En quoi les théories de l'économiste John Maynard Keynes et du père de la psychanalyse, Sigmund Freud peuvent nous éclairer sur la crise économique ?
Tout le monde commence à dire que l'un des moteurs de la crise est la cupidité. C'est sans parler des gens qui veulent faire un maximum de profit à court terme. Selon Keynes, ces comportements tiennent à un phénomène inhérent au capitalisme, soit l'amour de l'argent, où sa possession devient une fin en soi plutôt qu'un moyen. Pour sa part, Freud affirme que chaque individu est animé par des pulsions autodestructrices. Cette pulsion de mort est à l'origine des guerres et des affrontements sociaux. Keynes reprend cette idée en montrant qu'il y a aussi quelque chose de destructeur dans l'accumulation constante de l'argent, qui peut mener à la ruine [notamment à cause de l'épuisement des ressources].
Le livre Capitalisme et pulsion de mort que vous venez de publier avec l'économiste français Bernard Maris évoque aussi la fin possible du capitalisme sous sa forme actuelle. Ce n'est pas la première fois qu'on entend ce genre de prédiction. Pourquoi cela est-il probable cette fois-ci ?
On ne sait pas de quoi l'avenir sera fait, et je ne suis pas du tout certain que la prédiction se réalisera cette fois-ci. Ce que nous disons plutôt dans le livre, c'est que Keynes était optimiste quant à l'avenir [il prévoyait une économie harmonieuse en 2030] et que Freud était plutôt pessimiste [il pensait que les pulsions destructrices étaient tellement ancrées dans la nature humaine que la société allait sans doute s'autodétruire].
Dans cette optique, nous sommes condamnés à vivre l'un de ces deux scénarios ?
Oui. Si on adopte une perspective freudienne, on a des raisons d'être très pessimiste. Mais si on se place dans la perspective keynésienne, il y a de l'espoir. Bref, soit que les plans de relance redémarreront l'économie, mais sans changements structurels, de sorte qu'on sera aux prises avec une crise encore plus grave d'ici quelques années; soit que les réformes provoqueront des transformations radicales, créant une plus grande harmonie entre la protection de l'environnement et le développement économique, le tout accompagné d'une réduction des inégalités sociales.
( CV )
Nom: Gilles Dostaler
Âge: 62 ans
Fonction: Professeur d'histoire de la pensée économique
Organisation: Université du Québec à Montréal
Il est l'auteur d'ouvrages traduits en plusieurs langues, dont Capitalisme et pulsion de mort.
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