Donner à la poule aux oeufs d'or du Nord le temps de pondre

Publié le 16/02/2013 à 00:00, mis à jour le 14/02/2013 à 09:53

Donner à la poule aux oeufs d'or du Nord le temps de pondre

Publié le 16/02/2013 à 00:00, mis à jour le 14/02/2013 à 09:53

Le ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, vole au secours des régions du Québec - à sa façon.

Il accuse de complot le gouvernement de Stephen Harper, parce que la réforme de l'assurance-emploi aurait pour effet d'inciter les citoyens des régions les plus mal en point à prendre le chemin de l'Alberta et des sables bitumineux. Cette sombre machination viserait donc à saigner le Québec.

C'est un peu gros... et surtout paradoxal, comme affirmation. Elle risque de se retourner contre lui. Effet nocif pour effet nocif, l'attitude actuelle du gouvernement québécois à l'égard des régions ressources pourrait être encore plus dommageable. Voici pourquoi.

Plusieurs d'entre elles connaissent une bonne erre d'aller depuis quelques années, alors qu'elles étaient plutôt habituées à manger du pain noir.

Belles éclaircies

Après plus de 25 ans de déclin, la population de la région de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine a recommencé à augmenter en 2012. Pas beaucoup, mais dans les circonstances, c'est presque phénoménal. L'Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord font encore mieux, et le mouvement à la hausse s'intensifie. Mieux, dans ces deux cas, la population est moins âgée que la moyenne québécoise. De jeunes familles s'y installent.

Pourquoi ? Parce qu'elles pensent être en mesure d'y améliorer leur sort. Comment ? En profitant des nouvelles occasions qui s'offrent dans ces régions, où l'économie est en pleine expansion. À cause de quoi ? Essentiellement en raison de l'engouement renouvelé pour les ressources - en fait, pour reprendre l'expression honnie, à cause du Plan Nord et de ses dérivés.

Ce n'est pas compliqué. Les gens vont là où ils peuvent trouver du travail et où ils seront bien accueillis. À la limite, ce peut être en Alberta, mais la plupart du temps, ils préfèrent rester plus près de chez eux.

Mais encore faut-il ne pas contrecarrer le développement qui engendre ces emplois. Or, ces belles éclaircies récentes sont maintenant assombries par de gros nuages. Et le pire, c'est que le gouvernement québécois est en train d'en susciter lui-même.

Tout d'abord, le contexte international n'aide pas. Les métaux de base qu'on trouve au Québec sont dans une mauvaise passe. Le prix du cuivre est aujourd'hui plus bas de 20 % par rapport à celui de l'été 2011. Le prix du fer a davantage dégringolé. La demande de nickel se maintient, mais l'approvisionnement est abondant. Et la volatilité du prix de l'autre métal populaire ici, l'or, est embêtante.

Les projections vont dans le sens d'une reprise en 2013 de la demande, surtout asiatique, ce qui devrait aider à raffermir les prix. Ce serait souhaitable. De gros projets ont déjà écopé, comme celui de la mine de fer du lac Bloom, près de Fermont, qui prévoyait doubler sa production en 2013. Les travaux sont maintenant arrêtés.

Déjà que la planète ne nous aide pas... avons-nous besoin de nous tirer dans le pied ? Lorsque vous avez à décider si vous allez engager des centaines de millions de dollars pour lancer un chantier, les règles doivent être claires. Il vous faut savoir dans quoi vous vous embarquez. L'incertitude est meurtrière.

Dur à suivre

Mais, en envoyant des signaux contradictoires quant à ses intentions, le gouvernement du Québec se comporte comme un éteignoir de convoitise. Plus ou moins de redevances ? Une surtaxe ou non ? Plus ou moins de pouvoirs aux municipalités ?

On dit déjà, en Abitibi, que de nombreux projets d'exploration sont pour l'instant suspendus. Le plan de match gouvernemental est dur à suivre. Et il faut éviter de se croire seuls sur Terre à détenir des richesses minérales. Si on brette, d'autres ne se gêneront pas pour prendre notre place.

Au moins, Québec vient d'annoncer la tenue d'un forum sur les redevances minières, le 15 mars. Il devra impérativement clarifier la situation. Comme pour le sommet sur l'éducation, le gouvernement a cependant déjà annoncé ses couleurs : le ministre des Finances, Nicolas Marceau, veut augmenter l'impôt sur les mines. Qui plus est, un des coprésidents désignés, le professeur Jacques Fortin, de HEC Montréal, s'est fait connaître par ses positions très critiques face au (défunt) Plan Nord.

Il ne faudrait pas que les dés soient pipés. Aller chercher la meilleure part possible, oui. Mais si on coupe le cou à la poule aux oeufs d'or avant qu'elle n'ait eu le temps de pondre, le Québec tout entier y perdra.

DE MON BLOGUE

Crise et famille

Les Tanguy obligés d'ailleurs devraient nous faire réfléchir

Selon le journal Le Monde, qui a mené une enquête sur le sujet, ce n'est rien de moins qu'un «fléau planétaire».

En Espagne, en Italie et au Portugal, de 40 à 50 % des jeunes gens de 25 à 34 ans vivent ou sont revenus vivre chez leurs parents. La proportion est encore plus élevée en Grèce, en Bulgarie, en Slovaquie et à Malte.

Vos réactions

«Pourquoi font-ils des enfants s'ils veulent s'en débarrasser quand ils ont 16 ans ? [...] Qu'ont en commun J.F. Kennedy et G.W. Bush ? Ils vivaient encore chez leurs parents quand ils sont devenus présidents des États-Unis.»

- sgsmg

«Cet article est très pertinent. J'ajouterais même que la crise et la précarité obligent de plus en plus de couples séparés à continuer de vivre sous le même toit en Europe, notamment en France, comme le démontre une étude récente sur le sujet.»

- belisle

Le plan de match gouvernemental est dur à suivre. Et il faut éviter de se croire seuls sur Terre à détenir des richesses minérales.

rene.vezina@tc.tc

blogue > www.lesaffaires.com/rene-vezina

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