" S'il était vivant, Keynes encadrerait la finance "

Publié le 08/11/2008 à 00:00

" S'il était vivant, Keynes encadrerait la finance "

Publié le 08/11/2008 à 00:00

Par François Normand

On le croyait mort et enterré, ses idées aux oubliettes. C'était sans compter la crise financière qui donne un second souffle à sa pensée. Comme venue d'outre-tombe, la voix de John Maynard Keynes résonne aujourd'hui dans les officines des gouvernements qui tentent de contenir le pire cataclysme économique depuis les années 1930.

Cet économiste britannique est devenu célèbre après la publication, en 1936, de la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, un texte à l'origine d'une révolution en économie, qui a d'ailleurs donné naissance à un courant d'idées, le keynésianisme.

Keynes dénonçait l'ultralibéralisme et pronait l'interventionnisme de l'État, surtout en temps de crise.

Ayant assisté à la crise financière des années 1930, il prônait un encadrement des flux de capitaux et du système bancaire. Ce qui n'est pas sans rappeler les mesures annoncées récemment par des gouvernements occidentaux pour sauver leurs banques en les nationalisant partiellement.

Pour comprendre ce retour des idées keynésiennes, nous avons parlé à Gilles Dostaler, spécialiste mondial de Keynes, qui enseigne l'histoire de la pensée économique à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

Journal Les Affaires - Keynes revient à la mode. Assistons-nous à un retour véritable des idées keynésiennes ?

Gilles Dostaler - C'est certain qu'il y a un retour puisque nous faisons face à une crise qui, sans être identique à celle des années 1930, a des points de ressemblance avec cette dernière. Cela dit, il faut dissiper un malentendu. Les gens ont tendance à dire que Keynes a élaboré sa pensée en réponse à la crise de 1929. C'est vrai en partie. Mais il avait commencé à élaborer ses idées pour assurer le plein emploi avant la crise. Pendant les années 1920, le taux de chômage au Royaume-Uni n'est jamais descendu sous la barre des 10 %.

JLA - Si Keynes vivait parmi nous aujourd'hui, que ferait-il pour limiter les effets de la crise financière ?

G.D. - Il encadrerait la finance. En 1944, à la Conférence de Bretton Woods [qui a abouti à l'adoption du système monétaire international en vigueur de 1945 à 1971], il prônait un contrôle étroit des mouvements de capitaux. Il voulait aussi discipliner la Bourse.

Bien sûr, la nationalisation des banques s'inscrit dans cette perspective. Après la Deuxième Guerre mondiale, la France et d'autres pays ont d'ailleurs nationalisé leur système bancaire. Cette stratégie était notamment inspirée des idées de Keynes.

Il ne sabrerait pas dans les dépenses sociales. Selon lui, l'État ne devait pas réduire le filet social. Il fallait au contraire le renforcer en période de crise. Keynes utiliserait aussi la politique budgétaire. Il disait que les gouvernements devaient enregistrer des déficits en période de récession pour relancer l'économie, mais qu'ils devaient rétablir des surplus en période de croissance.

Enfin, l'État jouerait un rôle d'investisseur dans l'économie. Selon Keynes, c'était une erreur de penser que la production était la fonction exclusive du secteur privé et que le gouvernement devait se contenter de fixer les règles du jeu. Dans certaines circonstances, disait-il, l'État pouvait aussi agir lui-même comme un investisseur et un constructeur.

francois.normand@transcontinental.ca

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