Comment des pays font défaut

Publié le 15/05/2010 à 00:00

Comment des pays font défaut

Publié le 15/05/2010 à 00:00

La Grèce a évité le pire, du moins pour l'instant. Les 140 milliards de dollars d'aide permettront au pays de continuer à rembourser ses dettes et à payer les intérêts.

Mais comment un pays se retrouve-t-il en défaut de paiement, comme la Russie et l'Argentine, en 1998 et 2001 ? Quelles sont les conséquences et les options ?

Comme les ménages, un pays fait défaut quand il vit au-dessus de ses moyens et ne parvient plus à régler ses dettes. Mais les pays, eux, ne font pas faillite : leurs actifs ne sont ni saisis, ni liquidés.

La décision d'un gouvernement de ne plus payer ses dettes a des conséquences importantes. Ses coûts d'emprunt explosent, son économie se contracte, sa réputation est entachée et les investisseurs désertent le pays. À moyen terme, le gouvernement doit s'asseoir avec ses créanciers pour renégocier le montant et l'échéancier de ses dettes.

Beaucoup de pays ont déjà fait défaut. Depuis 1900, la Grèce s'est retrouvée en moyenne une année sur deux dans cette situation ! Même les États-Unis l'ont été une fois, durant la Guerre de Sécession (1861 à 1865). Le Canada n'a jamais manqué à ses obligations.

En fait, les pays qui n'ont pas de dette à l'étranger et qui ont leur propre monnaie ne peuvent pas faire défaillance. Leur gouvernement peut créer de la monnaie pour effacer ses dettes.

1. Les pays en défaillance relancent leurs exportations en dévaluant leur monnaie

Les pays en défaut dévaluent souvent leur monnaie, comme la Russie en 1998, et l'Argentine, en 2002 - la Grèce ne pourrait pas le faire puisqu'elle fait partie de la zone euro. Le rouble était alors arrimé à un panier de devises, tandis que le peso argentin était fixé à parité avec le dollar américain. " La dévaluation relance les exportations, mais c'est le seul avantage ", dit Philippe Bergevin, analyste de l'Institut C.D. Howe. En dévaluant sa monnaie, un pays fait bondir l'inflation et nuit à son économie. Et si l'inflation réduit la dette détenue par les investisseurs nationaux (le gouvernement augmente ses revenus dans la même proportion que la hausse des prix, tandis que la valeur de sa dette, elle, demeure constante), elle fait par contre bondir la valeur des créances détenues par des étrangers.

2. Les marchés boursiers des pays en défaillance s'effondrent

Pour un pays, faire défaut, c'est comme contracter le virus de la grippe A(H1N1) : on vous évite comme la peste. En finance, cela se traduit par une fuite de capitaux. " Les investisseurs et les spéculateurs retirent leurs billes coûte que coûte ", explique François Barrière, vice-président, marchés internationaux, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. La Russie et l'Argentine ont vécu cette expérience. Les pays en défaillance sabrent également dans les dépenses publiques (biens, services, infrastructures), ce qui réduit l'activité économique et fait fondre les bénéfices des sociétés inscrites en Bourse. Durant une crise de la dette, les titres des banques - qui prêtent aux gouvernements - cotées dans un pays en défaillance sont également malmenés, ce qui accentue la chute boursière.

3. Le Québec est très endetté, mais il a des actifs comme Hydro-Québec

Si le Québec était en 2008 presque aussi endetté que la Grèce (en tenant compte de la partie de la dette fédérale que doivent assumer les Québécois), sa situation est loin d'être aussi critique, selon Mario Fortin, professeur d'économie de l'Université de Sherbrooke. " Le Québec n'est pas à l'abri d'une défaillance, mais il a Hydro-Québec, dit-il. Cela change le portait de notre endettement si on tient compte de cet important actif, que ne possède pas la Grèce. " Dans un scénario qui comprend la libéralisation de ses tarifs d'électricité, Hydro-Québec vaudrait de 100 à 120 milliards de dollars, selon une étude réalisée par des étudiants au MBA pour cadres de l'Université de Sherbrooke. Sans vendre la société d'État, Québec pourrait payer sa dette en libéralisant totalement les tarifs, souligne M. Fortin.

Le Québec presque aussi endetté que la Grèce selon la méthodologie de l'OCDE ¹

Rang / Entité / 2008 (en pourcentage du PIB)

1 / Japon / 172,1

2 / Italie / 114,4

3 / Grèce / 102,6

4 / Islande / 96,3

5 / Québec / 94

6 / Belgique / 93,5

7 / Total OCDE / 78,4

8 / Hongrie / 77

9 / France / 75,7

10 / Portugal / 75,2

11 / Zone euro / 73,2

12 / États-Unis / 70

13 / Canada / 69,7

14 / Allemagne / 68,8

15 / Autriche / 66,2

¹ Selon la méthodologie de l'OCDE, la dette publique d'un pays correspond au total de ses passifs, excluant les engagement à l'égard des régimes de retraitres. Dans le cas du Québec, le total des passifs comprend la dette brute, excluant les engagements à l'égard des régimes de retraite, ainsi que les autres éléments de passif, comme les comptes à payer. La dette comprend aussi l'ensemble des organismes du secteur public. Dans le cas du Québec, il faut aussi ajouter la partie de la dette du gouvernement du Canada calculée au prorata de la population.

Sources : OCDE pour la dette des pays (au 31 décembre 2008), ministère des Finances du Québec pour la dette du Québec (au 31 mars 2009, en incluant la portion québécoise de la dette fédérale)

francois.normand@transcontinental.ca

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