, le même que celui des obligations canadiennes. Les obligations de 30 ans aux États-Unis offrent un rendement de 3,6 % comparativement à 3,1 % ici. Malgré les interventions de la Fed, le taux des obligations de 30 ans est plus élevé aux États-Unis qu'ici !

La crainte dominante est que, lorsque la banque américaine cessera ses achats, les prix des obligations chuteront, provoquant une hausse significative des taux. Ici, il ne faut pas se leurrer, les taux monteront lorsque la Fed se tassera, mais la hausse risque de décevoir les amateurs d'émotions fortes.

Ce qui détermine plus que tout autre facteur le prix des obligations à long terme, ce sont les attentes inflationnistes. Or, lorsque je regarde les facteurs pouvant provoquer une recrudescence de l'inflation, je constate qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Par exemple, les périodes inflationnistes sont associées de près à des pénuries et à une flambée des coûts de la main-d'oeuvre. Est-ce que vous voyez cela à l'horizon ? Pas moi.

En fait, notre monde est davantage caractérisé par les surplus, en particulier le surplus de capacité de production et le surplus de main-d'oeuvre, qui se reflètent dans les taux de chômage très élevés de la plupart des pays industrialisés.

La reprise économique depuis 2009 n'a pas été assez puissante pour écouler et effacer les excès du cycle précédent. Ce qui s'explique par la gravité de la récession et aussi par l'ampleur gigantesque des excès.

À preuve, malgré le fait que nous sommes dans la quatrième année de la reprise, le secteur industriel américain ne fonctionnait qu'à 77,8 % de sa capacité en août. En passant, c'est une forte augmentation depuis le creux de 2009, qui était de 66,9 %.

Toutefois, la pleine capacité est encore loin, car nous sommes encore 2,4 % sous la moyenne à long terme (de 1972 à 2012).

Et cette donnée ne procure qu'une vision partielle de la réalité. En effet, les plus énormes excès sur le plan des dépenses en immobilisations n'ont pas eu lieu vraiment aux États-Unis, mais bien en Asie et en Chine. Ce pays a la capacité d'inonder la planète de produits de toutes sortes.

Des taux déprimés longtemps

Dans ce contexte, la reprise des pressions inflationnistes est fortement hypothétique. Tout porte à croire que le monde reste aux prises avec les démons de la déflation.

La Banque du Canada vient elle-même de remettre aux calendes grecques une éventuelle hausse de son taux directeur.

Ce qui signifie que les pressions sur les taux d'intérêt ne sont pas pour demain.

Une fois que la Fed cessera ses achats d'obligations et que ces dernières se retrouveront à des prix «normaux», nous pourrions bien vivre encore quelques années avec des taux à long terme relativement déprimés. Concrètement, en supposant une poursuite de la croissance, les taux de 30 ans pourraient atteindre 4 %, et peut-être 4,5 %. Les prédictions de 5 à 6 % sont à mon avis exagérées.

Pour les épargnants et les investisseurs, les répercussions sont à la fois négatives et positives. Si vous comptez sur une hausse sensible des taux pour augmenter vos revenus provenant des titres à revenus fixes, vous serez une victime dans cet environnement.

Par contre, si vous investissez en Bourse, vous n'avez pas à craindre l'impact d'un relèvement des taux.

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