Y A-T-IL UN DAUPHIN DANS LA SALLE ?

Publié le 25/09/2010 à 00:00

Y A-T-IL UN DAUPHIN DANS LA SALLE ?

Publié le 25/09/2010 à 00:00

Par Marie-Claude Morin

Les entreprises québécoises sont discrètes quant à la succession de leur pdg. Neuf cas analysés avec des experts financiers.

Ils ont fait croître leur entreprise à la vitesse grand V, piloté tant d'acquisitions que vous ne pouvez les nommer toutes, manoeuvré dans la grisaille des récessions. Maintenant qu'ils ont atteint ou atteindront sous peu la soixantaine, qui prendra la relève des pdg d'entreprises-phares comme Astral, Quincaillerie Richelieu, Transat A.T. et autres ?

Le sujet est encore tabou chez certains dirigeants québécois, qui repoussent du revers de la main toute allusion à leur départ éventuel. Compte tenu du fait que former à l'interne un successeur au pdg peut prendre environ trois ans, l'enjeu se doit toutefois d'être à l'ordre du jour du conseil d'administration de ces sociétés.

" Cela devient un enjeu important pour les investisseurs quand certains dirigeants ont joué un rôle clé dans la croissance de l'entreprise ", souligne Richard Fortin, analyste en placements chez Bissett Investment Management.

Transat A.T.

Jean-Marc Eustache, 66 ans, reste le seul fondateur à la tête de Transat A.T., une entreprise dont la création remonte au début des années 1980. Son dauphin pressenti : Nelson Gentiletti, ancien président de Transat Tours Canada et chef de la direction financière, promu chef de l'exploitation après le départ à la retraite des cofondateurs Lina De Cesare et Philippe Sureau, à l'automne 2009.

" Nelson Gentiletti est considéré comme le futur pdg, mais comme Jean-Marc Eustache ne semble pas pressé de partir, la transition sera progressive ", affirme Christian Godin, vice-président principal chez Montrusco Bolton. Soulignant l'expérience et les compétences de gestionnaire de M. Gentiletti, le portefeuilliste dit ne pas être inquiet quant à la passation des pouvoirs.

Ben Vendittelli, analyste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, croit lui aussi que les responsabilités croissantes et la visibilité accrue de M. Gentiletti en font le successeur le plus probable. Il pense en fait que la direction de Transat planifie la relève depuis plusieurs années déjà, peut-être sept ou huit ans, et ce, à tous les niveaux de la direction.

Par ailleurs, M. Vendittelli rappelle que Mme De Cesare et M. Sureau demeurent consultants pour l'entreprise. " Lorsqu'il prendra sa retraite, M. Eustache restera fort probablement président du conseil d'administration ", dit l'analyste.

Quincaillerie Richelieu

À la barre de Quincaillerie Richelieu depuis 1988, Richard Lord a réalisé près d'une quarantaine d'acquisitions et fait passer le chiffre d'affaires de 30 à 424 millions de dollars (M$). " Richelieu a profité d'un contexte favorable, mais cela n'explique pas tout. Richard Lord a anticipé les tendances et évité les écueils ", précise Benoit Caron, analyste à la Banque Nationale Financière.

Heureusement, l'entreprise dispose d'au moins cinq ans pour trouver et préparer un dauphin en remplacement du pdg de 59 ans, avant qu'il ne se retire dans ses terres, lui qui possède une érablière. Le conseil de Richelieu a en effet mis en place, cet été, une allocation de retraite d'une valeur courante de 1,7 M$, qui sera bonifiée jusqu'à 2,3 M$ au 1er décembre 2016.

Selon les experts, M. Lord est bien entouré et n'hésite pas à mettre de l'avant ses adjoints, dont le vice-président et chef de la direction financière, Alain Giasson, et les vice-présidents, ventes et marketing, Guy Grenier et Christian Ladouceur. " Ce sont tous de bons gestionnaires, mais nous ne savons pas encore qui remplacera M. Lord ", commente Richard Fortin, de Bissett Investment Management, qui se dit peu inquiet de la situation, étant donné que M. Lord possède une participation importante dans Richelieu (6,6 %).

" Je crois qu'ils n'ont pas encore ciblé clairement le bras droit qu'ils feront progresser jusqu'au poste de pdg ", dit M. Caron. Le successeur pourrait aussi être recruté à l'externe, par exemple chez un client comme Rona, Kohler ou Lowe's.

