« Le marché boursier, c'est fini pour nous »

Publié le 13/06/2009 à 00:00

« Le marché boursier, c'est fini pour nous »

Publié le 13/06/2009 à 00:00

En 1970, Alan Patricof a lancé le fonds de capital de risque Apax, doté de 2 millions de dollars américains. America Online et Apple font partie des jeunes pousses qu'il a aidées à grandir. Mais Apax, qui gère maintenant 35 milliards de dollars, est devenu trop gros pour cet homme qui a un faible pour le démarrage et qui commence maintenant à s'intéresser aux petites sociétés canadiennes par l'intermédiaire de sa nouvelle firme, Greycroft.

Journal Les Affaires - Avec la crise financière, plusieurs affirment que le modèle du capital de risque est cassé. Êtesvous d'accord ?

Alan Patricof - Il n'est pas cassé, il est en transformation. Avant, la principale porte de sortie pour les sociétés de capital de risque, c'était les premiers appels publics à l'épargne [PAPE]. Mais à mon avis, le marché boursier, c'est terminé pour nous. L'an dernier, aux États-Unis, il n'y a eu que trois PAPE, alors qu'avant il y en avait eu des centaines. Selon moi, aujourd'hui, à moins de valoir 250 millions de dollars et d'être capable de faire des tours de financement de 50 millions, une entreprise aura du mal à entrer en Bourse. De plus, les coûts liés aux PAPE augmentent, entre autres à cause de la loi Sarbanes-Oxley. Et les banques n'ont plus les moyens de payer des analystes pour suivre les entreprises en démarrage. Donc, la seule porte de sortie qui reste est celle des fusions et acquisitions et des rachats.

JLA - Qu'est-ce que cela signifie pour les capital-risqueurs ?

A.P. - Ils doivent être très prudents dans leurs investissements et s'assurer qu'ils entrent assez tôt dans une entreprise pour pouvoir profiter d'une vente de, disons, 70 millions de dollars; c'est le prix moyen de sortie pour une société appuyée par un fonds de capital de risque aux États-Unis au cours des 10 dernières années.

En fait, la situation actuelle avantage les petites sociétés de capital de risque qui veulent faire du démarrage par rapport aux géantes, qui, dans le passé, ont surfinancé les entreprises, suscitant ainsi des attentes excessives de la part des entrepreneurs et un marché artificiellement élevé. Nous entrons maintenant dans un nouveau modèle où les entrepreneurs préféreront de plus petits investissements, qui vont leur permettre de mieux contrôler la croissance de leur entreprise. Ma nouvelle devise est : « Think small. » Je parle ici de sociétés de capital de risque qui font des investissements de 500 000 $ à quelques millions de dollars et qui ne gèrent pas plus d'une centaine de millions, comme le gestionnaire de fonds iNovia Capital à Montréal. Il y a moins de compétition dans le marché des petits fonds de capital de risque. Nous sommes donc avantagés par plus de choix.

JLA - Vous êtes partenaire d'iNovia, avec qui vous avez investi dans une entreprise en démarrage américaine. Qu'estce qu'il faudra pour vous décider à investir au Canada ?

A.P. - C'est simple : de bonnes entreprises ! Avec iNovia, nous regardons justement trois entreprises, à Guelph, Waterloo et Calgary. L'industrie du capital de risque est très jeune ici. Je crois que cela a été une bonne idée de financer des fonds privés canadiens qui investissent dans des fonds américains. Cela nous aide à mieux vous connaître et, par conséquent, à mieux connaître les investissements intéressants à faire au Canada. Beaucoup de sociétés de capital de risque américaines placent les investissements au Canada dans la catégorie « investissements étrangers », et elles ont tort. Lorsque j'ai créé mon nouveau fonds [Greycroft], j'ai d'abord décidé que 90 % de mes investissements seraient effectués aux ÉtatsUnis. Puis, j'ai modifié la formule : je dis maintenant que 90 % de mes investissements se feront en Amérique du Nord. C'est une nuance importante.

JLA - Que pensez-vous de la stratégie du Québec de créer un fonds de fonds de 825 millions de dollars ?

A.P. - C'est une bonne idée. Avec une industrie aussi jeune que la vôtre, il est nécessaire d'amorcer la pompe. Cela permettra de faire naître une culture d'entrepreneurs en série.

JLA - En capital de risque, il y a eu la vague d'Internet. Les technologies vertes serontelles la vague de l'avenir ?

A.P. - Les technologies vertes me posent problème. D'une part, je les trouve socialement utiles et je souhaite qu'on les encourage. Mais en tant qu'investisseur, j'en ai peur ! Elles demandent énormément d'argent en échange d'un rendement très lointain et d'un risque extrêmement élevé. C'est aux gouvernements de soutenir ces technologies. Je crois que nous pouvons encore surfer sur la vague des technologies de l'information. Il y a aussi le secteur de la publicité et des contenus où développer de nouveaux outils de mesure ou trouver des façons de rentabiliser les contenus.

( CV )

Nom : Alan Patricof

Âge : 73 ans

Titre : Président

Entreprise : Greycroft

Fondateur d'Apax, une des plus grandes sociétés de capital de risque au monde, il a créé, en 2006, une plus petite firme appelée Greycroft, établie à New York. Il a fondé le New York Magazine. Il est aussi membre du New York Small Business Venture Fund et du conseil des gouverneurs de la Columbia University Graduate School of Business.

suzanne.dansereau@transcontinental.ca

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