Industries Lassonde

Le plan de succession de Pierre-Paul Lassonde, président du conseil depuis 1973 et chef de la direction depuis 1999, va bon train chez le fabricant de jus. Actif dans l'entreprise familiale depuis 1964, M. Lassonde cède progressivement des responsabilités à Jean Gattuso. En mars 2009, M. Gattuso est passé de pdg de A. Lassonde (la division jus) à chef de l'exploitation d'Industries Lassonde (le siège social), un poste créé " afin de chapeauter l'activité [des] filiales ", peut-on lire dans la circulaire de la direction.

" C'est vraiment M. Gattuso qui voit ses fonctions s'accroître ", juge M. Godin, heureux de ce choix. Des membres de la quatrième génération des Lassonde travaillent dans l'entreprise, mais ils ne semblent pas pressentis pour occuper le poste de pdg. Nathalie Lassonde, par exemple, est directrice corporative, personnes et valeurs, et administratrice. " Il est peu probable qu'elle joue le même rôle que Pierre-Paul Lassonde dans les activités en raison de la taille de l'entreprise. Lorsque M. Lassonde est arrivé, l'entreprise était encore une PME. "

Même si les héritiers n'occupent pas de postes de direction clés, la famille Lassonde restera présente dans l'entreprise, croit Vincent Perri, analyste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne. " Pierre-Paul Lassonde pourrait rester pdg un certain temps, puisqu'il ne parle pas encore de retraite ", ajoute M. Perri. Lui aussi voit en Jean Gattuso le successeur le plus probable.

Reitmans

Le marché associe le spécialiste des boutiques pour femmes à Jeremy Reitman, son pdg.

" M. Reitman occupe beaucoup de place et sera probablement encore là dans un proche avenir ", dit Stéphane Gagnon, gestionnaire au Fonds des professionnels.

Mais à 64 ans, le pdg doit commencer à penser à la suite des choses, ne serait-ce que pour rassurer les investisseurs. " L'embauche [en décembre 2009] de Pierre Lavallée à titre de vice-président directeur est une première étape. Cela permet à Jeremy Reitman de se décharger de certaines responsabilités stratégiques ", explique M. Gagnon.

M. Lavallée, qui a oeuvré 18 ans chez Bain Capital, veille notamment aux acquisitions chez Reitmans. Il est pressenti pour prendre la relève de M. Reitman, mais les jeux ne seraient pas encore faits. " Jeremy Reitman pense toujours à long terme. Il a probablement embauché M. Lavallée pour prendre sa retraite dans cinq ans, ce qui lui laisse le temps de le mettre à l'épreuve ", dit Neil Linsdell, analyste chez Partenaires Versant.

La relève du pdg de Reitmans n'inquiète pas les experts. Certains mentionnent les nombreux dirigeants à la tête de l'une ou l'autre des enseignes, d'autres soulignent la présence de Stephen Reitman, frère de Jeremy, au poste de président et chef de l'exploitation. " Stephen Reitman est très engagé dans l'entreprise et pourrait assurer une transition au besoin ", estime Marie-Ève Savard, analyste en placements chez Investissements Standard Life. L'ascension des enfants Reitman ne semble toutefois pas faire partie des plans pour le moment.

Astral Media

Malgré ses 68 ans, Ian Greenberg ne semble pas prêt à troquer son bureau de pdg d'Astral pour les terrains de golf. " Comme M. Greenberg compte demeurer en poste pendant plusieurs années, il est trop tôt pour parler de plan de relève ", a répondu par courriel Pierre Boisseau, vice-président adjoint, communications corporatives, à la demande d'entrevue des Affaires. M. Greenberg a fondé Astral avec ses trois frères il y a près de 50 ans et occupe le poste de pdg depuis 1996.

" Je crois qu'il pense qu'il vivra jusqu'à 100 ans ", commente en riant Stéphane Gagnon, du Fonds des professionnels. " Il devra en discuter avant longtemps, mais c'est encore un sujet délicat. " La situation n'inquiète pas M. Gagnon pour autant. M. Greenberg s'est bien entouré depuis longtemps et le conseil d'administration a certainement un plan de contingence.

Jacques Parisien, président des groupes Radio et Affichage, pourrait être pressenti comme successeur. " Il connaît bien les activités et est chez Astral depuis plusieurs années ", souligne M. Gagnon.

Claude Gagnon, vice-président principal et chef de la direction financière, jouit aussi d'une solide expérience et d'une certaine visibilité auprès des investisseurs.

Quelle que soit la relève, les investisseurs peuvent dormir en paix, dit Jacques Chartrand, président de Gestion de portefeuille Selexia. " Astral n'aurait aucune difficulté à trouver un acheteur si la famille décidait de se retirer de l'entreprise. "

Industries Dorel

Dorel est dirigée par Martin Schwartz, ses frères Alan et Jeffrey et son beau-frère, Jeff Segel. Âgé de 61 ans, Martin Schwartz a été vice-président puis pdg de l'entreprise familiale, poste qu'il occupe depuis 1992. En entrevue avec Les Affaires en mars dernier, M. Schwartz assurait qu'aucun d'entre eux ne songeait à quitter l'entreprise pour l'instant. " Néanmoins, la nomination de présidents à la tête de chacune de nos divisions est un pas vers la planification de la relève ", avait-il dit.

Advenant un manque de relève, la famille pourrait toujours vendre l'entreprise, croient Alain Chung, gestionnaire chez Claret, et Jacques Chartrand, de Gestion Selexia. Cette solution rassure les deux portefeuillistes, bien qu'ils n'envisagent pas un tel scénario à court terme.

Dollarama

À 67 ans, Larry Rossy semble bien en selle à la tête de la chaîne de magasins Dollarama. " Il est très engagé dans l'entreprise et ne semble pas prêt à partir ", souligne Marie-Ève Savard, analyste chez Investissements Standard Life.

À plus long terme, son fils Neil Rossy, chef de la mise en marché, ou Stéphane Gonthier, chef de l'exploitation, représentent des candidats intéressants. " Neil Rossy semble très compétent et le marché croit qu'il pourrait prendre la relève. Stéphane Gonthier est lui aussi bien considéré, grâce à son excellente expérience dans la gestion des activités et à ses qualités de gestionnaire ", dit Mme Savard.

Groupe BMTC

Fidèle à ses habitudes, Yves Des Groseillers refuse les entrevues et entretient le mystère quant à sa succession à la tête du détaillant de meubles Groupe BMTC (Brault et Martineau et Ameublement Tanguay).

Les gestionnaires de portefeuille ne s'entendent pas sur le rôle qu'il entend faire jouer à ses enfants, Charles et Marie-Berthe. Le premier est vice-président de la société d'investissement familiale, alors que la seconde agit comme secrétaire du Groupe. Tous deux siègent au conseil de BMTC.

Par ailleurs, Maurice et Jacques Tanguay, ainsi que Michel Labrecque, président de Brault et Martineau, occupent des postes clés au sein de l'entreprise. " M. Des Groseillers a déjà délégué beaucoup des activités courantes aux responsables de divisions ", dit M. Godin, confiant, même s'il ne voit pas de plan défini.

Selon François Rochon, président de Giverny Capital, M. Des Groseillers a sûrement un plan, mais préfère ne pas en discuter. De toute façon, celui qui dirige BMTC depuis 1989 ne parle pas encore de retraite. " Il est passionné par son travail et restera probablement en poste tant qu'il sera en bonne santé et aura la capacité de rester. "

Groupe MTY

En 25 ans, Stanley Ma a fait de MTY un géant dans les foires alimentaires du pays, comptant 26 enseignes et plus de 1 700 succursales franchisées (Sushi Shop, Thaï Express, La Crémière, etc.). Comme l'homme d'affaires d'une soixantaine d'années ne donne pas l'impression de rêver à la retraite, ses plans de succession ne préoccupent pas Vincent Perri, de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

" MTY réalise beaucoup d'acquisitions, ce qui lui permet d'aller chercher des gestionnaires de talent ", dit-il. De plus, Claude St-Pierre, la chef de la direction financière, est très active au sein de l'entreprise et pourrait prendre les rênes au besoin, ajoute M. Perri.

Des enfants de M. Ma travaillent également chez MTY, sans toutefois occuper de poste de direction pour le moment. " J'aime le fait que les enfants ne prennent pas automatiquement la relève ", commente M. Rochon, de Giverny Capital.

marie-claude.morin@transcontinental.ca

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